Le mystère des piqûres en boîtes de nuit laisse les enquêteurs perplexes

ENQUETE Béziers, Grenoble, Nantes, Bourges… Un peu partout en France, les témoignages de victimes de piqûres sauvage en boîte de nuit se multiplient, un phénomène qui interroge les autorités

Manon Aublanc
(Illustration) Des personnes en boîtes de nuit.
(Illustration) Des personnes en boîtes de nuit. — Canva / Pexels / 20 Minutes
  • Des cas de piqûres ont été signalés lors de concerts au Printemps de Bourges et dernièrement dans des discothèques, notamment à Béziers, Grenoble, Périgueux ou Nantes.
  • Certaines victimes décrivent une perte de contrôle, des malaises ou des nausées. Mais aucune des analyses toxicologiques n’a révélé la présence de stupéfiant.
  • Face à l’absence de drogue, de suspect et même de seringues, les autorités restent perplexes face à ce phénomène.

« C’était très douloureux, c’est parti de la cuisse et c’est remonté jusqu’au nerf sciatique ». Comme Noémie, des dizaines de cas de piqûres dans des établissements de nuit dans des établissements de nuit ces dernières semaines en France, entraînant l’ouverture de plusieurs enquêtes. Un épiphénomène que les autorités ont du mal à cerner.

Ils ont beau s’être déroulés à des centaines de kilomètres de distance, leurs récits sont les mêmes : une soirée en boîte de nuit ou dans un concert, une sensation de piqûre à la cuisse, à l’épaule, au bras ou aux chevilles, suivie, pour certains, de malaises, de nausées, de bouffées de chaleurs ou de pertes d’équilibre qui les ont parfois conduits à l’hôpital.

Des cas probablement sous-estimés

C’est le cas de Noémie. En soirée dans une discothèque de Béziers, dans la nuit du 17 au 18 avril, la jeune femme a senti une piqûre, avant de faire un malaise, « les yeux révulsés », quelques minutes plus tard, et d’être emmenée par ses amies aux urgences. Mais pour Noémie, le cauchemar ne s’arrête pas là. L’étudiante affirme être restée « paralysée du côté droit pendant deux jours ». Et son cas n’est pas isolé. Comme elle, des dizaines de plaintes ont été déposées par des victimes sur tout le territoire.

A Nantes, depuis mi-février et la réouverture des établissements de nuit, 47 faits ont été portés à la connaissance des forces de l’ordre et une quinzaine de plaintes ont été déposées. Même chose à Béziers, Grenoble, Bourges, Amiens ou plus récemment Rennes et Montauban. Plusieurs enquêtes pour « administration de substances nuisibles » et « violence volontaire avec arme » ont été ouvertes sur le territoire. « Il y a actuellement 53 enquêtes en zone police actuellement, mais dans les faits, c’est probablement plus. C’est très difficile à quantifier », admet une source policière auprès de 20 Minutes. « Pour le moment, chaque parquet est saisi, il n’y a pas encore de centralisation au niveau national, mais ce n’est pas exclu », ajoute-t-elle.

Pas de traces de drogues

Le nombre de personnes possiblement concernées est d’autant plus difficile à évaluer que certains produits « ne sont plus décelables au bout de quelques heures à peine », comme le GHB, « la drogue du violeur », qui ne reste que 6 heures dans le sang et 12 heures dans les urines. Les victimes sont invitées à se manifester « sans délai auprès du commissariat ou de la gendarmerie de leur domicile, ou du centre hospitalier le plus proche afin de procéder à des prélèvements urinaires et sanguins immédiats, afin de déterminer si elles ont été effectivement victimes de l’administration d’une substance nuisible », a déclaré le procureur de Béziers, Raphaël Balland, la semaine dernière.

Dans les couloirs de la police, le phénomène interroge pourtant sur le fond. Aucune des analyses toxicologiques réalisées à ce jour en France n’a permis de mettre en évidence la présence de stupéfiant. « Il n’y a pas la trace d’un quelconque produit. D’ailleurs, on ne sait même pas par quoi l’éventuelle substance a été administrée, si c’est une seringue ou autre chose », confie la source policière à 20 Minutes, qui estime que « tout est envisageable ». Les médecins s’inquiétant également d’un risque de contamination à une hépatite ou au VIH à cause d’une seringue non stérile, toutes les victimes ont reçu un traitement préventif.

Un phénomène de « copycat » ?

Le mobile des agresseurs, lui aussi, laisse les enquêteurs perplexes. Sur l’ensemble des plaintes déposées, seule une à Voiron, près de Grenoble, fait état d’un vol de téléphone, de montre et de carte bancaire après une piqûre. Pour les autres, pas de vol ou de tentative d’agression sexuelle. Au sein de la police, on n’écarte pas l’hypothèse de piqûres avec des seringues sans aucun produit. « On ne peut pas exclure qu’on soit dans le cas d’une personne qui pique pour faire peur », avait d’ailleurs affirmé le procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul, lors de sa conférence de presse mi-mars.

Si l’hypothèse était vérifiée, comment expliquer la multiplication des cas à travers le territoire ? La théorie toujours tentante du copycat, qui agit après en avoir entendu parler dans les médias, n’est pas écartée, sans plus de certitudes. A ce jour, aucune seringue n’a été retrouvée et aucun suspect n’a été identifié sur les caméras de surveillance des établissements, sauf à Nantes, où un homme avait été arrêté et placé en garde à vue, fin février, avant d’être relâché. Le mystère reste donc entier.