Agen: Pour la première fois, un juge professionnel va au-delà du plafonnement des indemnités prud’homales des ordonnances Macron
JUSTICE Un juge professionnel n’a pas tenu compte du plafonnement mis en place par les ordonnances Macron, doublant le plafond de l’indemnité à laquelle pouvait avoir droit une salariée
- Pour la première fois en France, un juge professionnel est passé outre le plafonnement des indemnités prud’homales, mis en place par les ordonnances Macron.
- Il a octroyé quatre mois de salaires brut à une salariée alors que ces ordonnances ne donnaient droit qu’à deux mois.
- Le magistrat s’est appuyé sur la charte sociale européenne pour trancher en ce sens.
C’est une première en France. Un juge professionnel, à l’occasion d’une procédure à Agen, dans le Lot-et-Garonne, a décidé de ne pas tenir compte du plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement abusif mis en place par les ordonnances Macron.
Le juge départiteur, qui a rendu sa décision mardi, a ainsi doublé le plafond de l’indemnité à laquelle pouvait avoir droit une salariée selon le nouveau barème, a indiqué son avocate Me Camille Gagne selon qui « c’est la première fois qu’un magistrat professionnel prend ce type de décision ». « Ma cliente aurait dû percevoir au maximum deux mois de salaire selon les ordonnances Macron, mais le juge lui a accordé quatre mois de salaire », a-t-elle dit.
Au nom de la « rémunération adéquate »
Le juge professionnel a estimé que le nouveau barème inscrit dans la réforme du Code du travail ne permettait pas la « rémunération adéquate » prévue par l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 ratifiée par la France, et qui a valeur de traité international, a expliqué l’avocate.
Ce juge qui a estimé que l’employeur n’avait pas respecté les « formes légales d’un licenciement », selon le jugement, est intervenu dans le dossier car les conseillers prud’homaux n’avaient pas réussi à se départager le 16 juillet dernier.
Les « ordonnances Macron ont comme premier critère l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Or, cela ne doit pas être le critère primordial : il faut tenir compte des conditions de licenciements, de la situation personnelle du salarié… C’est l’illustration du décalage qui existe entre le gouvernement et la réalité du monde du travail », a commenté Me Gagne.
Au cours des dernières semaines, des conseils prud'homaux à Troyes, Amiens et Lyon notamment, ont condamné des employeurs à verser des dommages et intérêts supérieurs au plafond fixé par le barème.
Cette première de la part d’un juge professionnel « donne un crédit important aux décisions rendues par une juridiction non-professionnelle mais en phase avec les réalités de terrain », a-t-elle indiqué, en ajoutant : « Ces ordonnances sont injustes et on va pouvoir en débattre devant la cour d’appel et à terme devant la cour de cassation ».
Depuis fin 2017 et les ordonnances Macron réformant le Code du travail, les dommages et intérêts sont plafonnés entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté du salarié.