Deux photographes et une quarantaine de clowns au poste après le défilé du 14 juillet

PARIS Comme en 2006 et en 2007, la Brigade activiste des clowns voulait défiler, mais cette année, faute de demande officielle, elle a été mal accueillie...

Julien Ménielle
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Le défilé de la brigade activiste des clowns du 14 juillet 2009 a mal tourné.
Le défilé de la brigade activiste des clowns du 14 juillet 2009 a mal tourné. — brigadeclowns.org/DR

Deux jours d'incapacité totale de travail (ITT) et quelques heures de garde-à-vue. C'est le bilan du 14 juillet de Cyril Cavalié, photographe indépendant. Son confrère Guillaume, lui, dit avoir été contraint d'effacer la carte mémoire de son appareil photos au commissariat. Leur tort: avoir suivi le défilé de la Bac, la brigade activiste des clowns, dispersée par les forces de l'ordre à Paris faute d'autorisation officielle.


Cache-cache dans le jardin des Tuileries


«Il n'y a pas plus pacifiques que les clowns», annonce d'emblée Cyril à 20minutes.fr. «En 2006 et en 2007, nous avions déposé les demandes en préfecture», raconte de son côté le clown Marsios, pionnier du mouvement en France. Aucun problème n'avait alors été à déplorer. «De manière générale, ça fait bien deux ans que nous n'avions pas été embarqués pour des contrôles d'identité», se souvient-il.


Mais cette fois, dès le rassemblement au Carrousel du Louvres, les forces de l'ordre leur ont demandé d'évacuer les lieux. S'en est suivie une partie de cache-cache dans le labyrinthe du jardin des Tuileries, raconte Cyril, avant que les clowns ne décident de mettre leur cortège en marche. «Ils ont fondu sur eux de façon totalement disproportionnée», assure-t-il, dénonçant «un déchaînement de brutalité».


«Je fais mon métier, je ne vous empêche pas de faire le vôtre»


Du côté de la Préfecture de police de Paris, on affirme que «l'absence d'autorisation a posé des problèmes de coordination avec les autres manifestations publiques», mais qu'après négociations, les clowns ont pu reprendre leur défilé. «Les policiers ont tenté d'arracher les baguettes d'une percussionniste», raconte pourtant Cyril. Avant qu'un clown ne soit entraîné à l'écart, «derrière les bus», selon Guillaume. Les deux photographes, à distance respectable, continuent à prendre des clichés. Mais «un type en civil» vient demander à Guillaume d'arrêter, tandis qu'une «personne en uniforme et une autre en civil» tentent d'arrêter Cyril.


«Je fais mon métier, je ne vous empêche pas de faire le vôtre», répondent-ils presque en choeur. Mais Guillaume est alors «plaqué au sol et menotté» pendant que son collègue Cyril est «balancé contre une barrière» avant de subir «une clé de bras dans le dos et un étranglement». Tous deux, de même que les clowns, sont ensuite laissés libres de leurs mouvements, et Guillaume s'en tire avec un boîtier photographique endommagé.


Des cartes mémoires effacées


Mais aux abords des Invalides, les forces de l'ordre interviennent à nouveau. «Les manifestants jetaient de la peinture sur les chars militaires», se justifie-t-on du côté de la Préfecture. Guillaume, lui, n'a vu que «des seaux d'eau savonneuse teinte en rouge». Une quarantaine de clowns sont alors interpellés, et les deux photographes avec eux. Cyril raconte avoir été «projeté au sol», se blessant au coude en tentant de protéger son appareil photo. Il décrit ensuite des scènes surréalistes de «clowns chantant à la queue leu-leu dans le commissariat du 8e». Mais après un transfert en bus cellulaire, tout le monde se retrouve «parqué dans une sorte de parking souterrain», dans un commissariat du 11e arrondissement, raconte Guillaume.


Le photographe explique avoir alors «subi des pressions pour effacer les photos sur (ses) cartes mémoires». Des faits dont la Préfecture de police affirme «ne pas avoir connaissance», évoquant toutefois la possibilité d'avoir voulu faire disparaître des photos d'«engins militaires».


Cyril lui, a eu plus de chance. Le fonctionnaire qui l'a fouillé n'a pas trouvé la carte cachée dans sa chaussette. Tous deux seront finalement libérés deux heures plus tard, amers et incrédules. «Je suis les "mouvements de désobéissance non-violente" depuis une dizaine d'années, je n'avais jamais vu ça», se désole Guillaume. Cyril, lui, aura l'occasion de reparler des clowns dans le livre qu'il prépare sur les nouveaux collectifs contestataires.