Affaire Elodie Kulik : Vingt-six secondes d’horreur toujours au cœur du procès de Willy Bardon
PROCÈS•Avant d’être violée et étranglée, Elodie Kulik a passé un coup de téléphone horrible de 26 secondes aux pompiers. L'enregistrement de cet appel est au cœur du procès de Willy BardonVincent Vantighem
L'essentiel
- Elodie Kulik, 24 ans, a été violée et tuée en janvier 2002. Son corps a été retrouvé en partie carbonisé sur un terrain de Tertry (Somme).
- Willy Bardon, 45 ans, est jugé depuis le 21 novembre devant la cour d’assises, à Amiens. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
- L’enregistrement de l’appel aux pompiers de la victime est le seul élément tangible sur lequel repose l’accusation. Il est sujet à caution.
A la cour d’assises de la Somme, à Amiens.
Comme tous les jours ou presque depuis le début du procès, les cris d’Elodie Kulik sont venus, mardi, déchirer la cour d’assises de la Somme. A plusieurs reprises. Tellement inhumains qu’il est impossible de vouloir les décrire. Vingt-six secondes d’horreur où l’on entend la jeune banquière tenter d’appeler les pompiers au secours avant de mourir sur un terrain désaffecté de Tertry par une nuit froide de janvier 2002. Violée. Etranglée. Son corps incendié pour faire disparaître les traces.
Les jurés ne disposent donc vraiment que de l‘enregistrement de cet appel au « 18 » pour se forger une intime conviction. Car, derrière les hurlements de la victime, on distingue deux voix d’hommes. Et la seule question qui vaille est de savoir si l’une des deux ne correspond pas à celle de Willy Bardon qui comparaît, depuis le 21 novembre à Amiens, pour ces faits sordides.
« Faut assumer ! Faut avoir des couilles ! »
Mardi matin, c’est Romuald. J, son « frère de lait », qui est venu donner son avis à la barre. Forcément attendu. Sapeur-pompier de métier, il avait reconnu « à 98 % » la voix de l’accusé lors de l’enquête initiale. « Ça m’arrache le cœur car je suis le parrain de son gamin mais il s’agit bien de la voix de Willy », disait-il à l’époque.
Sauf qu’aujourd’hui, il est persuadé du contraire. Mains dans le dos, chemise grise sur un pantalon beige, il est donc venu, devant la cour, s’expliquer longuement sur ce revirement. La raison est simple : « Toutes les questions (des gendarmes]) étaient orientées sur Willy Bardon », assure-t-il. Autrement dit, on lui aurait soufflé le nom du coupable idéal.
A tel point que les enquêteurs de l’époque ont même organisé une confrontation entre les deux « frères » pour tenter d’obtenir des aveux. Surréaliste, la scène est diffusée dans la cour d’assises. Six ans plus jeunes, Willy Bardon et Romuald. J, apparaissent fatigués à l’écran. Menottes aux poignets sur un petit banc de garde à vue.
- C’est toi que j’ai entendu (pleurs)…
- C’est pas moi…
- C’est toi ! C’est toi !
- C’est pas moi !
- Si c’est toi ! Faut assumer ! Faut avoir des couilles…
- J’ai pas fait ça. On va prendre les avocats qu’il faut…
- Faut être grand ! Faut dire…
- Romu, j’ai pas fait ça et je vais partir en prison…
L’interrogatoire sur les faits prévu ce mercredi
Willy Bardon a effectivement fait 15 mois de détention provisoire. Mais c’est libre qu’il comparaît aujourd’hui pour « viol en réunion » et « meurtre ». « C’est toujours aussi triste parce qu’on n’avance pas, reconnaît désormais Romuald J. Mais moi, je reste sur ma position actuelle. Pour moi, il n’y était pas. Après, oui, j’avais dit l’inverse en garde à vue mais… »
Installé sur une chaise de bureau à roulettes à côté de ses avocats, Willy Bardon, lui, reste impassible. Il peut laisser les experts psychologue et psychiatre le décrire comme un « être narcissique qui ne considère les autres que comme des objets pouvant satisfaire son désir », il sait bien qu’il n’y a pas de preuve irréfutable contre lui.
Et comme il dispose d’une « grande confiance en lui », selon les mêmes experts, il a de quoi attendre sereinement son interrogatoire sur les faits prévu ce mercredi. L’enregistrement de 26 secondes pourrait à nouveau être diffusé. Le verdict, lui, est attendu vendredi.
Suivez en direct le procès sur le compte Twitter de notre journaliste : @vvantighem