Présidentielle. Diffuser les estimations avant 20h influence-t-il vraiment le scrutin?

ÉLECTIONS Cette année encore, les résultats préliminaires du premier tour risquent d'être communiqués trop tôt via les réseaux sociaux. Une diffusion qui pourrait changer la donne...

Claire Béziau
— 
Page d'accueil du site Facebook.
Page d'accueil du site Facebook. — CLOSON DENIS/ISOPIX/SIPA

Avec le premier tour de l’élection présidentielle revient la polémique, encore plus vive qu’il y a cinq ans. Et elle porte davantage sur la conséquence du problème que sur sa réalité.

Le réseau social Twitter français a grossi, et compte désormais 5 millions d’utilisateurs quand Facebook en dénombre 25 millions. Comme sur le Titanic, personne ne pourra colmater les fuites.

Partout, on essaie de mesurer l’influence qu’auront les indiscrétions des initiés sur les électeurs encore indécis. Et ce n’est pas faute d’avoir prévenu. L’an dernier sur Europe 1, le chroniqueur Guy Birenbaum soulignait déjà une question que l’on peut résumer comme suit.

Grandes villes et petites communes ne sont pas logées à la même enseigne

Dimanche, 18h. Le bureau de vote de Veulettes-sur-Mer (Seine-Maritime), moins de 400 âmes, ferme ses portes et commence le dépouillement des bulletins. A Paris, Toulouse (Haute-Garonne) ou Lyon (Rhône), on attend les retardataires jusqu’à 20h. Avant d’aller accomplir leur devoir, ceux-ci jettent un œil sur Facebook et Twitter, où journalistes et politiques initiés annoncent la couleur à mots plus ou moins couverts.

Forts de ces informations, les citadins réajustent leur tir au dernier moment, et les abstentionnistes se ruent finalement aux urnes. Le résultat de l’élection et la face du monde s’en trouvent changés.

Les 75.000 euros d’amende ne font que limiter la casse

Contacté par 20 Minutes, Frédéric Dabi, directeur-général de l’Ifop, nuance à peine le scénario catastrophe: «Il y a un risque entre 18h30 et 20h, quand les résultats ne sont connus que d’une partie restreinte de la population. Jusqu’en 2007, ces personnes gardaient cela pour le cercle familial. Cette année, la probabilité devient extrêmement forte avec l’augmentation des utilisateurs des réseaux sociaux. Cela dit, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale a rappelé les poursuites encourues.»

La loi française expose les contrevenants à 75.000 euros d’amende mais ça ne fait que limiter la casse. En témoigne cet anonyme interrogé par Les Echos dont le blog, hébergé en Nouvelle-Zélande, «veut remettre à égalité le personnel politique et les journalistes, qui savent avant l'heure, et les citoyens lambda.» Pour lui, «le côté ‘mouton de Panurge’ des électeurs est très surestimé.»

«Il aurait fallu fermer tous les bureaux de vote à 20h» 

Frédéric Dabi se veut rassurant: «La plupart des gens iront voter avant 19h.» Même chose pour Bruno Jeanbart, directeur des études politiques d'Opinion Way, qui évalue dans une note les électeurs tardifs «entre 800.000 et 1,4 million».

Sur son blog, le journaliste Erwann Gaucher s’empresse de répondre en agitant les chiffres de 2002: «Même en se basant sur l'estimation de Bruno Jeanbart, entre 160.000 et 560.000 personnes n'ayant pas encore voté pourraient se rendre aux urnes en connaissant la tendance uniquement grâce à Facebook. En 2002, 198.000 voix seulement séparaient Jean-Marie Le Pen de Lionel Jospin.»

S’il est mal évalué, le risque est bien réel. Pour Frédéric Dabi, «il aurait fallu fermer tous les bureaux de vote à 20h.» Nicolas Sarkozy a confié à Christophe Barbier sur i>Télé qu’il faudrait «changer les règles» après l’élection sur la communication des résultats, sans plus de précision. En l’absence d’une décision claire du prochain gouvernement, le débat rejaillira en 2017.

>> Et vous, allez-vous consulter les réseaux sociaux avant d'aller voter? Une connaissance des estimations aurait-elle une influence sur votre choix?    Racontez-nous dans les commentaires ou écrivez-nous à reporter-mobile@20minutes.fr