Mort de Nahel : Refus d’obtempérer, policier en garde à vue… Que sait-on sur la mort de l’adolescent de 17 ans ?

Récap Un automobiliste de 17 ans a été tué mardi matin à Nanterre par un policier qui a tiré avec son arme, après un refus d’obtempérer du mineur

R.L.D.
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Jeune tué à Nanterre : Nahel M., 17 ans est mort après le tir d’un policier. — 20 Minutes
  • Un automobiliste de 17 ans a été tué mardi matin à Nanterre par un policier qui a tiré avec son arme, après un refus d’obtempérer du mineur. La victime, Nahel M., est décédée malgré l’intervention du Samu qui lui a prodigué un massage cardiaque sur place.
  • Les faits ont eu lieu vers 8h30 près de la station de RER Nanterre-Préfecture, aux abords de la place Nelson-Mandela, derrière le quartier d’affaires de la Défense.
  • La famille du jeune Nahel va porter plainte, a annoncé son avocat Me Yassine Bouzrou, et le policier soupçonné d’avoir tiré est actuellement en garde à vue pour « homicide volontaire ».

Un jeune automobiliste de 17 ans a été tué ce mardi matin à Nanterre (Hauts-de-Seine) par un policier qui a fait usage de son arme, après que le jeune homme, soupçonné d’un refus d’obtempérer, a foncé vers les forces de l’ordre, a appris 20 Minutes de sources policières, confirmant une information de l’AFP.

20 Minutes revient sur ces faits qui se sont déroulés entre 8 heures et 8h30, près de la station RER Nanterre-Préfecture et alors que le policier soupçonné d’avoir tiré est actuellement en garde à vue pour « homicide volontaire ».

Que s’est-il passé ce matin à Nanterre ?

Un automobiliste de 17 ans a été tué mardi matin à Nanterre par un policier qui a tiré avec son arme, après un refus d’obtempérer du mineur. La victime, Nahel M., est décédée peu de temps après avoir été atteinte, malgré l’intervention du Samu qui lui a prodigué un massage cardiaque sur place. Selon les premiers éléments de l’enquête rapportés par les sources policières, c’est entre 8 heures et 8h30 que le conducteur du véhicule, une Mercedes AMG qui avait été louée, a commis plusieurs infractions au Code de la route. A la vue de motards de police, il s’est d’abord arrêté, avant d’accélérer dans leur direction. Un fonctionnaire a alors tiré au niveau du thorax du conducteur, selon les mêmes sources.

Le décès de Nahel M. « a été constaté à 9h15 suite à au moins une blessure par arme à feu », a précisé le parquet de Nanterre. Deux autres personnes se trouvaient dans le véhicule : l’une d’entre elles, restée à l’arrière du véhicule, a été arrêtée, alors que l’autre a pris la fuite et est toujours recherchée par la police.

Le policier auteur du tir, âgé de 38 ans, est « très choqué » par le drame, a indiqué le préfet de police Laurent Nuñez sur BFMTV.

Que voit-on sur la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux ?

Très tôt dans la matinée, une vidéo de l’événement a circulé sur les réseaux sociaux. On y voit deux policiers contrôler une voiture jaune passage François-Arago. L’un d’entre eux, debout, accoudé sur le pare-brise, tient le conducteur en joue avec son pistolet. Quand le conducteur redémarre, le policier tire à bout portant depuis le côté du véhicule. La voiture a fini sa course quelques dizaines de mètres plus loin, encastrée dans un poteau.

Les images semblent mettre à mal la version des forces de l’ordre. Dans un premier temps, des sources policières avaient en effet affirmé que le véhicule avait foncé sur les deux policiers membres de la compagnie territoriale de circulation et de Sécurité routière du 92 et que ces derniers avaient agi en état de légitime défense.




Où en est l’enquête ?

Contacté par 20 Minutes, le Parquet de Nanterre a indiqué en milieu d’après-midi avoir ouvert deux enquêtes en flagrance, l’une pour « refus d’obtempérer » et « tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique », confiée au commissariat de Nanterre et à la Sûreté territoriale du 92, l’autre pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique » confiée à l’IGPN (inspection générale de la police nationale). Des agents de la police des polices se sont d’ailleurs déplacés aux abords de la place Nelson-Mandela, derrière le quartier d’affaires de la Défense, en milieu de matinée.

