L'aînée de la fratrie Clain jugée pour avoir tenté de rejoindre la Syrie

PROCES Âgée de 44 ans, l’aînée de la fratrie Clain, a tenté de rejoindre en août 2015 le reste de sa famille installée en Syrie, dont ses deux frères, engagés dans les rangs de Daesh

Hélène Sergent
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Anne Diana Clain est jugée pour "association de malfaiteurs terroriste" à Paris.
Anne Diana Clain est jugée pour "association de malfaiteurs terroriste" à Paris. — ALAIN JOCARD / AFP
  • Anne Diana Clain et son mari Mohamed Amri sont tous deux jugés à partir de ce mardi devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
  • Ils sont renvoyés pour « association de malfaiteurs terroriste » après leur interpellation en 2016 par l’armée turque à la frontière avec la Syrie.
  • Partie en août 2015 avec quatre de ses enfants âgés de 15 à 8 ans à l’époque, Anne Diana Clain tentait de rejoindre le reste de sa famille, dont Jean-Michel et Fabien, deux vétérans du djihad engagés dans les rangs de Daesh.

Depuis près de dix ans, c’est un nom qui revient sans cesse dans les couloirs du pôle antiterroriste du parquet de Paris. La famille Clain, partie de l’île de la Réunion pour s’installer à Alençon (Orne) à la fin des années 1980, a longtemps donné quelques sueurs froides aux services de renseignement français. La radicalisation des deux frères, Fabien et Jean-Michel Clain à l’aube des années 2000, s’est diffusée peu à peu dans tout le cercle familial et au-delà.

Arrivés en Syrie dès 2014 pour l’un puis en 2015 pour l’autre, accompagnés de leurs enfants, leurs épouses et leur mère, les deux frères ont été tués en février dernier par des frappes de la coalition internationale. Ce mardi, leur sœur aînée est la première de la fratrie Clain à comparaître devant un tribunal depuis les attentats du 13 novembre, revendiqués par la voix de son frère Fabien. Interpellée le 1er juillet 2016 alors qu’elle tentait de rejoindre la Syrie avec son mari et quatre de ses enfants, elle encourt aujourd’hui une peine de dix ans d’emprisonnement pour « association de malfaiteurs terroriste », comme son mari qui sera jugé à ses côtés.

Un périple raté

Le 6 août 2015, Anne Diana Clain est l’une des dernières au sein du clan à prendre la route en direction de la Turquie. Sa famille –notamment deux de ses filles nées de précédentes unions – a depuis plusieurs mois déjà rejoint le chaos syrien. À l’époque âgée de 40 ans, Anne Diana Clain décide de quitter la France en voiture avec son mari et quatre de ses enfants âgés de 15, 13, 10 et 8 ans. Le couple roule d’abord en direction de la Grèce qu’il rejoint par bateau après être passé par Marseille, Monaco et l’Italie. Refoulés une première fois à la frontière turque, ils séjournent pendant près de neuf mois en Bulgarie, dans l’attente d’un prochain passage.

À la fin du mois de mai 2016, la famille parvient finalement à entrer en Turquie en bus de nuit et atteint Istanbul. Le temps d’être mis en relation avec un passeur, les Clain-Amri patientent quelques semaines puis tentent leur chance à pied le long de la frontière turco syrienne. En vain. Après une heure et demie de marche, tous sont interpellés par l’armée turque avant même d’avoir pu toucher le sol syrien. Expulsée vers la France en septembre 2016, Anne Diana Clain est immédiatement mise en examen. « On voulait voir comment ça se passe (…) tout le monde est parti et je me suis dit que c’était mieux de rejoindre une terre d’islam », expliquera-t-elle aux enquêteurs après son interpellation.

« Vivre sous les lois de son créateur »

En lien avec ses frères jusqu’à la fin de l’année 2015 et après les attentats de Paris, la quadragénaire s’est convertie – comme eux – à la fin des années 1990. Revendiquant son désir de « vivre sous les lois de son créateur » dans un « Etat musulman », l’aînée de la fratrie ne pouvait ignorer, selon les magistrats antiterroristes, le caractère djihadiste de l’organisation rejointe par ses frères et qui devait l’accueillir.

Après avoir rappelé la chronologie non exhaustive des « attentats majeurs » commis avant l’interpellation du couple Clain-Amri, les juges précisent dans leur ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel : « La nature terroriste des groupes comme l’Etat islamique (…) ne peut être discutée (…) Le fait de préparer son départ sur zone dans le but de rejoindre un groupe terroriste et de tenter de rejoindre ce groupe terroriste constituent une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ».

« Il a lu le communiqué, c’est tout »

Dans les bagages de la famille saisis par les enquêteurs, plusieurs textes et chants enregistrés par les frères Clain appelant à l’action violente contre la France sont également retrouvés. Interrogée sur le contenu d’un de ces textes interprété par son frère et dans lequel il fait l’apologie de l'attentat contre Charlie Hebdo, Anne Diana Clain estime que Jean-Michel a « poussé le bouchon ». Un euphémisme réitéré à propos des revendications des attentats du 13 novembre 2015, enregistrées et diffusées en français par son autre frère, Fabien. « Qu’il ait revendiqué d’ailleurs, je n’y crois pas (…) il a lu le communiqué, c’est tout », tente-t-elle, avant de reconnaître des « propos hard ».

Chronologie de la radicalisation des frères Clain, vétérans du djihad dans les rangs de Daesh.
Chronologie de la radicalisation des frères Clain, vétérans du djihad dans les rangs de Daesh. - KUN TIAN, THOMAS SAINT-CRICQ / AFP

Si cette mère de famille n’a jamais nié son désir de rejoindre la Syrie et les rangs de Daesh, elle a exprimé à plusieurs reprises son opposition à la commission d’actes terroristes : « Avec mon mari, on ne comprend pas les attentats (…) tu vas annoncer l’islam à qui si tout le monde est mort ? ». Et une forme de rupture avec ses proches qu’elle exprimait ainsi : « On ne peut pas imaginer que des membres de notre famille soient devenus aussi haineux ».

Depuis trois ans, Anne Diana Clain est détenue à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne). Ses enfants, eux, ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance. Une détention qui, dira-t-elle lors d’un des derniers interrogatoires, lui a permis « d’apprendre de ses erreurs ». Contacté par 20 Minutes, son avocat Martin Desrues confirme : « Son incarcération lui a assurément permis de prendre beaucoup de recul par rapport à l’engagement qui était le sien à l’époque des faits ». Elle dispose désormais de deux journées de procès pour convaincre les magistrats de la 16e chambre.