Procès d'Abdelkader Merah: Un premier jour dans le calme, un an et demi après une audience brutale
COMPTE-RENDU Le procès en appel d'Abdelkader Merah et Fettah Malki s'est ouvert ce lundi devant la cour d'assises d'appel de Paris dans une atmosphère plus apaisée qu'en première instance
- Abdelkader Merah encourt une peine de prison à perpétuité pour « association de malfaiteurs terroriste » et « complicité d’assassinats ».
- Fettah Malki, coaccusé du frère de Mohamed Merah, encourt vingt ans de prison pour avoir vendu le gilet pare-balles et le fusil micro-Uzi utilisés par le tueur.
- Condamnés le 2 novembre 2017 en première instance, ils doivent être jugés en appel jusqu'au 18 avril prochain.
Tous ont repris leur place. Au premier rang, sur les bancs de parties civiles, les proches des victimes de Mohamed Merah se sont serrés les uns contre les autres. Un an et demi après le procès en première instance du grand frère du « tueur au scooter » et de son coaccusé, les familles des militaires, de l’enseignant et des écoliers de l’école juive Ozar Hatorah - tous assassinés par le terroriste toulousain - ont retrouvé les mêmes allées de l’imposante salle Voltaire du palais de Justice de Paris pour le procès en appel d’Abdelkader Merah et Fettah Malki. Condamnés à vingt et quatorze ans de prison en 2017 pour « associations de malfaiteurs terroriste », les deux accusés doivent comparaître une nouvelle fois pour leur implication présumée dans les attentats de Toulouse et Montauban survenus en mars 2012.
A l’issue du premier procès, le parquet avait fait appel de l’acquittement d’Abdelkader Merah pour « complicité d’assassinats » accordés par les magistrats qui siégeaient alors. « Si la procédure permet de constater l’existence d’actes préparatoires (…) il n’est pas démontré l’existence d’une aide ou d'une assistance, apportée en connaissance de cause, par Abdelkader Merah à son frère », écrivaient les juges. Un enjeu désormais majeur pour les familles – qui estiment que les preuves de « complicité » du grand frère de Mohamed Merah existent bel et bien. Si ni le décor, ni le fond du dossier n’ont changé, cette première journée d’audience s’est déroulée dans le calme, bien loin de l’atmosphère étouffante du premier procès.
Une émotion toujours palpable
Ce lundi matin, les nuées de caméras étaient plus clairsemées, comme le public installé derrière les familles des victimes. Mais l’émotion était, elle, toujours palpable à l’arrivée des deux accusés dans le box vitré. Silhouette massive engoncée dans une chemise bleue, cheveux ramassés en queue de cheval et barbe longue, Abdelkader Merah est resté, comme en 2017, impassible à la lecture des faits par la présidente de la cour d’assises d’appel, Xavière Siméoni.
Entourée de six juges professionnels, la magistrate a eu quelques mots à destination des parties civiles avant de lancer les débats : « Je sais que l’examen des personnalités des accusés peut être difficile à entendre mais c’est un exercice obligé (…) et je souhaite qu’on consacre autant de temps aux victimes ». Les familles des victimes gardent en mémoire les échanges virulents et la violence des débats en première instance. « Ça a été très difficile de se remettre du premier procès, confiait à la mi-journée la soeur de Mohamed Legouad, l’un des trois militaires tués par Mohamed Merah à Montauban, on attend maintenant que l’accusation prouve la complicité d’assassinat. »
Délinquants contre religieux
Comme leurs confrères en 2017, les magistrats de la cour d’assises d’appel se sont immédiatement penchés sur la personnalité de Fettah Malki. Le visage chiffonné et les cheveux en bataille, ce délinquant d’origine Algérienne est soupçonné d’avoir vendu un pistolet mitrailleur, des munitions et un gilet pare-balles à Mohamed Merah. Agé de 36 ans, l’ancien pizaïollo connu dans le quartier des Izards pour ses «talents» de revendeurs en tout genre, s’est montré bien plus combattif qu’en première instance.
« On dit que le quartier est un terreau, mais c’est faux ! C’est calme, ils sont tous comme moi, des délinquants. Y a certains qui vont à la mosquée c’est tout. Les religieux, on ne les fréquente pas, ils viennent de Paris, parfois d’Arabie saoudite », a-t-il assuré, visiblement irrité par l’insistance des questions sur son parcours religieux. Tout au long de la procédure, Fettah Malki a nié ses liens avec la mouvance islamiste radicale toulousaine, minimisant sa relation avec Mohamed Merah. Très en retrait, presque éteint lors du procès en première instance, Fettah Malki a fait preuve cette fois-ci d’un certain aplomb, invitant même les magistrats du parquet à se rendre aux Izards pour vérifier par eux-même l’absence de radicalisation au sein du quartier.
A quelques centimètres, Abdelkader Merah, le buste appuyé contre la rembarde en bois du box et lunettes vissée sur le nez, n’a pas cillé. Mardi, les juges l’entendront pour la première fois et reviendront sur son parcours familial.