Dragibus : Côté couleurs, c'est 50 ans de « confidentialité totale »

CULTE Pour l'anniversaire du bonbon le plus vendu de France, créé dans le Gard en 1973, Haribo a eu une idée parfaite : la couleur orange a rejoint les paquets

Nicolas Bonzom
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Les Dragibus, inventés en 1973, fêtent leurs 50 ans cette année.
Les Dragibus, inventés en 1973, fêtent leurs 50 ans cette année. — N. Bonzom / Maxele Presse
  • Les Dragibus, le bonbon préféré des Français, fête ses 50 ans cette année.
  • Créés à Uzès, dans le Gard, par l’entreprise Riqlès-Zan, ils sont toujours fabriqués dans cette usine, par Haribo, qui a racheté ce confiseur en 1987.
  • L’énigme qui entoure ces dragées cultes y est sans doute pour quelque chose, dans leur succès. Quels sont les goûts des Dragibus ? Y a-t-il un goût par couleur ? Ou partagent-ils tous, en réalité, la même saveur ? Ces questions, Haribo n’y répond pas, et entretient le mystère autour de ses bonbons stars.

Voilà cinquante ans, cette année, que les Français se mettent des Dragibus plein le bec. Ce bonbon culte, star d’Haribo, est né en 1973, à Uzès, dans le Gard. A l’époque, le géant allemand du bonbec est déjà quinquagénaire, mais ce n’est pas encore lui qui fabrique et commercialise ces fameuses dragées colorées. Les Dragibus sont l’œuvre d’ingénieurs de chez Ricqlès-Zan, une florissante entreprise française, fruit de l’union de deux confiseurs, célèbres pour leur soda à la menthe et leurs bâtonnets de réglisse. Ils imaginent ces petites billes acidulées au goût de reviens-y, cousines des bonbons haricots américains (les Jelly Beans). C’est un carton. En France, dans les épiceries et les bureaux de tabac, on s’arrache ces petits sachets roses, qui sortent de l’usine d’Uzès.

Quatorze ans plus tard, en 1987, ce succès met à l’eau à la bouche de Haribo, qui dévore Ricqlès-Zan. Dès lors, les Dragibus vont s’imposer comme une valeur sûre du marché de la confiserie. Dix-mille tonnes de Dragibus sont produites chaque année. Et il est, aujourd’hui, le bonbon le plus consommé en France. En France, et (presque) nulle part ailleurs. Hormis en Belgique, dont le marché est très proche, les Dragibus n’ont pas percé, à l’étranger. « C’est un bonbon né en France, que les Français adorent, mais qui ne s’est pas exporté, confie à 20 Minutes Virginie Orezzi, directrice Marketing et Recherche et développement chez Haribo. Aujourd’hui, il y a quatre millions d’acheteurs de Dragibus en France chaque année, mais très peu à l’étranger. Mais il faut dire qu’on ne l’a pas forcément poussé, on aime bien le garder pour le marché français. »

Quels sont les goûts des Dragibus ? Mystère…

S’il est aussi prisé dans l’Hexagone, c’est, d’abord, parce qu’il est, en France, « unique sur le marché. Il n’a pas de concurrents directs », confie Virginie Orezzi. C’est, aussi, un produit inventé en France, et dont la gamme historique est, toujours, fabriquée à l’usine d’Uzès, où elle est née. Et ça, ça plaît. Mais l’énigme qui entoure ces dragées culte y est sans doute aussi pour quelque chose, dans cet immense succès. Quels sont les goûts des Dragibus ? Y a-t-il un goût par couleur ? Ou partagent-ils tous, en réalité, la même saveur, et sommes-nous victimes d’une hallucination collective depuis toutes ces années ? Ces questions, Haribo n’y répond pas, sciemment, bien sûr. Car pour la communication, c’est du pain béni. « C’est le bonbon qui est le plus discuté, spontanément, sur les réseaux sociaux, poursuit Virginie Orezzi. Sans que Haribo initie quoi que ce soit, les consommateurs débattent de leurs Dragibus préférés, et de la question "Les bonbons ont-ils tous le même goût ?". Il y a des tas de théories qui circulent sur Internet, et qui nourrissent l’attachement que les consommateurs ont à cette marque. »

