Procès de la voiture de police brûlée: «On ne peut plus dire que le doute profite à l’accusé», déplore le père d’Antonin Bernanos
JUSTICE Ce mercredi, le tribunal correctionnel a relaxé deux prévenus et prononcé des peines allant d’un an avec sursis à sept ans dans l’affaire de la voiture de police brûlée sur le quai de Valmy en mai 2016…
- Les condamnés ont dix jours pour faire appel.
- Les proches de ceux-ci dénoncent un procès « politique »
Leur nom incarne, presque à lui seul, l’affaire. Bernanos. Comme le célèbre écrivain, leur arrière-grand-père. Le 18 mai 2016, alors que les images de lavoiture de police brûlée sur le quai de Valmy, dans le 10e arrondissement de Paris, tournent en boucle et que la vidéo du policier agressé avec une barre métallique devient virale, Antonin et Angel Bernanos, militants antifascistes aujourd’hui âgés de 24 et 20 ans, étaient interpellés au domicile parisien de leur mère.
Ce mercredi, le cadet a été relaxé. Son aîné, malgré de constantes dénégations, a été condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis. Le tribunal a également prononcé à l’encontre des autres prévenus une seconde relaxe et des peines allant d’un an avec sursis à sept ans de prison ferme. La peine maximale a été rendue contre un prévenu suisse, en fuite, accusé d’avoir jeté le fumigène qui a embrasé l’habitacle du véhicule.
« On a décidé d’en faire le cerveau de cette affaire »
« On ne peut plus dire que le doute profite à l’accusé mais qu’un faisceau d’indices fait office de preuve », a déploré, lors d’une conférence de presse organisée quelques heures après l’annonce du délibéré, Yves Bernanos, le père des deux frères. Ils ont été arrêtés à la suite du témoignage sous X d’un homme – qui se révélera être un policier du renseignement parisien – assurant les avoir formellement reconnus. Il indiquait notamment avoir vu Antonin Bernanos se grimer puis décocher des coups de poing à l’adjoint de sécurité et tenté de briser une vitre avec un plot de stationnement.
Son témoignage avait été affaibli par des imprécisions, mais dans son jugement, le président a relevé une série de correspondances, notamment vestimentaires, entre l’agresseur et l’étudiant en sociologie. « Il y a une parfaite corrélation entre l’auteur des faits et Antonin Bernanos », a déclaré le magistrat, insistant sur un risque de « réitération ». Il n’a cependant pas demandé de mandat de dépôt à son encontre.
L’appel en suspens
« Parce qu’il est inclassable, inqualifiable […], on a décidé d’en faire le cerveau de cette affaire », a regretté Geneviève Bernanos, sa mère. Si elle est soulagée que son plus jeune fils soit relaxé, elle peine à se réjouir. Le sort d’Antonin reste en effet en suspens. Il lui reste, en théorie, vingt-six mois de prison à effectuer, en sachant qu’il est possible d’aménager une peine de vingt-quatre mois, par exemple avec le port d’un bracelet électronique. Le « jeu » des remises de peine pourrait-il lui éviter un retour derrière les barreaux ? « On ne sait pas encore », assure son avocat, Me Arié Alimi.
De ce calcul, pourrait dépendre un éventuel appel. « Aucune décision en la matière n’a été prise », poursuit le conseil. D’autant que pour son client, cette décision qui pourrait avoir des conséquences sur les autres prévenus, doit être collective. « Notre fils Antonin, ne prendra jamais sa liberté au détriment de celle des autres », assure sa mère.
« Ce silence, qui est un droit, a été pour lui une charge »
Egalement présent lors de la conférence de presse, le père d’un autre prévenu, Ari Rustenholz, condamné à cinq ans dont la moitié avec sursis, a déploré la sévérité des peines au regard des faits reprochés. « Mon fils a été condamné à cinq ans de prison pour deux coups dans une vitre arrière qui ne s’est pas brisée [la vitre s’est fendillée]. Il n’a blessé personne, d’ailleurs personne n’était assis à l’arrière. » Lors du procès, le jeune homme, en détention depuis 15 mois, a refusé de s’exprimer. « Ce silence, qui est un droit, a pour lui été une charge », a dénoncé son père.
Les uns après les autres, les intervenants ont dénoncé un « procès politique ». La peine s’inscrit dans une « demande de sanction des hommes politiques », a assuré Yves Bernanos. Le soir des faits, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait notamment réclamé des « sanctions implacables contre ceux qui veulent se payer du flic ». « Dans ce type de procédure, il y a une coloration politique, a déploré l’avocat d’Antonin Bernanos, Me Arié Alimi. Si ces jeunes étaient là, c’était pour défendre les libertés publiques et l’État n’en veut plus. C’est une manière de dire aux jeunes qui se soulèvent “Regardez ce que vous risquez”. »
Les condamnés ont dix jours pour faire appel.