La CEDH autorise la France à expulser vers l’Algérie un homme condamné pour terrorisme
TERRORISME La Cour européenne des droits de l’homme estime, désormais, que le risque de torture est limité en Algérie pour les personnes condamnées pour des faits de terrorisme
- Ali Meguimi a été condamné, en 2015, pour « association de malfaiteurs terroristes ».
- En lien avec Al-Qaïda, il recrutait des partisans du djihad et devait les envoyer s’entraîner.
- Craignant de subir la torture, cet homme avait saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour éviter d’être expulsé vers l’Algérie, une fois sa peine de prison purgée en France.
La tour Eiffel. Ou, à défaut, le musée du Louvre. Voilà les deux cibles potentielles qu’Ali Meguimi avait soufflées à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) pour ses projets d’attentat. Condamné, en 2015 par le tribunal correctionnel de Paris, à six ans de prison pour « association de malfaiteurs terroristes », cet homme va pouvoir être expulsé par la France vers l’Algérie.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a autorisé, ce lundi, le renvoi de cet Algérien estimant qu’il ne serait pas exposé à « un risque réel » de torture dans son pays d’origine. Une première qui pourrait permettre à la France de changer de doctrine vis-à-vis des Algériens condamnés dans l’Hexagone pour des faits de terrorisme. 20 Minutes revient sur les conséquences de cette décision…
Pourquoi Ali Meguimi avait-il saisi la Cour européenne des droits de l’homme ?
Arrêté en 2013 et jugé en 2015, Ali Meguimi avait été condamné à six ans de prison et à une interdiction définitive du territoire français. En 2018, une fois sa peine de prison purgée, il avait saisi la CEDH pour éviter d’être expulsé vers l’Algérie, craignant de subir, là-bas, la torture des services antiterroristes. En attendant la décision, cet homme de 33 ans était assigné à résidence et devait pointer trois fois par jour à la gendarmerie de la commune où il demeurait.
Pourquoi la CEDH autorise-t-elle l’expulsion de cet homme vers l’Algérie ?
Dans un document de trois pages motivant sa décision, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle que l’Algérie et notamment son Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) faisait courir un vrai risque de torture à ses ressortissants impliqués dans des affaires de terrorisme. S’appuyant sur deux cas concrets, la CEDH indique que, de 2007 à 2009, ce risque était « vraisemblable » et qu’il était « réel » de 2009 à 2015.
Mais depuis 2015, la CEDH a pu constater, « grâce aux rapports et témoignages d’ONG et de comités d’experts » de nombreux développements positifs en Algérie. Elle précise que la Constitution, modifiée en 2016, réprime désormais les « traitements cruels, inhumains ou dégradants » et que la Croix-Rouge a dispensé des sessions de formation sur les droits de l’homme.
En quoi cette décision pourrait-elle changer la doctrine française en matière d’antiterrorisme ?
Selon Le Monde, la France a prononcé, depuis 2008, 26 mesures d’expulsion de personnes liées au terrorisme islamiste vers l’Algérie. Jusqu’à présent, elle ne pouvait mettre ces mesures à exécution et était contrainte d’assigner à résidence, dans l’Hexagone, ces personnes une fois leur peine de prison purgée. Un vrai « danger » selon le juriste de la France qui a plaidé le dossier devant la CEDH, cité par Le Monde.
Désormais, Paris va pouvoir s’appuyer sur la décision de la CEDH pour renvoyer vers Alger toutes les personnes concernées par de telles mesures.
Ali Meguimi dispose-t-il encore d’un recours pour éviter d’être renvoyé en Algérie ?
Dans sa décision que 20 Minutes a pu consulter, la CEDH précise qu’un recours devant sa « Grande chambre » est toujours possible. Si l’une des parties à la procédure le réclame, l’expulsion d’Ali Meguimi sera gelée, le temps de ce nouvel examen. La Grande chambre pourra alors accepter ou refuser d’examiner le dossier. Si aucun recours n’est déposé, la décision de la CEDH deviendra définitive dans trois mois. Plus rien ne s’opposera alors à l’expulsion d’Ali Meguimi.