Mort de Marina Sabatier : La France condamnée par la CEDH pour n’avoir pas su protéger la fillette

DROIT EUROPÉEN La Cour européenne des droits de l’homme estime que la France a violé l’article 3 de la Convention, qui interdit « les tortures et les traitements inhumains » dont Marina a été victime

Vincent Vantighem
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Photo extraite de l'avis de recherche lancé par la gendarmerie pour retrouver Marina Sabatier, 8 ans, disparue en août 2009.
Photo extraite de l'avis de recherche lancé par la gendarmerie pour retrouver Marina Sabatier, 8 ans, disparue en août 2009. — JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
  • Âgée de 8 ans, Marina Sabatier est morte en 2009 après avoir subi des sévices pendant plus de six ans.
  • Ses parents ont été condamnés, en 2012, à trente ans de réclusion criminelle dont une période de sûreté de vingt ans par la cour d’assises de la Sarthe.
  • L’affaire avait profondément ému l’opinion publique car les maltraitances avaient fait l’objet de plusieurs signalements avant que Marina ne succombe.

Il y avait bien sûr les coups à répétition. Mais aussi les bains glacés. Et les nuits entières passées, seule, dans une cave. Des sévices qui ont duré six ans avant que, finalement, les enquêteurs ne retrouvent le corps de la petite Marina, 8 ans, coulé dans du béton dans un bac en plastique abandonné sur le parking d’un fast-food, près  du Mans (Sarthe).

Quasiment onze ans après ces faits, la France a été condamnée, ce jeudi, par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour n’avoir pas su protéger la fillette des agissements de ses parents avant que celle-ci meure. Dans une décision rendue ce jeudi, la Cour installée à Strasbourg estime que la France a violé l’article 3 de la Convention des droits de l’homme qui interdit « les tortures et traitements dégradants » dont la fillette a été victime.


« La Cour conclut que le système a failli à protéger [Marina] des graves abus qu’elle a subis de la part de ses parents et qui ont d’ailleurs abouti à son décès », précise ainsi la décision.

La caisse dans laquelle les parents de Marina l'ont ensevelie dans du béton.
La caisse dans laquelle les parents de Marina l'ont ensevelie dans du béton. - JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Le signalement de la directrice de l’école en cause

Comme 20 Minutes l'avait révélé en 2017, l’affaire avait été portée devant la justice européenne par les associations Enfance et Partage et Innocence en danger. Les deux structures reprochent à la justice française de n'avoir pas su prendre en compte les nombreux signalements de maltraitances sur Marina effectués avant qu’elle ne succombe aux coups.

Dans son arrêt, la Cour revient notamment sur le signalement effectué par la directrice de l’école de l’enfant en juin 2008. « La Cour constate que “le signalement pour suspicion de maltraitance” a déclenché l’obligation positive de l’État de procéder à des investigations. Elle conclut que les mesures prises par les autorités entre le moment du signalement et le décès de l’enfant n’étaient pas suffisantes pour protéger [Marina] des graves abus de ses parents. »

Un certificat médical faisait état de 16 lésions sur le corps de l’enfant

Revenant en détail sur l’intégralité de la procédure, la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît qu’il est « difficile, pour les autorités, de trouver un équilibre entre la nécessité de ne pas passer à côté d’un danger et le souci de respecter la vie familiale », mais estime que la France aurait pu prendre des mesures supplémentaires pour éviter le décès de la fillette de 8 ans qui avait ému la France.

Les magistrats européens estiment ainsi qu’il aurait été « utile » d’entendre les enseignantes qui ont constaté les premières blessures sur le corps de Marina. Un certificat médical faisant mention de 16 lésions avait en effet été établi à l’époque des faits. Au surplus, la Cour relève que les déménagements successifs des parents de Marina auraient dû faire l’objet d’investigations approfondies.

Lors de leur procès, les parents de Marina avaient avoué avoir déménagé cinq fois en deux ans dans le but d’échapper aux services sociaux, et avoir encouragé leur enfant de 8 ans à mentir aux gendarmes sur l’origine de ses blessures. Ils avaient finalement été condamnés à trente ans de réclusion criminelle, dont une période de sûreté de vingt ans, pour « actes de tortures et de barbarie ».