Attentats de janvier 2015: Bras droit, soutien logistique... Ali Riza Polat, accusé numéro un

PROCES Dans le box des accusés des attentats du mois de janvier 2015, Ali Riza Polat sera le seul à répondre de « complicités de crime », soupçonné d’être le bras droit du djihadiste Amedy Coulibaly

Caroline Politi
Ali Riza Polat est le seul accusé soupçonné de complicité pour les crimes commis contre Charlie Hebdo, l'Hypercacher et Montrouge
Ali Riza Polat est le seul accusé soupçonné de complicité pour les crimes commis contre Charlie Hebdo, l'Hypercacher et Montrouge — YOAN VALAT / POOL / AFP
  • Ce mercredi s’ouvre pour près de deux mois et demi le procès des attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’Hyper Cacher. Quatorze personnes sont jugées mais trois d’entre elles en leur absence.
  • Ali Riza Polat, 35 ans, est soupçonné d’avoir été le bras droit d’Amedy Coulibaly, présent à toutes les étapes de la préparation des attentats.
  • Le trentenaire nie les faits qui lui sont reprochés, reconnaissant seulement avoir monté des arnaques à l’assurance avec le terroriste.

A eux trois, ils ont tué 17 personnes et en ont grièvement blessé sept autres. Mais comme pour les tueries perpétrées par Mohammed Merah à Toulouse, le procès des attentats de janvier 2015 se tiendra sans les assassins. Les frères Kouachi et Amédy Coulibaly ont été abattus presque simultanément, le 9 janvier 2015, les uns à Dammartin-en-Goële, en Seine-et-Marne, après s’être retranchés pendant près d’une dizaine d’heures dans une imprimerie, l’autre à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, dans le 20e arrondissement de Paris. Si les quatre années d’instruction n’ont pas permis d’identifier les donneurs d’ordre de ces attaques, quatorze personnes, soupçonnées d’avoir apporté un soutien logistique aux terroristes, sont jugées à partir de ce mercredi par la cour d’assises spéciale, dont trois en leur absence.

« Un soldat face à un commandant »

Dans le box, seul Ali Riza Polat devra répondre de « complicité de crime », Mohamed Belhoucine, également renvoyé pour ce chef d'accusation, étant probablement mort en Syrie. Le Franco-turc de 35 ans, ami de longue date d’Amedy Coulibaly – tous deux ont grandi à Grigny –, est décrit par les juges d’instruction comme le bras droit du djihadiste, « présent à tous les stades de la préparation des actions terroristes ». Il est suspecté de l’avoir aidé à se procurer les armes employées tant pour les attaques de Montrouge et de l’Hyper Cacher que pour celle de Charlie Hebdo, soit en jouant les ouvreurs lors d’un convoi entre la Belgique et la France, soit en endossant un rôle d’intermédiaire. Au cours de leurs investigations, les enquêteurs ont notamment découvert, chez un autre des accusés, une liste dans laquelle l’auteur s’enquiert du prix pour un kilo de C4, des détonateurs ou « trois chargeurs de kalash ». Pour les experts en graphologie, pas de doute, l’écriture est celle d’Ali Riza Polat.

Lui, nie formellement tout comme il réfute les accusations portées à son encontre. Au cours de l’instruction, il a seulement admis avoir monté des escroqueries à l’assurance avec Amedy Coulibaly, expliquant qu’il espérait ainsi rembourser une « dette de stups » de près de 15.000 euros. Pourquoi alors avoir cherché à gagner la Syrie, trois jours seulement après les attentats ? Recalé à la frontière, Ali Riza Polat, converti à l’islam en 2013 après un séjour en prison, est rentré en France avant de repartir dès le lendemain pour un court séjour en Thaïlande. A son retour, et alors qu’il fait l’objet d’une étroite surveillance, il entreprend d’étranges promenades qui pourraient s’apparenter à un macabre pèlerinage. Le 28 janvier, il se rend devant l’Hyper Cacher pour « lire les mots que les gens avaient écrits », le lendemain, il se promène près de Bastille, à deux pas des locaux de Charlie Hebdo. Aux enquêteurs, il expliquera avoir été là-bas pour manger « une pomme d’amour ». Tout comme le faisait Amedy Coulibaly. « Rien que pour ça, il se rendait à Bastille », se remémore-t-il.

Mais pendant ces deux mois et demi, la cour d’assises devra s’attacher à démêler le rôle des uns et des autres. Parmi les dix autres accusés présents, âgés de 28 à 68 ans, les profils varient du tout au tout. Certains sont des petits délinquants de la région parisienne, qui ont grandi dans le même quartier qu’Amedy Coulibaly ou l’ont rencontré en détention, d’autres ont un lourd passé délinquantiel et gravitent autour de garages en Belgique ou à Charleville-Mézières, où vivait Saïd Kouachi. Achat de véhicules, acquisition d’armes, de gilets par balle ou de gazeuses… Tous sont soupçonnés d’avoir, à différents niveaux, apportés un soutien aux terroristes. Des empreintes digitales de deux des accusés ont notamment été retrouvées sur des armes en possession d’Amedy Coulibaly. Tous les accusés – à l’exception d’un seul – sont renvoyés pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », la justice ayant considéré que même s’ils ignoraient les détails du projet, ils ne pouvaient ignorer la radicalisation des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly. Ils encourent 30 ans de réclusion criminelle, à l’exception d’Ali Riza Polat qui risque la perpétuité.