Terrorisme : « Je suis devenu émir », Tyler Vilus, le premier djihadiste français jugé pour des meurtres en Syrie
PROCES Tyler Vilus est le premier Français jugé pour sa participation à deux meurtres commis en Syrie
- Tyler Vilus a été interpellé en juillet 2015 en Turquie alors qu’il voyageait avec le passeport d’un Suédois.
- Sa mère, surnommée « Mamie Djihad », a été condamnée à dix ans de prison pour s’être rendue à plusieurs reprises en Syrie et avoir encouragé le départ de plusieurs jeunes femmes.
- Les juges d’instruction ont longtemps cherché à déterminer l’implication de Tyler Vilus dans les attentats du 13-Novembre.
La scène est difficilement soutenable. Deux hommes à genoux, vêtus de combinaisons orange, froidement abattus d’une balle dans la tête devant une petite foule de spectateurs au premier rang desquels quelques enfants. Ce double meurtre, dont la vidéo a été diffusée au printemps 2015 sur la chaîne de propagande du groupe Etat islamique, s’est déroulé en Syrie mais a rapidement attiré l’attention des autorités françaises. Car au second plan, parmi les djihadistes qui encadrent l’exécution, figure un homme bien connu des services de renseignement : Tyler Vilus, un Troyen considéré comme un pionnier du djihad. Ce jeudi, il sera le premier Français à comparaître devant la cour d’assises spéciale de Paris pour des meurtres commis « sur zone ». Egalement jugé pour « direction d’un groupement terroriste », il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Tyler Vilus, 30 ans, a été interpellé le 2 juillet 2015 à l’aéroport d’Istanbul alors qu’il tentait de se rendre à Prague, en République tchèque, avec le passeport d’un Suédois. Il lui ressemble vaguement – métis, cheveux ras, yeux marron – mais pas suffisamment pour tromper la vigilance des douaniers turcs. Il faut dire que ce converti figure parmi les Français les plus recherchés du moment. Après avoir échoué à intégrer la Légion étrangère, il part dès 2011 rejoindre un groupe djihadiste en Tunisie. L’année suivante, il effectue un premier voyage en Syrie avant de s’y établir en mars 2013.
« Les Français m’ont mis à la tête d’un groupe »
Il se fait d’abord remarquer pour son prosélytisme sur les réseaux sociaux. Sur sa page Facebook, il revendique son affiliation à l’organisation terroriste, relaie des vidéos de propagande et appelle ses lecteurs à commettre des actions violentes en France. Rapidement, Tyler Vilus devient une figure de « la brigade des immigrés », celle par laquelle sont passés bon nombre des terroristes des attentats de Paris et Bruxelles. Il officie d’abord au sein de la police islamique avant de monter en grade et prendre la tête d’un groupe de combattants.
Si tout au long de l’instruction il n’a eu de cesse de minimiser son implication, les enquêteurs ont exhumé près de 4.000 messages échangés avec sa mère. « En plus d’être flic, les Français m’ont mis à la tête d’un groupe, je suis devenu émir », lui confie-t-il en août 2013. « Je savais que tu monterais, tu es fait pour ça […]. Bravo mon fils, tu arrives à tout gérer », lui répond cette dernière, elle-même bien connue de la justice. Christine Rivière, surnommée « Mamie Djihad » a été condamnée en appel à dix ans de prison pour s’être rendue à trois reprises en Syrie et pour avoir contribué au départ de plusieurs jeunes femmes. Interrogée à son procès sur le sens de son message, la quinquagénaire a expliqué qu’elle faisait référence à la personnalité de son fils. « Il a toujours du monde autour de lui, il a toujours fédéré. » Quant à son choix de mourir en martyr, elle s'était fait une raison : « Ça ne me rendait pas heureuse, mais c’est ce qu’il voulait. »
Longtemps soupçonné d’être le 11e homme des attentats du 13-Novembre
Si Tyler Vilus est renvoyé devant la cour d’assises pour ses activités criminelles en Syrie, les juges d’instruction l’ont longtemps soupçonné – sans jamais parvenir à l’établir formellement – d’être le 11e homme des attentats du 13-Novembre. En juillet 2015, alors qu’il vient d’être interpellé, il parvient à conserver son téléphone portable pendant près d’un mois. « Je supprime ton numéro et les autres pour qu’ils trouvent rien. Ils vont pas m’enfermer indéfiniment, ça change rien. Quand je sors, j’agis », écrit-il à l’un de ses contacts, le jour même de son arrestation. Selon France Inter, après de longues investigations, les enquêteurs estiment que ce numéro appartiendrait à Abdelhamid Abaaoud, qui a conduit les attentats de novembre. S’il ne cache pas l’avoir rencontré, au même titre que d’autres membres du commando, Tyler Vilus conteste son implication. Tout au long de l’enquête, il n’aura de cesse de répéter que lors de son interpellation il quittait la Syrie pour se rendre en Mauritanie afin d’y exercer librement sa foi.