Présidentielle 2022 : La distribution des professions de foi confiée à un proche d’Emmanuel Macron ? Prudence !
FAKE OFF Après les dysfontionnements constatés lors des régionales, le cabinet Sémaphores a mené une mission d’accompagnement de la distribution de la propagande électorale
- Plusieurs internautes avancent que la distribution de la propagande électorale a été confiée à une entreprise liée à Pierre Ferracci, un proche du président Emmanuel Macron.
- Après les nombreux couacs des régionales, le cabinet de conseil Sémaphores a bien été chargé, dans le cadre de la présidentielle, d’analyser les risques de cette distribution de suivre les opérations et d’évaluer, a posteriori, le bon déroulement de la campagne de distribution. Mais il n'est pas chargé de l'acheminement des plis, pour lequel La Poste a été retenue.
- Le cabinet travaille avec le gouvernement sur la base d'un accord-cadre signé en 2018 avec plusieurs entreprises de conseil. Il fait bien partie du groupe Alpha, dirigé par Pierre Ferracci, père du témoin de mariage d’Emmanuel Macron.
Après l’affaire McKinsey, l’« Alphagate » ? Les polémiques se succèdent dans la campagne d'Emmanuel Macron : cette fois-ci, il est reproché au président-candidat d’avoir confié la gestion ou la distribution des professions de foi des candidats à la présidentielle à un cabinet de conseil détenu par un proche du président sortant.
« Comme si les fonctionnaires ne savaient pas mettre sous pli, envoyer par courrier et organiser ça comme cela a été fait pendant des années », dénonce sur Twitter Charles-Henri Gallois, président du « mouvement politique » baptisé « Génération Frexit ». Et le même de dénoncer un « nouveau scandale Macron » qui a rencontré un certain écho sur Twitter en début de semaine. Le hashtag « #Alphagate », du nom du cabinet en question, a ainsi fait partie des sujets les plus commentés lundi.
Qu’en est-il vraiment ? On fait le point.
FAKE OFF
Cette controverse vient après les couacs de la distribution des plis électoraux pour les régionales 2021. Le ministère de l’Intérieur avait confié la distribution de près de la moitié des plis électoraux à l’opérateur privé Adrexo. Les autres lots restaient sous la responsabilité de La Poste, qui avait jusqu’alors le monopole. A la suite des problèmes d’acheminement au second tour – 40 % des électeurs n’ont pas reçu la profession de foi des candidats, cette proportion atteignant plus de 90 % dans plusieurs départements –, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur a proposé de « réinternaliser » les opérations de mise sous pli.
La Poste a pour sa part a récupéré la totalité du marché de la distribution du matériel de vote. « A l’issue d’un appel d’offres piloté par le ministère de l’Intérieur pour la distribution des plis électoraux, La Poste s’est vu confier l’intégralité de la distribution des plis électoraux sur le territoire national, et ce, jusqu’à 2024 », rappelait l'entreprise publique en début de semaine. Il est donc faux d’affirmer qu’un cabinet de conseil assure la distribution des professions de foi.
Contacté par 20 Minutes, le cabinet d’Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et des Fonctions publiques, confirme que le cabinet Sémaphores n’intervient ni dans la gestion, ni dans la distribution des professions de foi : « Suite aux dysfonctionnements des échéances précédentes, nous avons demandé un audit des process pour aider certaines préfectures qui n’avaient pas géré les plis depuis longtemps. Le but était de les mettre sur les bons rails. » La mission de l’entreprise concerne « les scrutins à venir en 2022 », précise-t-on du côté du ministère de l’Intérieur.
Cartographie des risques et suivi
Un rôle confirmé par le désormais célèbre rapport du Sénat sur les cabinets de conseil, publié le 16 mars 2022. Le cabinet Sémaphores a été chargé d’élaborer une « cartographie des risques » dans la distribution des professions de foi. Dans son rapport rendu le 10 décembre 2021, l’entreprise de conseil a identifié 46 risques. Face à ces derniers, chaque préfecture a dû remplir « un plan d’organisation, de contrôle et de secours pour la distribution de la propagande », que le cabinet Sémaphores était chargé d’analyser. La troisième phase, à venir, est d’évaluer la distribution des plis de propagande pour ces la présidentielle et les législatives et de « proposer des mesures pour maximiser » l’acheminement des professions de foi.
Au sein de l’exécutif, on indique à 20 Minutes que le cabinet Sémaphores s’est vu confier cette mission dans le cadre d’un marché public interministériel. Il s’agit d’un accord-cadre de 2018 piloté par la la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Comme le détaillle également le rapport du Sénat, plusieurs cabinets de conseil ont été sélectionnés et regroupés par lot en fonction de leurs compétences et des prestations dont les ministères ont besoin.
Une proximité connue
Mais si la polémique a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux, c’est aussi en raison de la proximité entre l’entreprise et le président de la République. Le cabinet de conseil Sémaphores fait bien partie du groupe Alpha, dont le président est Pierre Ferracci, comme l’indique le site Internet de la société. Pierre Ferracci, en plus d’avoir fait partie de la commission Attali avec Emmanuel Macron en 2007, est aussi le père de Marc Ferracci.
Economiste, ce dernier est effectivement un ami proche d’Emmanuel Macron. Très proche, même, puisqu’ils se sont rencontrés sur les bancs de Sciences Po' avant de devenir chacun le témoin de mariage de l’autre. De plus, Marc Ferracci est membre du cabinet du Premier ministre (et non plus du ministre du Travail, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux) depuis 2020, en tant que conseiller auprès du directeur de cabinet chargé du suivi des mesures de relance et de soutien à l’activité.
Une polémique à laquelle le ministère de la Transformation et des Fonctions publiques coupe court, soulignant que les cabinets inclus dans l’accord-cadre de la DITP se voient attribuer leurs missions selon la méthode du « tourniquet ». C’est-à-dire que, pour chaque mission, c’est le cabinet qui a été le moins sollicité depuis le début de l’accord-cadre qui l’emporte. Si la méthode a ses failles, soulignées par les sénateurs, celle-ci est publique et fait en sorte qu’un ministère ne peut pas choisir le cabinet qui interviendra. « Ce n’est pas le ministère qui fait la demande [d’une mission de conseil] qui choisit le cabinet », insiste un membre de l’équipe d’Amélie de Montchalin.
Quant à la question de Charles-Henri Gallois – « Qu’attend le PNF ? » –, la parquet national financier confirme à 20 Minutes qu’aucune enquête n’a été ouverte dans ce dossier, contrairement au volet « blanchiment aggravé de fraude fiscale » visant McKinsey.
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