Présidentielle: Pourquoi Mélenchon reçoit-il des compliments à droite et à l’extrême droite?

PRESIDENTIELLE Le candidat de la France insoumise a reçu d’étonnants éloges de la part de Jean-Marie Le Pen et de Patrick Buisson…

Olivier Philippe-Viela
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Jean-Luc Mélenchon en meeting à Marseille le 9 avril 2017.
Jean-Luc Mélenchon en meeting à Marseille le 9 avril 2017. — LILIAN AUFFRET/SIPA

C’est le monde à l’envers dans une élection présidentielle pleine de surprises. Dernière en date, en une de l’hebdomadaire Minute : « Le tribun Le Pen a trouvé son héritier, il s’appelle Mélenchon ». Le journal d’extrême droite a décidé d’étonner son lectorat dans son numéro du 12 avril, avec une interview d’un Jean-Marie Le Pen louant le candidat de La France insoumise, « cet homme, qui était un sénateur obscur pendant de longues années, [qui] s’est révélé un orateur public de qualité ».


Victime de son succès dans les sondages, l’ancien ministre se serait volontiers passé d’un tel soutien venu de la part du toujours président d’honneur du Front national. « Nous les combattons et nous les combattrons toujours, parce que notre conception de la patrie républicaine est en total désaccord avec la leur », évacue Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de gauche et membre de l’équipe de campagne de Mélenchon.

« Mélenchon est plus chrétien que Fillon »

Bon, dans le cas de Jean-Marie Le Pen, l’ancien chef frontiste utilise la campagne Mélenchon pour dire qu’il a été « le premier en France, il y a déjà vingt ou trente ans de cela, à parler de cette manière ». « C’est un plaisir narcissique, estime le spécialiste du FN Gilles Ivaldi, chercheur du CNRS à l’université de Nice-Sophia-Antipolis. Il se rappelle ainsi ses grands moments politiques, avec peut-être un tacle indirect à sa fille, dont la campagne est jugée par certains dans son parti comme manquant d’engouement et de dynamique. » Le Pen père joue d’ailleurs les faux modestes : « Je n’ai pas la prétention d’avoir été son modèle, mais j’ai été un précurseur. »

Jean-Luc Mélenchon s’est découvert un autre admirateur pas vraiment secret cette semaine, Patrick Buisson. Ex-directeur de la rédaction de Minute, il déclare dans Le Point que « si le christianisme est le refus de la domination absolue de la marchandise (…), Mélenchon est plus chrétien que Fillon ». Des propos similaires avaient été tenus par l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy dans L’Express en janvier, alors que les affaires s’abattaient sur le candidat de la droite. « Plus chrétien de ce point de vue, parce que plus marxiste », précisait-il, quelques jours avant un passage dans L’Emission politique, face à Marine Le Pen, au cours duquel Patrick Buisson avait multiplié les références à Jean-Luc Mélenchon.

« Un registre plus populiste, moins porté sur un discours de classe »

« La Nouvelle Droite dont a fait partie Patrick Buisson a longtemps fait référence à Antonio Gramsci [l’un des fondateurs du PC italien en 1921] et son hégémonie culturelle. Idéologiquement, ils restent des ennemis fondamentaux, mais Jean-Luc Mélenchon est dans cette campagne sur un registre plus populiste au sens propre, moins porté sur un discours de classe », explique Gilles Ivaldi, pour qui l’auteur de La Cause du peuple « peut être intellectuellement séduit par le biais de ce populisme et de l’euroscepticisme ».

Le politologue rappelle au passage que Marine Le Pen elle-même dressait un portrait flatteur… d’Alexis Tsipras à l’été 2015. « Incontestablement un leader », disait la cheffe du FN à propos du Premier ministre grec, marqué à gauche. Au-delà de l’extrême droite, le candidat Mélenchon plaît aussi dans la droite parlementaire. De nombreux internautes de 20 Minutes qui votent habituellement à droite ont témoigné du fait que le tribun de La France insoumise a un côté « gaullien » selon eux.

Pas de fuite des électeurs de droite chez Mélenchon

« Les gens de droite sont pour la plupart très choqués par les casseroles de M. Fillon, explique Danielle Simonnet. Jean-Luc Mélenchon incarne la figure du vrai homme d’Etat avec à la fois une profondeur culturelle et une vraie prise en compte de l’histoire de France. Et quand il parle de l’indépendance de la France au service de la paix, il renoue avec un héritage gaullien qui permet à des gens de droite de s’y retrouver. » Henri Guaino, candidat malheureux à l’élection et député LR des Yvelines, a de son côté déclaré à Atlantico que « Mélenchon fait de la politique comme tout le monde devrait en faire. C’est le seul aujourd’hui à mobiliser intelligence et culture. »

De là à penser que Mélenchon est en train de siphonner l’électorat Fillon, il y a un très grand pas à ne pas franchir, assurent les sondeurs, comme Frédéric Dabi, de l’Ifop, auprès de Marianne : « Le vote Mélenchon est très clairement un vote de gauche : dans notre rolling d’hier, il est à 18 % dans l’ensemble des Français. Il monte à 35 % chez les sympathisants de gauche, mais reste à 3 % chez les sympathisants de droite ! » Mais l’ancien sénateur PS aura au moins gagné un peu de crédit auprès du camp politique opposé dans cette campagne, grâce à « sa dimension patriotique », ajoute Gilles Ivaldi.