Présidentielle: «On n’a pas grand-chose à perdre», des jeunes frontistes assistent à leur tout premier meeting
REPORTAGE « 20 Minutes » a rencontré des jeunes venus assister à leur premier meeting politique ce lundi à Paris, au rassemblement de Marine Le Pen…
Parmi les têtes grisonnantes, dégarnies ou permanentées, les jeunes se faisaient dans un premier temps assez rares dans la file d’attente devant le Zénith de la Villette où Marine Le Pen donnait un meeting ce lundi de Pâques. Il était encore tôt (17h) pour les moins de 25 ans, qui seraient entre 29 % (selon l’Ifop en mars) et 22 % (selon un sondage Ifop-Fiducial en avril) à vouloir voter pour la candidate Front national à l’élection présidentielle. Ils ont finalement afflué, de région parisienne pour la plupart de ceux qui nous ont répondu. Pour certains, il s’agissait de leur premier meeting politique. 20 Minutes les a interrogés avant, pendant, et après ce « baptême du feu ».
Jeunes et « patriotes »
Ça fait quoi d’assister à son premier meeting IRL ? On aurait aimé poser la question à ce groupe de sept jeunes hommes repérés grâce à l’étendard arboré par l’un d’eux, un drapeau orné de « Pepe la grenouille », un mème adopté comme égérie par la Taverne des Patriotes, un groupe de discussion pro-FN sur l’application Discord. Mais notre présence les rend bien moins loquaces que sur le tchat qui fourmille quotidiennement de messages. « C’est surtout l’occasion de se rencontrer », sourit l’un d’eux. Ils seront finalement une quinzaine de la « taverne » à se retrouver ce soir, selon l’un d’eux.
En plus de ce groupe de jeunes réunis par les réseaux sociaux, on croise des jeunes venus seuls, d’autres en bande, en couple, ou avec leurs parents. Un père nous lance sèchement « on ne parle pas aux journalistes » quand on tente d’interroger ses filles. « C’est un pote qui m’a invité », explique Arthur, 25 ans. A J-6 du premier tour, il n’est pas encore sûr de son choix. Il est venu pour se faire une idée, « ça n’engage à rien ». Cet hôte d’accueil en Seine-et-Marne, qui aspire à trouver un emploi plus en adéquation avec son niveau d’études (Master), se dit « très déçu par François Hollande, qui n’a pas tenu ses promesses ».
Identité et immigration, deux thèmes chers aux jeunes
Kelly, 21 ans, et Julie, 24 ans, qui arrivent des Yvelines, sont quant à elles sûres de leur choix. Pour elles aussi, ce meeting est une grande première. Et c’est « difficile d’assumer qu’on vient ici quand on vient d’une famille de gauche, communiste même ! », lâche Julie. Pas de selfies ni de live-tweets pour elles, discrétion oblige. Si Kelly, qui travaille en pharmacie apprécie « Marine », elle ne se serait pas vraiment imaginé aller à un meeting du père. « Mais Marine a donné un nouveau souffle à ce parti », estime Julie. Elle est « pour la fin des aides aux étrangers » et son amie prône « plus de sécurité aux frontières ».
Cela tombe bien, la candidate consacre l’essentiel de son intervention à l’immigration et la sécurité, au cours d’un discours très offensif. Dans les gradins, Valentin, 25 ans, ponctue les tirades de la candidate de signes d’approbation, une main sur son téléphone, pour filmer ou envoyer des textos à des copains, l’autre sur son drapeau tricolore. Des meetings de Marine Le Pen, il en a déjà vu beaucoup grâce à son téléphone. Ce qui fait la différence ce soir pour lui ? « L’ambiance ! » répond sans hésiter ce boulanger du Val d'Oise. « Excellente », renchérit Pierrick, 21 ans, qui a « l’agréable impression de faire corps ».
L’atmosphère est en effet survoltée notamment quand des groupes (surtout de jeunes) donnent de la voix, pour huer Macron, Fillon et Hollande, entre autres, ou scander « On est chez nous », « Fillon en prison » ou encore le bien connu « Popopopopopopo… » qui résonne dans la salle quasi comble.
Une génération « Fdesouche » ?
En plus de leur intérêt pour le discours sécuritaire et identitaire de la candidate frontiste, l’autre point commun de ces jeunes est une nette méfiance envers les médias. Valentin conspue les chaînes d’info et radios et s’informe quasiment exclusivement via Facebook, sur les pages d'« Actu 17, Boris Le Lay [un militant nationaliste breton] ou Fdesouche », égrène-t-il en effleurant l’écran de son téléphone. C’est en consultant des sites comme Fdesouche mais aussi des chaînes YouTube que Pierrick, qui a grandi dans une famille de gauche, s’est orienté « dès l’adolescence » vers le FN.
« Je n’ai jamais pensé voter pour les partis traditionnels », affirme l’étudiant en droit. « On n’a pas grand-chose à perdre, pas d’épargne, et on n’a pas peur de renverser la table », répond-il pour expliquer en partie le vote FN chez les jeunes. Originaire de Charente-Maritime et venu étudier dans la capitale, il a le sentiment de faire partie des « classes moyennes blanches déclassées ». Dans son entourage, seuls les « provinciaux » votent FN selon lui, et « pas les Parisiens ».
Malgré l’euphorie du premier meeting et les sondages qui donnent leur candidate en tête au premier tour, Bastien ne croit pas à une victoire au second tour. Mais cela ne gâche pas son plaisir ce soir. « Beaucoup de ferveur, beaucoup de fraternité et beaucoup d’espoir », résume-t-il à l’issue du meeting, tandis que le Zénith se vide. A les écouter, ce premier meeting ne sera sûrement pas le dernier pour la plupart de ces jeunes.