« Tu serais prêt à tirer dans la foule ? » : Un djihadiste formé par Abaaoud jugé aux assises

PROCES Reda Hame, 34 ans, est jugé aux assises à partir de jeudi à Paris. Il est soupçonné d’avoir voulu commettre un attentat

Thibaut Chevillard
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Abdelhamid Abaaoud a appris à Reda Hame à tirer à la kalachnikov
Abdelhamid Abaaoud a appris à Reda Hame à tirer à la kalachnikov — 20 minutes

« Tu serais prêt à tirer dans la foule ? », lui a demandé Abdelhamid Abaaoud : un technicien en informatique, recruté et formé en juin 2015 en Syrie par le cerveau des attaques du 13-Novembre, est jugé aux assises à partir de jeudi à Paris, soupçonné d’avoir voulu commettre un attentat.

Reda Hame, un Parisien aujourd’hui âgé de 34 ans, n’a passé que huit jours en Syrie en juin 2015. Mais il était au cœur de l’action, pris en charge par Abdelhamid Abaaoud. Après son arrestation en août 2015 à Paris, il a livré aux enquêteurs des informations inédites sur l’organisation de l'Etat islamique à Raqqa. Il a également évoqué des attaques à venir.

« Ce que je peux vous dire, c’est que cela va arriver très bientôt. Là-bas, c’était une véritable usine et ils cherchent vraiment à frapper en France ou en Europe. Vu la motivation des gens que j’ai rencontrés… », a-t-il rapporté aux enquêteurs.

« Imagine un concert de rock… »

Abdelhamid Abaaoud, qu’il connaissait sous le nom d’Abou Omar, lui a donné des leçons de tir à la kalachnikov. « Il m’a dit par exemple, imagine un concert de rock dans un pays européen, si on te passe de quoi t’armer, est-ce que tu serais prêt à tirer dans la foule ? ». Cinq mois plus tard, un commando de djihadistes attaquait le Bataclan.

Reda Hame est jugé pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime d’atteinte aux personnes ». S’il n’avait pas été interpellé, aurait-il commis un attentat ? Aurait-il fait partie des djihadistes du 13-Novembre ?

Selon son avocat Archibald Celeyron, il « n’a jamais eu la moindre intention de commettre un attentat. Et s’il n’avait pas été arrêté, aucun élément de l’enquête ne permet de dire qu’il aurait fait partie du commando du 13-Novembre ». « Le jour où Reda Hame a été arrêté, l'attaque du Bataclan n’était pas organisée », ajoute l’avocat.

Parti en Syrie après avoir perdu son travail et rompu avec sa petite amie, l’homme assure qu’il voulait rechercher un cousin marocain qui avait disparu. Il nie toute radicalisation religieuse, préfère parler de « radicalisation politique ».

Son profil – Parisien, informaticien, avec des papiers en règle – semble avoir intéressé Abdelhamid Abaaoud. Reda Hame a expliqué aux enquêteurs « avoir quitté le système standard du recrutement et être allé dans un système plus restreint et plus spécialisé ».

« Un parcours tortueux »

Abdelhamid Abaaoud l’a formé au tir à la kalachnikov. Reda Hame s’est blessé en utilisant une grenade assourdissante. Pendant son court séjour, il a aussi suivi une formation en cryptage informatique. Après une semaine en Syrie, Abdelhamid Abaaoud l’a conduit le 12 juin 2015 jusqu’à une ville frontalière avec la Turquie. Reda Hame affirme avoir feint d’accepter la mission de commettre un attentat afin de sortir de Syrie, récupérer ses papiers d’identité et rester en vie.

Mais suivant les conseils d’Abdelhamid Abaaoud, il a rejoint Paris en plusieurs étapes : Istanbul puis Belgrade, Prague, Amsterdam, Bruxelles. Un trajet similaire à celui qu’ont emprunté plusieurs autres djihadistes. C’était « un parcours tortueux destiné à déjouer les surveillances policières », relèvent dans leur ordonnance les magistrats instructeurs.

Reda Hame affirme ne plus avoir donné de signe de vie à Abaaoud, alors que celui-ci lui avait demandé de lui téléphoner depuis l’Europe de l’Est. « Il manquerait plus que je l’appelle alors que je fais tout pour sortir de ce bourbier », a-t-il affirmé aux enquêteurs. Pourtant, ces derniers le soupçonnent d’être resté en contact avec des djihadistes en utilisant plusieurs lignes téléphoniques étrangères.

Après plusieurs semaines de surveillance, Reda Hame a été interpellé chez lui, le 11 août 2015. Son parcours s’inscrit dans les « remontées de djihadistes de l’été 2015 ayant occasionné de nombreux attentats ou tentatives d’attentats en France et en Europe », estiment les juges d’instruction. Le procès doit se terminer le 25 février.