Législatives: L’Insoumis François Ruffin peut-il renverser la «vague Macron»? Les Amiénois doutent
REPORTAGE Dans la 1ère circonscription de la Somme qui découpe Amiens, le second tour des législatives oppose François Ruffin (France Insoumise), distancé de dix points par Nicolas Dumont (La République en marche)...
De notre envoyée à Amiens (Somme),
A trois jours du second tour des législatives, les élections ne passionnent pas vraiment les Amiénois. Sur les terrasses ensoleillées de la place Gambetta, le sujet du jour, ce jeudi, est plutôt le coup d’envoi du bac, avec l’épreuve de philosophie. Pourtant dans cette ville de la Somme, une autre épreuve d’importance se joue ce dimanche : le duel entre les deux candidats de la 1ere circonscription, Nicolas Dumont (La République en marche) et François Ruffin (France insoumise-PCF-EELV-Ensemble).
Le maire d’Abbeville est arrivé devant le journaliste et réalisateur du documentaire Merci patron ! dimanche 11 juin. L’ancien socialiste passé chez Macron a obtenu 34,13 % des voix, contre 24,32 % pour le journaliste, selon les résultats du ministère de l’Intérieur. Le candidat Front national Franck de Lapersonne est arrivé troisième avec 15,94 % des voix, loin devant l’ancienne secrétaire d’Etat PS Pascale Boistard, député sortante, qui a été balayée avec 7,06 % des voix. L’abstention a été massive, totalisant 52,10 %, légèrement supérieure à la moyenne nationale (51,29 %).
Une abstention qui interroge. Le soutien de Pascale Boistard à François Ruffin ou une plus forte mobilisation pourraient-ils faire basculer l’élection en faveur du candidat de France insoumise ? Freddy, Amiénois de 46 ans, pense que oui. Parti en week-end hors d’Amiens lors du premier tour, ce salarié se rendra aux urnes ce dimanche pour y déposer un bulletin François Ruffin. « Ce n’est pas un vote à 100 % de conviction. Mais je pense qu’une majorité absolue de La République en marche à l’Assemblée nationale n’est pas la meilleure des choses. Je pense que François Ruffin peut gagner dimanche car les gens ne sont pas rassurés de donner les pleins pouvoirs à Macron. Il faut une minorité active face à cette majorité qui pourrait se croire dans la toute-puissance ».
« Les abstentionnistes ou les électeurs du FN ne vont pas se mobiliser massivement »
Entre les pâtés et les légumes du maraîcher des halles du Beffroi, Nicole fait son marché. Pour cette électrice de droite « de toujours », ce ne sera pas François Ruffin dimanche. Et pas forcément Nicolas Dumont non plus. La retraitée votera peut-être, pour la première fois de sa vie, blanc. « Jusqu’ici, j’ai toujours voté et il y avait toujours un candidat qui m’intéressait. Mais aujourd’hui, j’hésite à voter blanc. Jamais je ne voterai à gauche. Et Emmanuel Macron est bien gentil, mais il va augmenter la CSG et ne pas améliorer les retraites. Donc je m’interroge », explique la retraitée chic.
Quant à la « vague Macron » prête à submerger l’Assemblée nationale dimanche soir, elle en doute fortement. : « On oublie qu’il y a eu plus de 50 % d’abstention au premier tour. Pareil dans mon bureau de vote. Donc je ne crois pas qu’il y ait tant que ça une adhésion à Emmanuel Macron », souligne-t-elle.
Un manque d’adhésion supposé à LREM que ne reconnaît pas Jean, 74 ans, lui aussi Amiénois. Que le mouvement La République en marche soit arrivé premier ? « Tant mieux. Le renouveau en politique, cela me parle, et c’est pourquoi j’ai voté En Marche ». Le taux d’abstention pourrait-il faire basculer l’issue du scrutin ? « Il y a toujours un peu de suspense dans les élections. Mais je crois qu’En Marche va gagner car je ne pense pas que les abstentionnistes ou les électeurs du Front national vont se mobiliser massivement pour ce second tour », ajoute ce retraité qui suit de près la politique.
A quelques mètres, Raphaël et son amie hésitent du côté du traiteur italien. Le jeune homme de 21 ans ira lui aussi voter dimanche. Et même si les candidats du second tour ne lui plaisent pas vraiment. « Je regrette qu’on vote pour une étiquette, un parti, alors que ce que je souhaiterais, c’est une personnalité locale qui ait des idées. Je vote par défaut, mais je vote », ajoute celui qui se dit « sensible à la moralisation de la vie politique ». Selon lui, le vote de dimanche est « plié » en faveur de la République en marche, même si cela ne le réjouit pas. Une étiquette et un candidat honnis par Robert, 85 ans, « qui n’en a rien à secouer » de ces élections. « On a vécu cinq guerres, et on nous emmerde avec ces petits jeux politiciens ridicules du gamin [Emmanuel Macron]. Ils ne sont pas à la hauteur ». Lui ne votera pas.