Affaire Merah: Les parties appellent à la «sérénité» à l'ouverture du procès en appel d'Abdelkader Merah

TERRORISME Le procès en appel du frère de Mohamed Merah, Abdelkader Merah et d'un complice présumé s'ouvre ce lundi à Paris, un peu plus d'un an après un premier procès violent et douloureux

Hélène Sergent
Le procès d'Abdelkader Merah en appel qui doit s'ouvrir le 25 mars 2019 se déroulera dans la même salle qu'en première instance.
Le procès d'Abdelkader Merah en appel qui doit s'ouvrir le 25 mars 2019 se déroulera dans la même salle qu'en première instance. — Eric FEFERBERG / AFP
  • Le 2 novembre 2017, Abdelkader Merah avait été reconnu coupable d’association de malfaiteurs terroriste et condamné à 20 ans de prison, la peine maximale, par la cour d’assises spéciale de Paris.
  • Les magistrats l’avaient acquitté pour les faits de « complicité d’assassinats », raison pour laquelle le parquet général a décidé de faire appel.
  • Fetah Malki, co-accusé d’Abdelkader Merah, avait lui aussi été reconnu coupable d’association de malfaiteurs terroriste et condamné à 14 ans de prison.

« Il n’y a pas de procès heureux. L’opinion publique a parfois l’impression que c’est une délivrance, que ça soulage mais c’est juste du malheur qui continue ». Ce malheur, Simon Cohen, l’avocat de nombreuses familles de victimes de Mohamed Merah l’a vu à l’œuvre tout au long des cinq semaines qu’a duré le premier procès d’Abdelkader Merah et Fettah Malki en 2017. Plus d’un an après leurs condamnations respectives pour association de malfaiteurs terroriste à 20 et 14 ans de prison, les 226 parties civiles dans l’affaire des attentats de Toulouse et Montauban vont retrouver dès ce lundi les travées de la salle Voltaire de l’ancien palais de Justice de Paris.

Estimant que « la cour d’assises spécialement composée n’avait pas tiré toutes les conséquences juridiques des faits qui lui étaient soumis » – notamment en acquittant Abdelkader Merah des faits de « complicité d’assassinats » – le parquet général avait rapidement décidé de faire appel. Meurtris par des échanges violents entre les parties accentués par une hypermédiatisation, les acteurs de ce dossier douloureux attendent de ce nouveau procès « sérénité », « dignité » et « respect du droit ».

Une douleur toujours aussi vive

Comme son confrère Simon Cohen, Olivier Morice, avocat de la famille du caporal Legouad assassiné en mars 2012 à Montauban par Mohamed Merah, réfute la vertu réparatrice d’un tel procès : « Sept ans après, c’est toujours une famille détruite. Ce n’est pas la condamnation qui sera rendue qui pourra apaiser leur souffrance, indicible, irréparable, ce n’est pas le procès qui pourra l’apaiser ». Pour autant le climat écrasant en première instance ne doit, ne peut s’imposer une nouvelle fois estime-t-il : « J’attends que ce procès puisse se dérouler de manière beaucoup plus digne (…) Les familles des victimes souhaitent qu’il puisse se dérouler dans le cadre d’un affrontement juridique dans le plus grand respect ».

Béatrice Dubreuil, qui représente les proches d’Adel Chennouf, autre militaire abattu par Mohamed Merah, abonde : « C’est toujours extrêmement douloureux. Le procès réactive cette douleur, l’exacerbe. Il faut que les débats se déroulent dans une plus grande sérénité même si au regard des faits cela paraît difficile. On ne peut pas offrir le même terrible spectacle, c’est contre-productif ».

Sans jamais le nommer, les griefs à l’égard de l’avocat d’Abdelkader Merah, Eric Dupond-Moretti subsistent. La phrase prononcée à l’issue de l’interrogatoire de la mère de Mohamed et Abdelkader Merah, « c’est la mère d’un accusé, certes, mais c’est aussi la mère d’un mort », avait fait basculer l’audience. Le pénaliste – qui a confié au lendemain du verdict de 2017 avoir vécu le « procès le plus difficile de sa carrière » – avait cristallisé les critiques de certains avocats de la partie civile et fait l’objet de nombreuses menaces en ligne, y compris des menaces de mort.

La complicité d’assassinats au cœur des débats ?

Si ni le cadre, ni le fond du dossier n’ont changé, Abdelkader Merah et Fettah Malki feront face ce lundi à sept nouveaux magistrats professionnels et deux représentants du parquet général. Comme leurs confrères avant eux, ils devront juger si oui ou non les accusés avaient connaissance des projets d’attentats de Mohamed Merah et s’ils se sont rendus complices des assassinats de trois militaires, un enseignant et trois enfants de l’école juive Ozar Hathorah.

Les cinq semaines d’audiences en première instance avaient par ailleurs eu le mérite de décortiquer l’ensemble du dossier, de mettre en lumière les défaillances des services de renseignement et le parcours de radicalisation du terroriste toulousain. Mais l’empressement du parquet à faire appel de l’acquittement partiel d’Abdelkader Merah inquiète la défense : « On appelle évidemment de nos vœux à plus de sérénité. Mais les déclarations du parquet général nous font craindre un nouveau procès en force avec une cour d’assises d’appel "en mission" pour faire condamner coûte que coûte les deux accusés », estime Edouard Martial, l’avocat de Fettah Malki soupçonné d’avoir fourni un pistolet automatique utilisé par Mohamed Merah et un gilet pare-balles.

Les avocats des parties civiles entendent désormais soutenir l’accusation, en particulier sur les faits de complicité. « En 2017, le procès s’est focalisé sur deux points : le premier consistait à dire que c’était le procès de la défense des droits de la défense. Or personne n’a remis en cause le droit pour Abdelkader Merah de se défendre. Le second leurre revenait à affirmer que c’était un procès sans preuve comme si avait été instruit un procès en sorcellerie. C’est faux, des éléments matériels existent », avance Simon Cohen. Resserré sur quatre semaines, ce procès en appel doit se tenir jusqu’au 18 avril prochain.