Les quelques salariés d’Haribo qui sont dans la confidence ont d’ailleurs ordre de ne rien divulguer sur la recette des Dragibus. C’est, ainsi, dans le plus grand secret, à Uzès, que ces confiseries sont fabriquées. « J’ai failli avoir une scène de ménage avec mon mari, sourit Marie-Pierre Siret, ingénieure en Recherche et développement chez Haribo. Il voulait connaître, pour une collègue qui lui avait posé la question, quels étaient les goûts des Dragibus. Et je lui ai dit "ben non, je ne te le dirai pas !" Il m’a dit "mais, c’est moi, quand même !" J’ai tenu bon. La confidentialité est totale, même pour la famille très proche. » Chez Virginie Orezzi, c’est, aussi, classé secret-défense : « Ma fille insiste de façon assez régulière. Et la réponse est toujours la même, c’est non ! »

Si les Dragibus sont des stars en France, à l'étranger, ils sont quasiment inconnus.
Si les Dragibus sont des stars en France, à l'étranger, ils sont quasiment inconnus. - N. Bonzom / Maxele Presse

Leur fabrication « nécessite un véritable savoir-faire »

Si on ne saura rien sur le mystère des goûts et des couleurs, Haribo reste, tout de même, transparent sur le processus de fabrication des Dragibus. « C’est long, très long, explique Marie-Pierre Siret. On commence par fabriquer le cœur gélifié, avec de l’amidon de maïs. Car c’est un bonbon végétarien. Depuis cinquante ans, il a toujours été à base d’amidon. C’était l’une des grandes forces de la société Riqlès-Zan, qui a créé les Dragibus, car concevoir un gélifié avec de l’amidon, ce n’est pas si simple. » Le cœur du Dragibus est ainsi séché à l’étuvée, pendant trois à six jours, selon la taille du bonbon. Ces billes gélifiées sont, ensuite, chargées dans des turbines, où elles sont, « délicatement », agrémentées d’un sirop, et de sucre. Puis les bonbons sont, à nouveau, séchés, pendant 24 à 48 heures, avant la toute dernière étape, « le vernissage, qui consiste à faire briller les dragées, un peu comme des perles », poursuit l’ingénieure de chez Haribo.

« Cela nécessite un véritable savoir-faire, confie Virginie Orezzi. Il y a, à l’usine d’Uzès, de véritables maîtres confiseurs. » « Ils doivent s’adapter, en permanence, aux conditions climatiques, reprend Marie-Pierre Siret. On a beau avoir des climatisations, si le taux d’humidité dans l’air est différent, ils doivent constamment ajuster le processus, pour que le résultat soit parfait. » Si la fabrication des Dragibus n’a quasiment pas évolué depuis 1973, ils sont toutefois constitués d’un « colorant 100 % naturel » depuis deux ans.

Et cette année, pour les 50 ans des Dragibus, Haribo a eu une idée parfaite pour relancer les débats : une nouvelle couleur, le orange, a rejoint temporairement les paquets. Plaira-t-elle aux gourmands ? Et si le plébiscite est total, les billes orangées rejoindront-elles, durablement, les paquets de Dragibus ? Ce serait un peu compliqué, à l’usine d’Uzès, de faire une place permanente pour une nouvelle couleur, préviennent Virginie Orezzi et Marie-Pierre Siret. Mais si le orange est porté aux nues, alors peut-être que Haribo y réfléchira. Ce fut le cas, il y a dix ans, pour les 40 ans des Dragibus. Le confiseur avait créé un bonbon bleu, appelé à disparaître. Finalement, il a tant plu, qu’il est resté. « Le succès fut tellement énorme, qu’il était impossible de le retirer ! », sourit Marie-Pierre Siret. Et c’est aujourd’hui, avec le noir, l’un des Dragibus préférés des Français.