Grenoble : Le chirurgien, suspendu pour des erreurs médicales, a été mis en examen pour homicide involontaire et blessures involontaires
ENQUETE Il est désormais poursuivi pour homicide involontaire sur deux patients et blessures involontaires sur 74 autres
Le chirurgien de Grenoble (Isère), accusé par des dizaines de patients d’avoir commis des erreurs médicales et suspendu par le conseil de l'ordre des médecins à la suite d’une enquête de l’Assurance maladie, a été mis en examen le 10 juin, apprend-on ce lundi auprès du parquet, confirmant ainsi une information de RTL.
Le praticien, spécialiste des opérations du dos, qui « conteste sa responsabilité » et « dénonce l’emballement médiatique autour de lui », a été mis en examen pour homicides involontaires sur deux patients et pour blessures involontaires sur 74 autres personnes, précise Eric Vaillant, le procureur de la République de Grenoble. Il a également été placé sous contrôle judiciaire avec l’interdiction d’exercer toute activité médicale.
« Cela prouve qu’il y a des indices graves ou concordants »
« Cette mise en examen est la preuve que les juges estiment qu’il y a des indices graves ou concordants. La justice a pris la juste mesure de l’ampleur des dégâts et de la dangerosité de ce chirurgien », réagit Edouard Bourgin, défenseur d’une cinquantaine de patients, précisant que ses clients « ne sautent pas de joie même s’ils sont satisfaits ».
« Tout cela arrive bien mais tard », déplore-t-il, rappelant que le premier plaignant, aujourd’hui décédé, avait engagé une action en 2008. « La question est de savoir combien de blessés aurait pu être évités si les institutions fonctionnaient un peu mieux contre les médecins ? Sont-ils d’ailleurs intouchables ? Non. Sont-ils protégés ? Oui », estime Edouard Bourgin.
Du côté de la défense, Bernard Boulloud, avocat du chirurgien, accueille cette décision « avec un grand soulagement ». « Dans l’esprit des gens, une mise en examen est synonyme de culpabilité or, il s’agit de la mise en présomption d’innocence, explique-t-il. J’avais demandé la mise en examen de mon client dès le début, il y a plus d’un an. Cela aurait permis d’éviter le massacre médiatico-judiciaire dont il a été victime et qui a entraîné des menaces de mort à son encontre ».
«Ce n’est pas au nombre de plaintes qu’on établit la culpabilité de quelqu’un»
« Le dossier est enfin sur les rails, poursuit l’homme de loi. Mon client va pouvoir sortir du secret médical pour répondre aux plaignants. Les juges vont pouvoir instruire à charge et à décharge. Les experts judiciaires et médicaux auront à charge de vérifier la pertinence des plaintes et d’établir s’il y a un lien direct entre leurs séquelles ou handicaps et les interventions chirurgicales qu’ils ont subies. Car, ce n’est pas au nombre de plaintes qu’on établit la culpabilité de quelqu’un ».
Bernard Boulloud se dit « confiant » pour la suite, revigoré par une décision du président du conseil d’Etat, l’ayant informé le 12 juin qu’il allait réexaminer la sanction de l’Ordre des médecins, prononcée le 25 janvier 2019. A savoir une suspension de 18 mois à l’encontre du chirurgien. Cette décision, à l’origine de la procédure, faisait suite à une première enquête menée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Isère. 54 dossiers suspects étaient apparus lors des années 2013/2014. Trente patients affirmaient avoir été victimes de séquelles ou d’invalidité après avoir été opérés par le médecin grenoblois. Un dossier « à charge », estime Bernard Boulloud. « On sait que cela va prendre des mois mais nous allons arriver à démontrer sur mon client n’a commis aucune faute », prévient-il.
Mais pour Edouard Bourgin, les plaintes de ses clients « sont fondées ». « Si les faits n’étaient pas sérieux, le statut de témoin assisté aurait été utilisé et ce chirurgien en aurait bénéficié », conclut-il.