Le secret défense, kesako?

DECRYPTAGE Charles Pasqua réclame sa dans le cadre de l'affaire de l'Angolagate. Mais c'est quoi, le secret défense? Jacques Nain, professionnel du renseignement, explique les rouages de cette procédure...

Maud Descamps
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Qu'est-ce que le secret défense?

C'est la protection de la raison d'Etat de manière générale. Le secret défense touche toute information susceptible de mettre en péril un Etat si elle est rendue publique. Cette procédure est prévue par le code pénal. «Cela concerne par exemple les informations sur nos installations nucléaires», explique Jacques Nain, auteur de Secret défense, la protection de la raison d'Etat (éd. Esprit du livre). 


Le secret défense est-il le même pour tous les dossiers sensibles?

Non, il existe trois degrés de qualification «secret défense». Le très secret défense, qui concerne par exemple les informations relatives à notre bombe atomique. Le secret défense, qui intervient sur des informations relatives à des écoutes téléphoniques, appelées interceptions de sécurité. Et enfin, le confidentiel défense, qui est le degré le plus faible du secret défense. Il concerne les notes de services ou encore les télégrammes des ambassades.


Le secret défense cache-t-il des abus?

Le secret défense a toujours donné lieu à des théories du complot et de manipulation. Secrets politiques, affaires d'espionnages, le secret défense touche à des affaires sensibles. «C'est une procédure très opaque qui fait travailler l'imagination», déclare Jacques Nain. «Mais il faut bien comprendre que son objectif premier est la sécurité nationale, souligne l'expert qui ajoute que «la levée du secret sur certains dossiers pourrait mettre en péril la stabilité d'un Etat.» Toute vérité ne serait donc pas bonne à dire.


Qui décide de classer un dossier en secret défense?

La Présidence de la République, les services du Premier ministre et tous les ministères peuvent être amenés à «classifier» des documents et pas seulement le ministère de la Défense. Dans ce cadre, des ministères comme ceux de la Défense, de l'Economie, des Affaires étrangères, l'Elysée et Matignon sont fréquemment amenés à classifier de nombreux documents relatifs à ces contrats. «Il existe dans chaque ministère un haut fonctionnaire en charge du secret défense qui fait le lien avec le secrétariat général de la défense nationale», précise Jacques Nain.


Un juge peut-il demander la levée du secret défense?

Oui. Dans le cadre d'une information judiciaire. Pour faire progresser son enquête, le juge d'instruction peut être amené à solliciter un ministère pour lui demander de lever le secret défense sur certains documents. Le ministère concerné saisit alors pour avis la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), créée en 1998. Celle-ci propose une déclassification totale ou partielle ou un maintien de la classification. Il revient ensuite au ministre concerné de décider ou non de déclassifier. Sur quelque 140 avis de la CCSDN, la quasi-totalité a été suivie par les autorités concernés.


Qui a le pouvoir de lever le secret défense?

Seule l'autorité qui a ordonné de classer un document secret défense peut en ordonner la déclassification. Dans l’affaire de l’Angolagate, la décision incombe au Premier ministre qui dispose aussi de ce pouvoir. Il s'appuie sur l'avis d'autorités de contrôle compétentes pour prendre sa décision, comme l'autorité de sûreté nucléaire par exemple. «Rien n'oblige le Premier ministre à motiver un refus de lever le secret défense sur un dossier», explique Jacques Nain.