Résultats présidentielle 2022 : « C’est la catastrophe… » Le choc chez LR après la déroute de Valérie Pécresse
REPORTAGE Avec à peine 5 % des voix lors de ce premier tour de la présidentielle, Valérie Pécresse a fait tomber la droite républicaine à son plus bas niveau depuis le début de la Ve République
A la Maison de la Chimie (Paris 7e),
Quelques secondes avant l’annonce des résultats, quelques militants font passer les ultimes consignes. « Silence, surtout. De la sobriété. » Il ne faudrait pas donner aux caméras braquées sur eux les images qu’elles recherchent, une salle en plein désarroi, abattue par le score de Valérie Pécresse. Mais quand les images défilent et que la candidate Les Républicains apparaît derrière Eric Zemmour avec seulement 5 % des voix, certains ne peuvent retenir un cri de stupeur. Les autres sont hébétés. La droite républicaine n’était jamais tombée aussi bas depuis le début de la Ve République.
« C’est la catastrophe, souffle Jules, 22 ans, à nos côtés. On s’attendait à la défaite, mais pas à ce point-là. On ne sait même pas si on va être remboursés, c’est dingue ! » Son ami Harold tente de trouver une explication au cataclysme. Il en veut (un peu) aux médias et aux sondages. « J’ai pas mal de gens autour de moi qui se sont dit "A quoi bon soutenir Valérie alors qu’elle est très basse, autant voter Macron tout de suite", raconte le jeune homme de 21 ans. De toute façon, pour tomber à 5 %, il s’est forcément passé quelque chose. » « C’est dur à vivre, on a subi un score extrêmement lourd », lâche, dépitée, la porte-parole Florence Portelli.
Les mêmes discours reviennent un peu partout dans la salle de la Maison de la chimie. « On n’a pas l’impression qu’il y ait eu une vraie campagne, peste Gabriel. Zéro débat, rien. Et son programme a été dénigré par rapport à sa personne, je trouve. On a fait passer la forme avant le fond. » Référence au meeting du Zénith, mi-février, qui devait lancer l’offensive et où la candidate est totalement passée à côté de son discours. « C’était le Titanic », avait-on raillé jusque dans son camp. L’épave a été retrouvée encore plus profond que prévu. « Ça a été la bascule, reconnaît Eric, 72 ans et vrai gaulliste dans l’âme. Les médias ne l’ont pas loupée ensuite, encore plus parce que c’était une femme. Mais c’est vrai que son problème est qu’elle ne faisait pas rêver. »
« Emmanuel Macron a joué avec le feu, et fait prendre un grand risque à la France »
Du côté des cadres du parti, silence radio. Christian Jacob, président de LR, est bien venu sur place. Mais il s’en est tenu à une réunion dans une salle annexe avec les soutiens (et ex-candidats à la primaire) Michel Barnier et Philippe Juvin, ainsi que le président du Sénat, Gérard Larcher. Pas un ne s’est rendu sur l’estrade avec la vaincue, ni même descendu dans l’arène parler aux militants ou aux journalistes. Pas envie d’être sur la photo de la lose ? « Vous voyez le mal partout », tentait de défendre Geoffroy Didier en fin d’après-midi, quand on l’interrogeait sur l’absence des ténors LR.
C’est donc seule que Valérie Pécresse est arrivée à son pupitre, 17 minutes seulement après 20h. Visage impassible. « J’ai dû batailler sur deux fronts, entre le président sortant et les extrêmes qui se sont alliés pour me battre. Je n’ai pas réussi à me délivrer de cet étau, a-t-elle déclaré, avec une sincérité qui lui a sûrement manqué pendant la campagne. Je suis inquiète pour l’avenir du pays. Emmanuel Macron a joué avec le feu, et fait prendre un grand risque à la France. » Pas grand-chose d’autre sur sa cuisante défaite, dont elle « assume toute [sa] part ».
Le député Julien Aubert, lui, ne s’est pas défilé. L’ancien secrétaire général adjoint du parti avait des choses à dire sur la manière dont a été menée la bataille depuis la primaire. « On a voulu faire plaisir à tout le monde, s’emporte-t-il. Qu’on reparte sur une ligne claire, et qu’on arrête avec l’auberge espagnole qu’a été cette campagne, et que je regrette profondément. » Un constat qui avait été posé depuis longtemps. Tiraillée entre Eric Ciotti et Xavier Bertrand, notamment, la présidente de la région Ile-de-France – plutôt libérale et moderne – s’est perdue en chemin. Elle n’a satisfait personne à force de vouloir contenter le plus grand nombre.
Derrière Emmanuel Macron ou pas?
L’avenir des Républicains est en jeu, désormais. Déjà, il faut savoir si la barre des 5 % sera atteinte ou non au moment des résultats définitifs – cela ne semblait pas bien parti pour dimanche soir. Et puis voir si tout ne va pas voler en éclat avant le deuxième tour. La crainte est grande que chacun joue sa partition. Valérie Pécresse a annoncé qu’elle votera pour Emmanuel Macron, et sans donner de consigne, a rappelé l’une des grandes phrases de Jacques Chirac : « Tout dans l’âme de la France dit non à l’extrémisme. » Le député Robin Reda a été encore plus clair, juste après. « Il faudra se rassembler derrière le président sortant pour le second tour », a-t-il dit sans sourciller.
Ils sont encore nombreux sur cette ligne, mais certainement moins qu’en 2017. « Je n’avais pas hésité une seconde après la défaite de François Fillon. Là, je ne voterai pas pour Macron, expose par exemple Gabriel, 29 ans. Je voterai blanc, ou même pour la candidate en face. A cause de tout ce qu’il s’est passé pendant ces cinq ans, de ces petites phrases envers les Français, de cette arrogance. » Une réflexion qui résonne avec celle de Julien Aubert. « Mon vote ne sera pas le même que celui de Valérie Pécresse. Ça n’empêche pas de rester dans le même groupe pour la suite, et de reconstruire. Mais pas n’importe comment. Il faut se recentrer sur une ligne gaulliste. Et pas le gaullisme d’opérette qu’on a vu ces dernières années », tonne le patron du mouvement « Oser la France ». Sur le plateau de TF1, Eric Ciotti a annoncé qu’« à titre personnel », il voterait « contre » le président sortant.
Les discussions s’annoncent en tout cas très animées dans les prochains jours, que ce soit chez les sympathisants ou les plus hauts gradés. Dès lundi matin, un conseil stratégique va se réunir à partir de 10h00, puis un bureau politique aura lieu. Personne ne veut s’avancer sur ce qu’il va en ressortir. « C’est encore plus compliqué à prévoir que le résultat de ce premier tour », esquive Aubert. Un peu plus loin, les militants s’inquiètent. « Est-ce qu’on peut encore parler de parti ? », interroge Jules. On n’a pas trouvé d’embryon de réponse dans son regard.
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