Procès Colonna: une lettre embarrassante pour la défense, qui la met en doute

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Une lettre de menaces en langue corse attribuée à Yvan Colonna a bouleversé lundi le programme de son procès devant la cour d'assises spéciale de Paris, qui a lu en fin d'audience une version en français comportant les mots "balance", "guerre" ou "haine des Français".

Pressions sur un témoin de la part d'un criminel ? Cri de détresse d'un innocent condamné à perpétuité pour l'assassinat en 1998 à Ajaccio du préfet de Corse Claude Erignac ? Ou faux ?

Les avocats d'Yvan Colonna, berger de 51 ans, rejugé après avoir vu sa condamnation annulée par la Cour de cassation, ont mis en doute l'authenticité de cette lettre, les conditions dans lesquelles elle est parvenue à la cour et le moment où elle est apparue.

Transmises vendredi à la cour par le commissaire Christian Lothion, directeur de la police judiciaire, les quatre pages manuscrites auraient été saisies dans la cellule de son présumé destinataire, Pierre Alessandri, condamné à perpétuité en 2003 après avoir été reconnu coauteur de l'assassinat du préfet.

Par le biais de son avocat, Eric Barbolosi, Alessandri a fait savoir qu'il n'avait "jamais eu de lettre d'Yvan Colonna" et qu'aucune lettre n'avait été saisie dans sa cellule. Pour lui, "c'est une manipulation qui vise à déstabiliser".

Lundi matin, le président, Hervé Stéphan, avait demandé une traduction officielle de la lettre à un magistrat de Bastia. Il l'a lue à la clôture des débats.

"Je te considérais comme un ami... et tu m'as trahi... tu m'as balancé !", est-il écrit dans la lettre, datée de "Fresnes, 19 décembre 2010".

"Aujourd'hui, soit tu fais tout pour me libérer, soit tu continues ainsi... alors, je te le dis... "Ce sera la guerre" !!! Prends cela comme tu vois... menaces ? A moi ça me va... C'est la haine des Français qui m'a fait tenir", poursuit l'auteur, qui signe: "Celui qui te considère comme un ami".

"Le cheminement de ce courrier est éminemment suspect et peut relever d'une nouvelle manoeuvre", a estimé un des avocats d'Yvan Colonna, Me Antoine Sollacaro. "J'exige que le commissaire Lothion donne le nom de son informateur", a ajouté l'avocat, demandant également que soit produit l'original de la lettre.

M. Lothion devrait être entendu mardi à 15H00, a fait savoir en fin d'audience le président Stéphan.

Samedi, Me Sollacaro avait estimé que cette lettre était "une erreur", car les parties civiles allaient "parler de pressions et de menaces". Mais elle est pourtant, selon lui, le "cri de désespoir" d'un homme, pour qui ce procès "est la dernière chance (...) de faire reconnaître son innocence".

"S'il l'a écrite, c'est une erreur", a-t-il rectifié lundi.

Après son arrestation, comme d'autres membres du commando, Pierre Alessandri avait mis en cause Yvan Colonna, avant de se rétracter des mois plus tard. Aux deux premiers procès du berger, il avait tenté de l'innocenter, sans toutefois expliquer ses accusations initiales et son revirement.

Il a de nouveau témoigné jeudi dernier, expliquant cette fois avoir mis Colonna en cause parce qu'il éprouvait de la "rancune" à son égard, le berger ayant, selon lui, refusé de participer aux actions du commando.

Entre deux évocations de la lettre, la Cour a repris le cours de ses auditions de témoins, examinant l'emploi du temps d'Yvan Colonna avant sa cavale de quatre ans. Elle a entendu une commerçante qui vendait le fromage du berger, un banquier chez qui il avait retiré de l'argent et une équipe de TF1 qui l'avait interviewé.

Les débats devaient reprendre mardi matin.