Tchernobyl : Quand le nuage s'arrêtait à la frontière...
« Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l'accident de la centrale de Tchernobyl. » Cette phrase, qui date du 6 mai 1986, soit dix jours après l'explosion du réacteur nucléaire ukrainien le 26 avril, émane du ministère de l'Agriculture de l'époque.
Il y a vingt ans, l'Etat était formel : le nuage s'était arrêté à la frontière française. Depuis, si ce mythe a fait long feu – des cartes ont montré de vastes zones touchées dans l'Est et en Corse (lire ci-dessous) –, la confusion règne toujours. En deux décennies, les chiffres officiels ont fortement évolué. Les 7 et 16 mai 1986, le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), dirigé par le Pr Pierre Pellerin, faisait état d'une contamination du sol allant de 25 becquerels par mètre carré (Bq/m2) en Bretagne à 500 Bq/m2 dans l'Est. En 2005, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, successeur du SCPRI, établissait, lui, une contamination de 20 000 à 40 000 Bq/m2.
Pour la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), créée en mai 1986, cet écart est une des preuves du « mensonge français », le SCPRI ayant, selon elle, sciemment publié « des résultats de mesure erronés » pour « justifier l'absence de mesures de protection ».
Vingt ans plus tard, le malaise est toujours latent. En 2001, une plainte de 500 malades de la thyroïde a été déposée devant la justice – l'instruction est en cours – mais le ministère de la Santé estimait encore, dans un communiqué du 21 avril dernier, que « si la France connaît une augmentation des cancers de la thyroïde, celle-ci se situe dans la moyenne du reste de l'Europe de l'Ouest et des Etats-Unis » et « ne fait pas apparaître de corrélation avec les retombées de Tchernobyl ». A terme, l'accident pourrait, selon le ministère, simplement causer en France « entre 7 et 55 » cancers thyroïdiens « sur la période 1991-2015 ». Une étude européenne du Centre international de recherche sur le cancer de Lyon est en cours. Les résultats concernant la France seront connus en juin.
Bastien Bonnefous