D-Day: «Pour moi, la deuxième guerre mondiale ça veut encore dire quelque chose»

REPORTAGE De nombreux anonymes et vétérans sont venus rendre hommage aux soldats tombés sur les plages de Colleville-sur-mer, enterrés au cimetière américain...

De nos envoyées spéciales, Maud Descamps et Faustine Vincent
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Le cimetière militaire américain de Colleville-sur-mer, samedi 6 juin 2009, à l'occasion du 65e anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie.
Le cimetière militaire américain de Colleville-sur-mer, samedi 6 juin 2009, à l'occasion du 65e anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie. — MATTHEW CAVANAUGH/EPA/SIPA

De nos envoyées spéciales en Normandie


Sept mille invités, triés sur le volet, sont amassés sur la pelouse du cimetière. Derrière cette foule compacte, les 9.387 croix blanches de soldats américains morts lors du débarquement à l’été 1944. Barack Obama, le Prince Charles, le Premier ministre britannique Gordon Brown, son homologue canadien Stephan Harper, et Nicolas Sarkozy ne devraient plus tarder.


«Obama beach»


Le vrombissement des hélicoptères se mêle à la musique de la fanfare militaire. Le long de la haie d’honneur, des soldats parfaitement alignés portent des drapeaux. L’un d’eux s’écroule subitement. Un malaise. Aussitôt évacué, il ne verra pas passer les chefs d’Etat.


>> Retrouvez le fil de la journée des célébrations du 65e anniversaire du débarquement par ici


Les dirigeants font leur entrée, avec une demi-heure de retard, sous les applaudissements de la foule. Les discours s’enchaînent, sauf pour le Prince Charles, qui se contente de faire de la figuration. Paix, courage, devoir de mémoire reviennent dans chacune des interventions. Quatre allocutions sur la même longueur d’onde, mais peu d’émotion dans la voix des intervenants, qui semblent réciter mécaniquement leurs discours. Sur l’estrade, les regards entre les cinq hommes se croisent à peine. Tous ont un peu l’air de s’ennuyer. Seul le lapsus «Obama beach» (à la place d’Omaha) lâché par Gordon Brown arrache quelques sourires à l’assemblée.


«Les Américains, c’étaient des caïds»


Nicolas Sarkozy remet, ensuite, la légion d’honneur à quatre anciens combattants. Parmi eux, René Mendiono. À l’issue de la cérémonie, il nous confie être «ému et fier. (…) C’est la première fois que je reviens ici depuis le débarquement, et que je vois ce cimetière américain. Si j’habitais dans le coin, je viendrais plus souvent, parce que ce sont de bons garçons, les Américains, assure le vétéran. C’étaient des caïds, ils avaient de beaux uniformes, de l’argent. C’était agréable de les fréquenter.»


A la fin des discours, Obama se lève prestement pour déposer une gerbe de fleurs aux pieds du mémorial. La cérémonie se termine par une minute de silence, vingt-et-un coups de canon et le passage des patrouilles aériennes. Puis les dirigeants quittent le site sans s’attarder. Les vétérans, leur famille et les anonymes se dispersent sur l’immense pelouse qui borde la mer. A défaut de la trouver sur l’estrade officielle, l’émotion est palpable dans le public.







«Difficile de rester de marbre»


Dan, un Californien, accompagné de son épouse, Ann, confie, les larmes aux yeux qu’«il est difficile de rester de marbre face à toutes ces croix, même si je n’ai pas connu la guerre.» Harold B. Steinberg lui l’a connu. A 86 ans, il raconte: «le jour du débarquement, je faisais partie des 36 pilotes en soutien aérien. Seuls sept ont survécu, dont moi. Cette commémoration est merveilleuse, parce que tout le monde se sent patriote».


Pour Mike, un Américain de New York, ce sentiment de patriotisme doit «traverser les générations», c’est pour cela qu’il est venu à Colleville avec son épouse. «Quand vous regardez cette plage et cette colline que les soldats ont du grimper, vous réalisez à quel point il est important de transmettre cette histoire aux plus jeunes». Mari-Nata, 19 ans, est consciente de cet héritage. «Ça rappelle ce qu’ont fait des gens pour libérer notre pays. Pour moi, la deuxième guerre mondiale ça veut encore dire quelque chose, parce que c’était il y a seulement 65 ans», confie cette élève du lycée Suger, en Seine-Saint-Denis.


Brigitte Brown est trop jeune elle aussi pour avoir connu la guerre. Mais c’est à travers ses parents qu’elle l’a vécue. «Mon père était GI. Il a rencontré ma mère en Normandie après la guerre. Assister à ces commémorations, c’est une façon de faire honneur à mon père. Je pleure à chaque fois», explique la franco-américaine. Voyant s’approcher un jeune soldat Américain, elle lance, émue: «C’était des mecs comme ça qui étaient là il y a 65 ans, alors ça me fait quelque chose…»