Seine-Saint-Denis : Vol, violences, stupéfiants… Un scandale éclabousse un service de police

ENQUETE La compagnie de sécurisation et d’intervention départementale de Seine-Saint-Denis (CSI 93), dont quatre de ses membres ont été mis jeudi en examen, est visée par une quinzaine d’enquêtes judiciaires

Thibaut Chevillard
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Des policiers de la CSI 93 contrôlant des jeunes en avril 2020
Des policiers de la CSI 93 contrôlant des jeunes en avril 2020 — Ludovic MARIN / AFP
  • Soupçonnés de falsification de procès-verbaux, de vol ou de violences, quatre policiers de la CSI 93 ont été mis en examen jeudi.
  • Au-delà de cette affaire, une quinzaine d’enquêtes judiciaires visent ce service de police créé en 2008 pour intervenir en renfort des effectifs locaux.
  • Le préfet de police, Didier Lallement, a décidé immédiatement de dissoudre ce service. Une décision que déplore le syndicat Unité SGP police-FO.

Ces policiers de la compagnie de sécurisation et d’intervention départementale de Seine-Saint-Denis (CSI 93) l’ignoraient. Mais le propriétaire de l’épicerie de Saint-Ouen devant laquelle ils ont effectué un contrôle d’identité qui leur vaut aujourd’hui des problèmes avec la justice, le 30 mai 2019, avait fait installer deux caméras de surveillance au-dessus de la porte d’entrée. Et leur intervention a été intégralement filmée. Sur les images, révélées ce vendredi par France Inter, on aperçoit distinctement l’un des agents lancer un pochon de cannabis sur le sol pour justifier l’interpellation d’un homme de 37 ans qui sortait de chez le coiffeur. L’un de ses collègues tire ensuite les jambes de la victime pour le faire tomber violemment.

Une plainte avait été déposée et une enquête ouverte par le parquet de Bobigny. Lundi, six policiers ont été interpellés par les enquêteurs de l'IGPN, la police des polices, qui les avaient dans leur viseur depuis plusieurs mois. A l’issue de leur garde à vue, jeudi, quatre d'entre eux ont été mis en examen pour « faux et usage de faux en écriture publique », « atteinte arbitraire à la liberté individuelle ». Trois des agents impliqués l’ont aussi été pour « violences volontaires en réunion ». Parmi ces trois policiers, un a été mis en examen pour « transport et détention » de cannabis, un autre pour « vol par personne dépositaire de l’autorité publique ». Il est en effet suspecté d’avoir subtilisé le téléphone de la victime pour l’empêcher de filmer la scène. Tous ont été placés sous contrôle judiciaire.

Une quinzaine d’enquêtes ouvertes

En outre, ces quatre agents sont désormais interdits d’exercer leur métier. « Quand des collègues se comportent ainsi, on ne peut plus les qualifier de policiers », souligne une source proche du dossier visiblement écœurée par leur attitude. D’autant que cette affaire retentissante n’en est qu’une parmi d’autres. Selon une source judiciaire, une quinzaine d’enquêtes visent actuellement une petite partie des 148 fonctionnaires affectés dans ce service de police, créé en 2008, participant à la sécurisation des quartiers ou à des missions de maintien de l’ordre. L’une d’elle concerne notamment la découverte, lundi, d’une cache de drogue à proximité du parking de la CSI, à Aulnay-sous-Bois. Quelques grammes d’herbe et de résine de cannabis que les enquêteurs de l’IGPN suspectent d’avoir été volés à des dealers.

Alors que l’image de l’institution policière est écornée depuis des mois par des accusations de violences, le préfet de police de Paris a réagi rapidement en décidant de dissoudre la CSI 93. « On ne dissout pas le CSI 93 parce que tous les agents seraient pourris, insiste une source policière. Mais manifestement, tout n’a pas été tenu comme il l’aurait fallu. » Selon nos informations, les unités en civil seront rattachées à la CSI 75 qui aura vocation à intervenir aussi en Seine-Saint-Denis. Celles en tenue devront choisir un poste en dehors de la sous-direction des services spécialisés dont dépendent les CSI.

Dissolution du service

Par ailleurs, des pistes de réflexion ont été lancées pour réorganiser totalement ces services de police. « Les CSI sont très utiles et on ne remet pas en cause leur utilité. On envisage d’en créer trois au lieu de quatre, qui interviendraient sur Paris et sur la banlieue. Les agents travailleront davantage avec les effectifs locaux et interviendront un peu moins quand ils le veulent. On demandera aussi aux gens de bouger plus souvent », poursuit cette même source.

Une décision que déplore Grégory Joron, secrétaire général délégué du syndicat Unité SGP-Police FO. « C’est une opération de communication de la préfecture de police qui fonctionne sous l’émotion. Cette décision a été prise beaucoup trop rapidement au regard des éléments dont on dispose aujourd’hui. Si des policiers ont fauté, ils seront sanctionnés, réagit-il auprès de 20 Minutes. Mais il y a 140 policiers dans ce service ayant fait leurs preuves, qui font leur travail correctement et qui vont être dispatchés. »

20 secondes de contexte

L’avocat de deux des policiers mis en examen, Me Martin Mechin, nous a fait savoir qu’il n’était pas disponible ce vendredi pour répondre à nos questions.