Procès Balkany : Pourquoi y a-t-il eu autant d’effusion de joie sur Internet à l’annonce de l’incarcération ?
Y A DE LA JOIE Comment expliquer la joie intense qu’a provoquée l’incarcération chez une partie des internautes ?
- Patrick Balkany a été condamné à quatre ans de prison ce vendredi.
- Une décision qui a suscité de nombreuses réactions de joie, notamment sur les réseaux sociaux. Comment expliquer la liesse à l'énoncé de ce jugement ?
L’annonce de l’incarcération de Patrick Balkany, condamné à quatre ans de prison ferme et dix ans d’inéligibilité pour « fraude fiscale » vendredi, a fait vivement réagir les internautes sur les réseaux sociaux. Comme certains habitants de Levallois-Perret, ils ont été nombreux à ne pas retenir leur joie et à bouder leur plaisir.
A lire certains commentaires euphoriques, on aurait presque pu penser qu’il y aurait des défilés sur les Champs-Elysées comme au soir du 15 juillet 2018. Une métaphore que Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences po Paris, n’est pas loin de valider : « Cela a été ressenti comme une sorte de victoire nationale. C’est nouveau une joie à ce point-là, un nouveau palier a été franchi. Aujourd’hui, les gens sont réellement heureux lorsqu’un politique tombe, ils n’attendent que ça. »
Balkany en valeur d’exemple
Voilà pour le constat. Mais comment expliquer qu’un tel niveau ait été atteint ? Dans un premier temps, il faut se pencher sur le cas spécifique des réseaux sociaux, avec Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-8 : « Les réseaux sociaux favorisent les réactions affectives et émotives, il n’est donc pas étonnant de trouver beaucoup de joie, de colère, de libération exprimée sur Twitter ou Facebook. Ce sont des médiums qui favorisent l’émotion, mais aussi l’exacerbent et l’enflamment : ce sont les réponses les plus extrêmes qui remontent en premier. »
Mais si Patrick Balkany en prend autant pour son grade, c’est surtout qu’il paie un peu pour tout le monde : « Aujourd’hui, les politiques paraissent incondamnables. Même pour Patrick Balkany, ce fut une procédure très longue, plus de vingt-cinq ans, rappelle Philippe Moreau Chevrolet. Donc c’est un soulagement pour beaucoup, les Français se disent qu’il y a quand même une justice, avec le sentiment que c’est rare, donc d’autant plus savoureux. » Et à ce titre, l’actualité chargée en affaires (de Rugy, Sarkozy, Fillon et Ferrand) participe à l’explosion de joie engendrée par l’incarcération du maire de Levallois.
Une personnalité anachronique dans la politique de l’effort
Au-delà de leur impunité supposée ou réelle, les politiques « souffrent » d’un désamour grandissant. Philippe Moreau Chevrolet : « Il y a désormais une violence dans le discours de l’opinion publique envers les politiques, on l’a notamment vu avec les “gilets jaunes”. Cette joie de voir Balkany condamné, c’est aussi de la colère envers les politiques, au-delà du dossier judiciaire. Aujourd’hui, les politiques ne sont plus vus comme la solution, mais la cause des problèmes. »
D’autant plus que le maire de Levallois a une personnalité crispante, comme l’analyse encore le professeur de communication : « Patrick Balkany paie aussi le fait d’avoir été volontairement provocateur, c’était un Gainsbourg de la politique, n’hésitant pas à afficher sa richesse et les bénéfices liés à son pouvoir de manière très décomplexé. » Une personnalité représentative du RPR des années 1970 et 1980, désormais bien anachronique : « Aujourd’hui, on veut des politiques qui se sacrifient, qui montrent les efforts, pas qui profitent et se complaisent dans le pouvoir. »
Plus qu’une vindicte populiste
A ce titre, Philippe Moreau Chevrolet prend l’exemple de Nicolas Sarkozy, lui aussi issu de cette génération RPR, mais qui aurait su prendre le bon virage : « Il est devenu le premier président sportif, médiatisant ses efforts physiques, pour ne plus donner l’image du politique assis dans son palais. Balkany lui est toujours resté dans ce rôle dépassé de provocation et de démonstration. »
Faut-il donc n’y voir qu’une vindicte populaire et populiste ? Sophie Jehel refuse une telle simplicité : « Les réseaux sociaux sont devenus des espaces publics qui font aussi vivre la démocratie, donnant la parole à un public pouvant difficilement s’exprimer politiquement sans cela. Sur les réseaux sociaux, il y a beaucoup de réflexion, après elles sont plus ou moins approfondies. »