« Gilets jaunes » à Paris : « J’ai craqué »... Un manifestant condamné à un an ferme pour avoir dégradé la statue du maréchal Juin
PROCES Pierre T. a été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis et mise à l’épreuve, pour avoir participé à des dégradations le 16 novembre sur la statue du maréchal Juin, à Paris
- Le 16 novembre, la manifestation pour l'anniversaire du mouvement des « gilets jaunes » a été émaillée de nombreuses violences.
- Le prévenu a été interpellé à la suite de l’exploitation des images de vidéosurveillance.
- Un hommage républicain a été organisé deux jours après la dégradation de la statue du maréchal Juin
« Un craquage de dix minutes. » C’est ainsi que Pierre, T., 31 ans, a justifié ce lundi devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris, les dégradations commises sur la stèle du maréchal Juin il y a un mois jour pour jour, en marge d’une manifestation des « gilets jaunes ». Il a été condamné à deux ans de prison, dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, et devra régler la note présentée par la mairie de Paris pour la remise en état de ce monument en hommage au héros de la Seconde Guerre mondiale, soit 72.519 euros.
« J’ai vu rouge, j’ai craqué », a d’emblée reconnu le prévenu, longue silhouette fine et visage émacié. Il a été interpellé près de deux semaines après les faits au terme d’une minutieuse enquête du 3e district de police judiciaire, reposant principalement sur l’analyse des images de vidéosurveillance ainsi que celles tournées par les médias présents. On y voit ce père de quatre enfants, installé à Mantes-la-Ville, dans les Yvelines, s’acharner avec un pied de biche sur la stèle. Si d’autres personnes ont participé aux dégradations, il est le seul, à ce jour, à avoir été identifié. « Je n’étais pas venu dans le but de saccager », a-t-il insisté, droit comme un « i » à la barre, les bras dans le dos.
« C’était une zone de guerre »
Peinant à contenir sa colère, le prévenu – qui a participé à une trentaine de manifestations des « gilets jaunes » – a justifié son geste par le contexte particulier de cette journée organisée pour l'anniversaire du mouvement. Ce 16 décembre, explique-t-il, il est arrivé tôt le matin sur la place d’Italie d’où devait partir le cortège. Le parcours a été validé par la préfecture de police de Paris mais rapidement la situation se tend. Aux jets de projectiles et départs d’incendies, les forces de l’ordre répondent par des tirs de LBD et des gaz lacrymogènes. « On se retrouve nassé, gazé pendant des heures, on se prend des LBD, des GLI-F4 (…), c’était une zone de guerre », insiste le prévenu. A la barre, Pierre T. affirme avoir cherché à plusieurs reprises à quitter les lieux mais en avoir été empêché par les policiers. La stèle, indique-t-il, a été un exutoire à sa frustration, une manière de « décharger sa colère », même s’il affirme qu’il pensait détériorer un « muret » et non un monument.
En filigrane de cette audience toute en tension, c’est le portrait d’un homme désemparé et qui n’a plus grand-chose à perdre qui se dessine. Enfance particulièrement difficile, au chômage depuis longtemps, il peine, avec sa compagne, à joindre les deux bouts. « Je ne suis pas un black bloc, je ne suis pas un "gilet jaune", je suis un citoyen en colère, j’en ai marre de trimer dans la vie », s’emporte-t-il à la barre. Son casier compte néanmoins sept condamnations, dont plusieurs pour des violences, des outrages ou des faits de rébellion, dont certains contre des personnes dépositaire de l’autorité publique. Malgré une promesse d’embauche, Pierre T. reste pessimiste : « Si je me bats, c’est pour mes enfants, moi, mon avenir il est plié… »
Deux ans de prison ferme requis
Plus tôt dans l’après-midi, le parquet avait requis deux ans de prison ferme à son encontre, insistant notamment sur le fait que même s’il n’est pas poursuivi pour des violences sur des personnes dépositaires de l’autorité publique, des morceaux de la stèle ont été utilisés comme projectiles. « Ce n’est pas possible d’utiliser cette liberté d’expression et de manifestation pour commettre des actes de vandalisme », a insisté la procureure.
L’avocat du prévenu, Me Xavier Courteille, a, de son côté, déploré que seul l’aspect symbolique de ce dossier soit mis en avant. « Il s’attaque à un objet, un bien matériel », a insisté le conseil. A la sortie de l’audience, il s’est dit satisfait que le tribunal n’ait pas suivi les réquisitions du parquet mais s’est interrogé sur le sens de cette peine compte tenu du montant astronomique demandé à cet homme qui gagne à peine plus que le RSA.