Présidentielle: Arrivée chahutée pour Marine Le Pen en terre réunionnaise
REPORTAGE Des militants ont tenté, en vain, de bloquer son accès à un temple tamoul, premier étage de son séjour...
De notre envoyé spécial sur l'île de la Réunion
La Peugeot s’enlise dans le tas de terre, elle est bloquée. Difficile de circuler mardi à l’Etang du Gol, petite commune en marge de Saint-Louis, dans le sud de l’île de la Réunion. Tout autour du temple tamoul, des barrages ont été érigés dans la matinée. Objectif: empêcher Marine Le Pen, la candidate du FN, de visiter ce lieu religieux, première étape de son voyage sur ce bout de France dans l’Océan Indien. Une centaine de manifestants, principalement des membres de l’influent Parti Communiste Réunionais (PCR), protestent contre les ceintures de gendarmes mobiles, déployés dans le quartier habituellement tranquille.
«A la Réunion, on est des gens de couleur et on sait ce que veut faire Marine des gens de couleur», met en garde, sur fond de musique créole, Jo, militant du PCR. «Elle est venue faire des photos à côté des noirs pour sa com’!» A quelques centaines de mètres, devant le temple tamoul, quelques dizaines de Réunionnais sont venus au contraire défendre la visite de la présidente du FN. Parmi eux, Maryse, une «cafrine», une noire de la Réunion: «Ils n’ont pas le droit de bloquer les routes comme cela. Je ne connais pas vraiment Marine Le Pen mais si elle était vraiment raciste, que viendrait-elle faire ici?»
«Il y aura forcément des gens ici qui glisseront un bulletin Le Pen dans l’urne»
«Compte tenu de la frustration, il y aura forcément des gens ici qui glisseront un bulletin Le Pen dans l’urne», glisse, amer, Sully Fontaine, le directeur culturel de la ville de Saint-Louis, bastion de gauche. Pourtant, en 2007, Jean-Marie Le Pen n’avait obtenu que 4,8% des suffrages. Les soutiens à Marine Le Pen de quelques Réunionnais jusqu’alors non-politisés est le «baromètre de la friche idéologique délaissée par le PCR», craint Sully Fontaine. En clair: que le FN prospère sur le terreau des classes populaires, comme en métropole.
C’est aussi ce que dit Joseph Damour, le responsable FN et organisateur de la visite de Marine Le Pen. «Le PCR est sur la fin», se réjouit celui qui va à la rencontre d’une centaine de manifestants communistes, qui ont réussi à contourner les gendarmes, et qui se rapprochent maintenant en chantant «L’Internationale». A leur tête, le maire (PCR) de Saint-Louis, Claude Hoarau qui clame: «Marine Le Pen a le droit de venir sur l’île mais elle n’y est pas la bienvenue». Joseph Damour l’accuse d’avoir «fait venir les employés de la ville». S’ensuit une bousculade tendue. Les gendarmes interviennent pour exfiltrer le responsable FN.
«Les Réunionnais prennent conscience qu’on leur a menti»
Puis, sous les huées des uns et les applaudissements des autres, le cortège de Marine Le Pen arrive. La candidate, tout sourire, minimise l’impact de la manifestation. «Les communistes, ici, sont comme en métropole, ils détestent la démocratie.» Sous les yeux des opposants, rivés derrières les barrières du temple, elle découvre les subtilités du rite tamoul en feignant de comprendre son hôte, improvisé guide, au fort accent réunionnais. Et si la liberté, l’égalité et la fraternité sont bien «des valeurs chrétiennes laïcisés», selon elle, «les tamouls n’ont jamais exprimé le désir de s’y opposer». D’ailleurs, «nous sommes hindouistes mais baptisés», glisse un des membres de la famille du prêtre.
Multipliant photos et sourires avec les quelques Réunionnais dûment autorisés à entrer dans l’enceinte du temple, Marine Le Pen conclut: «on dit que nous sommes racistes. Les Réunionnais prennent conscience qu’on leur a menti.» Bon gré, mal gré, le message sera passé.