Une autopsie et des examens complémentaires notamment en matière de toxicologie ont été ordonnés et doivent être réalisés ce mercredi. L’exploitation des éléments retrouvés sur place, dans le véhicule et des différentes vidéos de la scène se poursuivent : « l’un des policiers est actuellement en garde à vue pour homicide volontaire. Les opérations de dépistage d’alcoolémie et de consommation de produits stupéfiants ont été réalisées et se sont avérées négatives ».

Enfin, si la garde à vue du deuxième passager identifié a été levée en début d’après-midi après son audition, le troisième, qui a pris la fuite, est toujours recherché.

La famille du défunt a-t-elle porté plainte ?

La famille du jeune Nahel M., qui était déjà connue de la justice, notamment pour refus d’obtempérer, a annoncé, ce mardi soir, porter plainte par la voix de son avocat Me Yassine Bouzrou. Une plainte va être déposée pour « homicide volontaire » et une autre pour « faux en écriture publique », car « les policiers ont menti en affirmant que le véhicule du jeune Nahel avait tenté de les percuter et de commettre un homicide sur leur personne », a dénoncé l’avocat.

« Nous déposerons ces prochains jours une plainte pour homicide volontaire contre le policier auteur du tir (…). La plainte visera également son collègue pour complicité d’homicide volontaire », a également détaillé Me Yassine Bouzou, dans un communiqué, qui précise également que la famille « se réserve le droit de poursuivre toutes les personnes qui inventeront des mentions inexistantes au casier judiciaire du jeune homme », des faux ayant visiblement circulé sur les réseaux sociaux peu après le drame.

Quelles ont été les réactions ?

La mort du jeune homme a provoqué de vives réactions au sein de la gauche, de nombreux responsables politiques ayant relayé la vidéo du tir.

« Oui, un refus d’obtempérer c’est contraire à la loi, mais la mort ne fait pas partie des sanctions prévues par le Code pénal », a tweeté le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard. « Un refus d’obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort. Pour personne. Jamais », a renchéri l’élue EELV de Paris Sandrine Rousseau. « Le refus d’obtempérer ne donne pas de permis de tuer. Ce n’est pas une question d’électorat mais d’humanité et de respect de l’Etat de droit ! » a écrit le premier secrétaire du PS Olivier Faure.

Interrogé par BFM TV, Laurent Nunez, le préfet de police de Paris, a reconnu « un geste qui l’interpelle, qui le choque », avant de livrer quelques détails sur les conditions de l’interpellation : « Ils ont repéré un véhicule qui avait commis un certain nombre d’infractions, qu’ils ont tenté de contrôler dans un premier temps. Ce véhicule ne s’est pas arrêté. Après ce premier refus d’obtempérer, il a été bloqué dans le flot de la circulation où il y a eu une tentative de contrôle par les deux policiers. C’est à ce moment-là que le conducteur, qui avait d’abord éteint le moteur, a redémarré le véhicule, puis est parti. C’est dans ce contexte que le policier a fait usage de son arme à feu ».

Interpellé par la députée EELV Sabrina Sebaihi lors des questions au gouvernement mardi après-midi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a de son côté indiqué vouloir « respecter le deuil des familles mais aussi la présomption d’innocence des policiers ». « C’est un drame que ce jeune conducteur de 17 ans soit mort des suites de ce contrôle manifestement, mais dans de très nombreux cas des policiers et des gendarmes sont morts de refus d’obtempérer (…) et ce sont des familles de policiers et de gendarmes qui pleurent leurs enfants »



Deux unités de forces mobiles, dont des membres de la CRS 8 - spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines –, sont déployées à Nanterre pour la nuit, a indiqué le ministère de l’Intérieur, interrogé par l’AFP. Sept personnes ont été interpellées en début de soirée lors de tensions avec les forces de l’ordre déployées dans la ville.

Des feux de poubelle, rapidement maîtrisés, avaient été signalés dans l’après-midi. En 2022, 13 décès ont été enregistrés après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers, un record. Cinq policiers ont été mis en examen dans ces dossiers, les autres ayant été libérés sans poursuite à ce stade.