Présidentielle: Entre Hamon et Mélenchon, le rendez-vous manqué de la gauche
ACCORD ELECTORAL Les deux hommes ont décidé de maintenir leurs candidatures respectives, au risque d’être tous deux éliminés au premier tour en avril…
Il fallait s’y attendre, mais au moins ont-ils fait l’effort de dîner ensemble. Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise, et Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, ont passé deux heures ensemble, vendredi 24 février, au premier étage d’un restaurant chilien du XXe arrondissement de Paris.
Mais même le vendeur de roses entré dans l’établissement n’a pas pu aider les deux hommes de gauche à trouver un accord électoral en vue du premier tour de l’élection présidentielle, le 22 avril. Bon, 20 Minutes avait anticipé l’issue de ces « discussions » il y a un mois, dès le résultat de la primaire de la Belle alliance populaire connu.
« Je n’ai pas été surpris qu’il me confirme sa candidature et il ne l’a pas été que je lui confirme la mienne », a rapporté le député européen sur Facebook dimanche. Les deux anciens camarades du PS comptent se présenter l’un et l’autre, alors qu’aucun sondage jusqu’à présent ne place un candidat de gauche au second tour, et que leurs programmes comportent plus de points communs que de différences.
« Ils se mettent d’accord, c’est gagné »
Yannick Jadot et le parti EELV s’étant effacés derrière la candidature Hamon, il ne manquait donc que Mélenchon pour parvenir à un accord historique à gauche. Cette possibilité s’est encore éloignée, après plusieurs jours de semblant de négociations. Reste la perspective d’un gâchis, selon le socialiste Gérard Filoche, qui explique à 20 Minutes que sans entente entre les deux candidats, « l’élection présidentielle est perdue ».
Dans le dernier sondage paru, une enquête Kantar Sofres-OnePoint pour RTL, Le Figaro et LCI, Jean-Luc Mélenchon aurait 10 % des intentions de vote, Benoît Hamon 14 %. Loin de François Fillon, à 20 %, Emmanuel Macron, à 25 %, et Marine Le Pen, à 27 %. Si un accord électoral entre les deux candidats de gauche n’aboutirait pas automatiquement à un score d’environ 25 % (les sympathisants pouvant se refuser à avaliser un arrangement entre partis), la fenêtre de tir est réelle pour la gauche : « C’est un quitte ou double. Ils se mettent d’accord, c’est gagné », estime Gérard Filoche.
« Nous ne rentrerons plus dans ces tambouilles »
« Nos électorats ne s’additionnent pas comme ça », rétorque Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. Pour la France insoumise, le candidat socialiste « ne veut pas entendre parler d’un rapport de force avec l’UE » sur la question des traités européens. Et puis il s’agit du candidat… socialiste, justement. « Nous ne rentrerons plus dans ces tambouilles. J’ai voté Hollande au second tour en 2012. Aujourd’hui je le regrette. Il n’est pas question d’accorder un nouveau chèque au blanc au PS », confirme Raphaël Qnouch, candidat de la France insoumise aux législatives, dans la 9e circonscription de Paris.
La question des législatives a d’ailleurs été au cœur des négociations entre Yannick Jadot et Benoît Hamon. EELV aurait négocié quelques circonscriptions, mais la France insoumise « ne veut pas bricoler ce genre de compromis sur un coin de table ». L’accord écolo-socialiste a fait tiquer y compris au sein des Verts. « Depuis le début, nous sommes dans une stratégie perdante, explique Grégory, ancien adhérent qui a participé à la primaire, mais a choisi de rendre sa carte du parti. Des accords de ce type, on en a signé plein avec le PS, sans qu’ils ne soient jamais respectés. Cela satisfait quelques députés et sénateurs, pas le monde écologiste. Yannick Jadot aurait dû dire qu’il ne retire sa candidature que si un candidat unique est trouvé à gauche. »
Mais la perspective des élections législatives est passée par là. Pour les soutiens de Jean-Luc Mélenchon en revanche, aucune chance qu’un accord soit trouvé pour ces scrutins. Le mouvement négociera avec le Parti communiste, mais « sûrement pas avec le PS », ajoute Raphaël Qnouch. Sauf que sur ce terrain-là aussi, les socialistes tentent de prendre à revers l’équipe Mélenchon, en discutant directement avec le PCF, ainsi qu’avec le Mouvement républicain et citoyen fondé par Jean-Pierre Chevènement.
« Nous ne pouvons pas passer notre temps à attendre que Jean-Luc se décide, explique la sénatrice de Paris Marie-Noelle Lienemann, l’une des amies socialistes de l’ancien ministre de Lionel Jospin. Il faut respecter son choix, mais à nous de montrer désormais que nous pouvons incarner une alternative crédible pour le peuple de gauche. Le vote efficace pour être au deuxième tour, c’est le vote Hamon. »
« Maintenant c’est aux électeurs de décider »
L’argument du vote utile fait bondir Alexis Corbière : « Qu’ils arrêtent de faire croire que ce serait notre faute si le PS est au plus bas. C’est insupportable de nous mettre la menace de la droite sur le dos. Que chacun assume ses responsabilités, Hamon sait très bien pourquoi nous ne pouvons pas accepter son programme. »
Les arguments ayant été mis sur la table de part et d’autre depuis un mois et la victoire du député des Yvelines lors de la primaire de la gauche, les projets de fiançailles semblent définitivement enterrées. « Maintenant c’est aux électeurs de décider », tranche Marie-Noelle Lienemann. Finalement, le seul accord qu’auront trouvé Mélenchon et Hamon porte sur… un pacte de non-agression. « Nous sommes convenus d’un code de respect mutuel », a indiqué le candidat de la France insoumise. « Benoît Hamon n’est pas un ennemi, l’objectif désormais est de mener campagne chacun de notre côté », ponctue Raphaël Qnouch.