Le « double visage» du père de la petite Hafsa, jugé pour la mort sa fillette de 15 mois

ASSISES Sami Bernoui et Noémie Villard sont jugés depuis lundi à Grenoble pour la mort de leur petite fille, âgée de 15 mois

C.G. avec AFP
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Les parents de la petite Hafsa, décédée à 15 mois, sont jugés depuis lundi devant la cour d'assises de l'Isère. (illustration)
Les parents de la petite Hafsa, décédée à 15 mois, sont jugés depuis lundi devant la cour d'assises de l'Isère. (illustration) — Jean-Marc Quinet/ISOPIX/SIPA
  • Sami Bernoui et Noémie Villard sont jugés depuis lundi à Grenoble pour la mort de leur petite Hafsa, survenue à l’âge de 15 mois le 1er mars 2017.
  • Lors de la seconde journée d’audience, il a été question de la personnalité du père.

Un « salafisme à géométrie variable », un homme « au double visage ». Au second jour du procès des parents de la petite Hafsa, décédée le 1er mars 2017, la cour d’assises de l’Isère s’est longuement penchée sur la personnalité complexe du père, Sami Bernoui. Afin de comprendre ce qui a poussé le couple de salafistes à causer la mort de leur fillette.

Barbe fournie entourant un visage rond aux traits fins, crâne rasé, l’homme de 26 ans est accusé de violences volontaires ayant entraîné la mort, sans intention de la donner, privation d’aliments ou de soins, et violences volontaires et habituelles sur sa petite fille, décédée à l’âge de 15 mois.

Incarcéré depuis deux ans et neuf mois à la prison de Varces, il écrit des lettres enflammées à Noémie Villard, la mère de ses enfants, « la plus belle femme de la Terre et du paradis ». Outre ses mots – « Je t’aime tellement, je pourrais combattre la terre entière pour tes beaux yeux »… – il dessine sa femme avec talent dans ses courriers.

« Tantôt tyrannique, tantôt sympathique »

Un amour fusionnel autant que conflictuel. A l’audience sont cités des SMS moins chaleureux envoyés à la jeune femme de 22 ans, peu de temps après leur rencontre : « T’es pas obéissante, ça va pas le faire » ou encore « Vas-y reste là-bas, je te pardonnerai pas ».

Durant l’instruction, Noémie a qualifié son compagnon, qu’elle a épousé religieusement par téléphone après l’avoir vu seulement deux fois, de « colérique et impulsif ». « Dans ces moments-là, il n’arrive pas à se contrôler, c’est comme une autre personne », explique-t-elle. Un « double visage », selon l’experte en personnalité, tantôt « impressionnant et tyrannique », tantôt « prévenant, souriant et sympathique ».

Avec Noémie Villard, c’est une vie en vase clos, dans un appartement peu meublé, sans électricité ni eau, ni chauffage. Sami Bernoui dit pourtant vivre « comme un couple normal : la femme est voilée, pas de musique ni de jouets pour les enfants ». Car après Hafsa, née fin 2015, un garçon est arrivé en octobre 2016.

Polygamie

Mais cette austérité tranche avec l’autre vie de l’accusé. Car depuis juin 2016, il a rencontré une autre femme sur le site Inshallah.com, qu’il va rejoindre tous les jours de 18 h à 5 h.

Dans un appartement chauffé cette fois, il recharge son téléphone, amène sa télévision et sa console de jeux. Il a des relations intimes avec cette musulmane convertie mais pas salafiste, amoureuse et assurée, selon elle, de devenir bientôt sa seconde épouse avant un départ en Algérie, pays où la polygamie est tolérée.

Elle aussi a reconnu des violences conjugales, tout en expliquant « l’avoir poussé à bout ». Durant l’audition de sa maîtresse en visioconférence, l’accusé est devenu invisible dans le box, le président de la cour évoquant une sorte de « salafisme à géométrie variable ».

Un excellent danseur passionné de hip-hop

Le salafisme, version radicale de l’islam, n’est entré dans la vie de Sami Bernoui qu’à ses 20 ans. Il dit y avoir « trouvé la paix ». Et la force de se réconcilier avec son père avant son décès en 2018, alors qu’il était en détention.

Car le « gamin agréable » que décrit sa mère, a subi comme ses deux frères et sa sœur les violences du père de famille, ancien greffier du tribunal de Sétif (Algérie) qui a déchu socialement à leur arrivée en France en 1993.

Quand ce père rigide et autoritaire s’affaiblit par la maladie invalidante, c’est la fin des violences contre Sami et sa famille, et ce dernier commence à s’opposer à son père. Il fugue, boit un peu. Après une scolarité difficile, un BEP hôtellerie-restauration arrêté avant la fin, il travaille dans un fast-food puis comme manutentionnaire.

« En souffrance », ce passionné de hip-hop « trouve dans la danse une voie d’apaisement ». Une éducatrice de son quartier à l’époque se rappelle un « excellent danseur qui aurait pu aller loin ». Il part d’ailleurs sur la côte ouest américaine avec son groupe, donne des cours. Mais un arrêt des financements de la structure locale met fin au collectif de danse.

Le procès s’est poursuivi mercredi avec l’examen des faits et l’audition des services sociaux.