Lyon : « Il n’y a pas de perte de notoriété possible » pour le restaurant de Paul Bocuse, malgré la perte d’une étoile
INTERVIEW Le chroniqueur culinaire et auteur lyonnais Yves Rouèche réagit pour « 20 Minutes » aux conséquences de la perte d'une troisième étoile au Michelin pour l’établissement de Paul Bocuse, après 55 ans de règne
- Au lendemain du coup de tonnerre ayant touché la galaxie Bocuse, Yves Rouèche, auteur de l'ouvrage Histoire(s) de la gastronomie lyonnaise, se penche pour 20 Minutes sur les conséquences de cette étoile perdue au Michelin.
- Il n'imagine pas du tout la fréquentation de l'Auberge du Pont-de-Collonges diminuer cette année à la suite de ce coup dur, bien au contraire.
Hasard du calendrier, Yves Rouèche avait programmé pour mardi prochain, dans le cadre de ses cours sur la gastronomie à l’université catholique de Lyon, un zoom sur l’œuvre de Paul Bocuse. Cet auteur lyonnais, qui a notamment publié en novembre 2018 Histoire(s) de la gastronomie lyonnaise (éditions Libel), livre son ressenti sur le retrait de la troisième étoile de l’Auberge du Pont-de-Collonges à Collonges-au-Mont-d’Or (Rhône), qui a secoué le monde culinaire vendredi.
Quelle a été votre réaction en découvrant la décision du guide Michelin, après 55 ans à trois étoiles pour l’établissement de Paul Bocuse ?
Ça me fait beaucoup de peine car j’ai la sensation qu’on brûle le trône du roi et son château avec. Le guide Michelin n’aurait évidemment jamais osé enlever une étoile à Paul Bocuse de son vivant. Mais attention à ce que le Michelin ne brûle pas avec… Aujourd’hui, ça nous marque très fortement mais ça reste un épiphénomène, tout retentissant soit-il.
Cela signifie-t-il que selon vous, il n’y aura pas tant de conséquences négatives que cela pour le restaurant étoilé de Collonges-au-Mont-d’Or ?
Je pense qu’il n’y aura pas de conséquences immédiates, tant sur le plan économique que sur celui de la popularité. Les amateurs de gastronomie savent bien que ce n’est pas là qu’ils vont trouver la restauration la plus créative ou manger de la cuisine fusion. Par contre, même s’il faut se réinventer, cette touche traditionnelle a toujours un public et il n’y a selon moi pas de perte de notoriété possible. Ça m’étonnerait donc que la fréquentation (45.000 couverts par an environ) diminue en 2020, et j’ai presque envie de dire que ça pourrait être le phénomène contraire. Car beaucoup de gens trouvent cette décision est injuste et vont marquer leur soutien au restaurant. Et on sait que les pro-Bocuse le considèrent comme un dieu vivant.
A plus long terme, n’estimez-vous pas qu’avec la disparition de Paul Bocuse il y a deux ans puis cette perte d’étoile, la gastronomie lyonnaise pourrait se retrouver en danger ?
M.Paul n’est plus et personne n’a aujourd’hui sa notoriété d’ambassadeur pour porter de la sorte les spécialités lyonnaises et même la gastronomie française. La seule issue pour moi afin de continuer à attirer de nombreux touristes étrangers se trouve dans la vallée de la gastronomie (inaugurée en juin 2019). Celle-ci peut offrir durant une semaine une expérience touristique unique au monde, de Dijon à Marseille. Il faudrait que d’ici 2025, Lyon transfère son titre de capitale de la gastronomie à toute cette vallée, avec notamment des chefs impliqués dans le projet comme Dominique Loiseau, Anne-Sophie Pic et Gérald Passedat.