«J'ai honte»... Pour la première fois, Abdelkader Merah condamne les actes de son frère

JUSTICE Depuis une semaine le frère de Mohamed Merah, Abdelkader, comparaît devant la cour d’assises spécialement composée de Paris aux côtés de Fettah Malki, un ami du tueur au scooter…

Hélène Sergent
Abdelkader Merah le 2 octobre 2017 devant la cour d'assises spécialement composée de Paris.
Abdelkader Merah le 2 octobre 2017 devant la cour d'assises spécialement composée de Paris. — BENOIT PEYRUCQ / AFP
  • Abdelkader Merah est poursuivi pour «complicité d'assassinats» et Fettah Malki pour recel d'armes, de munitions et d'un gilet pare-balles
  • Ils encourent respectivement une peine de prison à perpétuité et 20 ans de réclusion criminelle
  • Ce mardi, à l'occasion du 7e jour d'audience, un témoin de la tuerie de l'école juive Ozar Hatorah était appelé à la barre

Dans le box, Abdelkader Merah n’a pas cillé. Au récit des meurtres de son frère Mohamed contre les écoliers juifs toulousains, un avocat de la partie civile l’interroge : « Éprouvez-vous de la honte par rapport aux assassinats commis par votre frère ? ». L’accusé se lève, dépose ses lunettes sur le banc derrière lui, inspire longuement puis bafouille : « J’ai du mal à mettre les mots, qu’on soit juif ou chrétien, on vient tous du monothéisme… ». Il s’interrompt puis demande à répéter la question, troublé. L’avocat relance : « Avez-vous honte des actes de votre frère ? ».

Jamais, au cours du procès, de l’instruction ou lors de sa garde à vue, Abdelkader Merah n’avait si fermement condamné les tueries de Toulouse et Montauban perpétrées en mars 2012. Ce mardi pourtant, face au témoignage d’un bénévole du lycée juif Ozar Hatorah, l’homme a semblé ébranlé. Quand Yacov S., lunettes carrées, barbe soigneusement taillée et kippa sur la tête, s’est avancé à la barre face à la cour d’assises de Paris, ses mots, son rapport à Dieu et à sa foi ont paru faire écho dans le box des accusés.


« Je suis sincèrement désolé »

« Je suis dans un état d’émotion… Je veux m’adresser aux croyants, on est tous frères de religion, a lancé Abdelkader Merah, je ne m’adresse pas à la cour, aux journalistes, aux magistrats. M. Yacov S. et moi-même on croit en Dieu et entre croyants, je suis sincèrement désolé de ce qui est arrivé. C’est un mélange de honte, de tristesse, de regrets. Déjà moi, de voir les faits de l’extérieur, je trouve que c’est insoutenable. Mais je vois la tristesse dans les yeux des familles. Bien sûr que je condamne les actes de mon petit frère, j’ai honte ».

Une « honte » confessée après le long récit du témoin qui a assisté le 19 mars 2012 à l’assassinat de 4 personnes dans l’enceinte scolaire toulousaine. « Il était 7h55 quand je suis arrivé au niveau du portail. A l’entrée du bâtiment, j’ai aperçu sur le trottoir Jonathan Sandler et ses deux petits garçons de 5 et 3 ans, Arié et Gabriel, qui patientaient ». A l’arrêt au volant de son camion, Yacov S. observe une scène qu’il « ne comprend pas » : « Un homme avec un casque de scooter traverse la rue et s’avance vers M. Sandler. Il a eu un mouvement circulaire mais je n’ai pas vu l’arme automatique. Ensuite il a sorti un revolver. Je l’ai vu tirer à bout touchant sur M. Sandler, tirer sur son fils qui était à sa droite et sur son autre petit garçon derrière lui ».


Plus loin, Mohamed Merah abat d’une balle dans la tête Myriam Monsonego, 7 ans, la fillette du directeur qui tentait de fuir à l’intérieur de l’école et blesse grièvement un adolescent. Avant de quitter les lieux, le tueur s’avance vers Yacov S. : « Je le vois se diriger vers moi, il tire. Ça a touché le haut du capot, j’ai fait marche arrière, j’ai passé la première puis il est remonté sur son scooter. Après cela, je suis descendu, j’ai vu les corps par terre, je les ai couverts et la police est arrivée ». La scène a duré 36 secondes.

« C’est insupportable ! »

Les images, d’une violence inouïe, restent ancrées : « Il y a une chose qui m’a frappé. Je n’ai pas vu son visage mais je ressentais cette haine… Quand il a tiré sur ses victimes, c’était des exécutions, il n’a eu aucune hésitation, c’était si précis », souffle le jeune homme. « Vous qui êtes un homme pieux, est-ce qu’on peut éprouver de la haine ? », interroge alors une avocate. Le témoin fait silence, puis lâche : « C’est difficile de répondre, mais en tant que croyant, c’est pas de la haine non, c’est de l’incompréhension ».


Impassibles, les proches des victimes n’ont pas réagi aux excuses d’Abdelkader Merah. Expressément adressées aux « croyants », elles ont en revanche passablement excédé l’avocate générale, Naïma Rudloff : « C’est insupportable d’entendre qu’il s’agit ici d’une affaire de croyants. Nous sommes dans une cour d’assises et les liens entre Mohamed et Abdelkader, ce ne sont pas des liens du sang ou des liens de religions mais des liens juridiques ! ». Des liens juridiques que la cour d’assises doit examiner jusqu’au 3 novembre. Poursuivi pour « complicité d’assassinats, l’accusé encourt une peine de prison à perpétuité.