Hôpital d'Orsay : Une enquête ouverte après le décès d’un homme près des urgences alors qu'il appelait le Samu

INFO « 20 MINUTES » Le parquet d’Evry (Essonne) a ouvert une enquête pour « non-assistance à personne en péril » après la mort d’un homme à Orsay qui avait appelé le Samu

Vincent Vantighem
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Jérôme. B. est mort sur le parking de l'hôpital d'Orsay alors qu'il était au téléphone avec le Samu.
Jérôme. B. est mort sur le parking de l'hôpital d'Orsay alors qu'il était au téléphone avec le Samu. — LOIC VENANCE / AFP
  • Jérôme B., 47 ans, est mort le 22 mai sur le parking de l’hôpital d’Orsay (Essonne).
  • Malgré la proximité des urgences et un appel au Samu, le quadragénaire a succombé à ce qui semble être une crise cardiaque.
  • Le parquet d’Evry a finalement ouvert une enquête pour « non-assistance à personne en péril ».

« Vous êtes par terre devant l’hôpital ? Mais où ça devant l’hôpital ? Allô ? (…) Il ne veut pas m’aider… Donc, on ne va pas pouvoir vous aider Monsieur… » Voilà vraisemblablement les derniers mots que Jérôme B. a entendus avant de mourir. Âgé de 47 ans, cet homme est décédé, le 22 mai, sur le parking du centre hospitalier d’Orsay (Essonne) alors qu’il était au téléphone avec un médecin du Samu.

Selon nos informations, cet événement a conduit le parquet d’Evry à ouvrir, le 30 septembre, une enquête préliminaire pour « non assistance à personne en péril ». Confiée aux policiers du commissariat des Ulis, elle fait suite au dépôt d’une plainte de Liana B., l’épouse de Jérôme. « Mon mari ne buvait pas d’alcool. Il ne fumait pas. Et il est mort comme ça sur le parking d’un hôpital. Je veux comprendre, explique-t-elle à 20 Minutes. Surtout, je veux savoir pourquoi personne ne l’a aidé alors qu’il a téléphoné au Samu… »

L’affaire rappelle le cas de Naomi Musenga, une jeune femme décédée à Strasbourg (Bas-Rhin) en 2017 après avoir été raillée au téléphone par une opératrice du Samu ou plus récemment celui d’une femme de 60 ans morte chez elle à Mulhouse (Haut-Rhin).


« Je suis pas bien. Je suis par terre. Aidez-moi s’il vous plaît… »

Jérôme B., lui, était dans son entreprise de fournitures de bureau le jour des faits. Mais en fin d’après-midi, après un premier malaise, il décide de rentrer chez lui. Il ne sent pas bien. A tel point que, sur la route, il bifurque même pour se diriger vers le centre hospitalier d’Orsay. Il est environ 18 heures quand il compose le numéro du Samu en arrivant sur le parking. L’appel dure 2’52 minutes.

« Bonjour, je suis Monsieur B. Je suis en voiture. Je ne suis pas bien du tout. J’arrive devant l’hôpital d’Orsay. Je suis dans une voiture 407. Je suis vraiment pas bien », dit-il à une hôtesse qui passe le combiné à un médecin en trente secondes, d’après un enregistrement que 20 Minutes a pu écouter. « Je suis oppressé. (…) J’ai du mal à respirer. Je vais tomber par terre. Je suis pas bien. Je peux pas me relever. Aidez-moi s’il vous plaît. Je suis par terre. Aidez-moi s’il vous plaît… »

Le parking de l’hôpital compte une trentaine de places

Alors que l’homme est en détresse, le médecin du Samu insiste à plusieurs reprises pour savoir où il se trouve exactement, précisant qu’il ne peut intervenir sans cette information : « Attendez ! Avant de dire "aidez-moi", vous êtes où là ? », demande-t-il brusquement, toujours selon l’enregistrement de l’appel passé au 15. « C’est une affaire épouvantable, commente aujourd’hui Georges-Antoine Capitani, le chef du service du Samu 91. A ce moment-là, on essaye de déterminer où il se situe. Car il y a deux parkings à l’hôpital d’Orsay. C’est un espace assez vaste… »

En réalité, les deux parkings ne sont séparés que par un petit terre-plein. Et ils n’abritent qu’une trentaine de places qui semblent pourtant assez faciles à visualiser. « On peut toujours discuter de la façon dont on a répondu à cette personne. Mais sur le fond, je pense que ce qui a été fait est cohérent », tranche pourtant le chef du Samu.

Capture d'image du parking de l'hôpital d'Orsay.
Capture d'image du parking de l'hôpital d'Orsay. - GOOGLE STREET VIEW

« Trop loin pour le Samu… Trop près pour l’hôpital… »

Alors que le Samu tente toujours de localiser Jérôme B, c’est finalement un passant rendant visite à un proche hospitalisé qui alerte les urgences après l’avoir vu s’effondrer au pied de sa voiture. Une équipe de réanimation sort alors sur le parking. Mais malgré les tentatives de massage cardiaque, le décès de Jérôme B. est déclaré à 19h10, soit une heure environ après son arrivée.

Etrangement, le dossier administratif indique, lui, qu’il a été admis à 19h30, ce qui signifierait 20 minutes après sa mort. « J’ai du mal à comprendre, poursuit son épouse. L’hôpital m’explique que l’heure d’enregistrement n’a été notée sur le dossier qu’après les tentatives de massage cardiaque. Mais cela me semble bizarre. Aussi, on me dit qu’il est mort d’un infarctus mais aucune autopsie n’a été pratiquée pour le démontrer… »

Le centre hospitalier assure, lui, que c’est la procédure habituelle et qu’il est logique de prodiguer les premiers soins à un homme mourant avant de remplir son dossier administratif. « C’est surtout une affaire de "trou dans la raquette". Les faits se sont produits trop loin pour le Samu. Et trop près pour l’hôpital…, se désole Aldric Evain, secrétaire général du groupe hospitalier Nord-Essonne dont dépend l’établissement d’Orsay. On peut se demander si on aurait pu agir plus rapidement. Mais je pense que l’intervention a eu lieu aussi vite que possible. »

C’est désormais aux policiers des Ulis de le déterminer. Selon nos informations, ils vont auditionner prochainement les membres de l’hôpital et du Samu ayant travaillé sur ce dossier. Et surtout, ils vont réécouter l’enregistrement de l’appel passé par Jérôme B. « J’ai l’impression qu’on cache quelque chose, estime encore aujourd’hui son épouse, Liana. Je n’abandonnerai pas avant de savoir de quoi il est mort et pourquoi. »