Présidentielle 2022 : Macron envisage-t-il de dissoudre l’Assemblée pour pénaliser Zemmour ?
CAMPAGNE Selon l’article 12, même après une élection, un président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale
- Sur Twitter, une internaute s’inquiète du souhait qu’aurait Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale - s’il est réélu.
- Cela lui permettrait de réduire le temps de campagne électorale pour les prochaines législatives et ainsi déstabiliser l'opposition.
- Toutefois, Emmanuel Macron n’a jamais évoqué cette mesure et il ne s’agit que d’une analyse du média « L’Opinion », dans un contexte décrit comme « inédit ».
Le premier tour de la présidentielle approche et avec lui son lot de questions sur la démocratie. Lundi, une militante du candidat d’Eric Zemmour s’est notamment questionnée sur le souhait qu’aurait l’actuel président de la République Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, si celui-ci venait à être réélu.
« Avez-vous connaissance qu’Emmanuel Macron veut dissoudre l’Assemblée nationale juste après les élections, s’il est réélu pour avoir la majorité en mettant les législatives en mai ? Comme ça, Zemmour n’aurait pas le temps de présenter un élu dans chaque région », s’interroge l’internaute.
Emmanuel Macron a-t-il réellement envisagé cette dissolution ? Une telle mesure est-elle possible au lendemain d’une élection ? 20 Minutes revient sur les faits.
FAKE OFF
D’où vient cette affirmation sur un potentiel souhait d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale – s’il est réélu ? Ce sont nos confrères du journal L’Opinion qui l’ont envisagé dans un premier temps, au mois de novembre, compte tenu du calendrier des élections de 2022. En effet, cette année, le délai qui sépare la présidentielle des législatives passe de cinq à huit semaines, ce que L’Opinion décrit comme « inédit ».
Quelques jours plus tard, l’information est reprise dans un édito d’Olivier Bost sur RTL titré « Emmanuel Macron songe à dissoudre l’Assemblée nationale ». L’éditorialiste politique rappelle ici que si les dates de la présidentielle ont été avancées – pour ne pas tomber lors des jours fériés début mai – les dates des législatives, elles, restent inchangées. « Il y aura donc presque deux mois plein de campagne pour les futurs députés, et c’est justement ce que veulent éviter des stratèges d’Emmanuel Macron. Avec une longue campagne, si Emmanuel Macron est réélu, ce sera plus dur pour lui d’obtenir une majorité », souligne Olivier Bost.
Mais aujourd’hui, rien n’est fait et les affirmations du journal L’Opinion ne restent qu’hypothétiques. Emmanuel Macron n’a pas envisagé publiquement une telle mesure. Cette stratégie pourrait toutefois servir à raccourcir le temps de campagne de l’opposition.
Toutefois, il est important de se demander si un président nouvellement élu peut dissoudre l’Assemblée nationale. 20 Minutes a vérifié et ce droit est bien prévu par l’Article 12 de la Constitution. « Le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale », est-il indiqué.
En fait, la dissolution n’est impossible que dans trois cas de figure : lorsque les pouvoirs exceptionnels sont exercés par le président [ce qui n’est arrivé qu’une fois en 1961], lorsque le président du Sénat exerce l’intérim du président de la République [s’il meurt par exemple] ou si l’Assemblée a déjà été dissoute la même année. Ainsi, il est tout à fait possible pour tout président fraîchement élu de dissoudre l’Assemblée nationale.
Une mesure prise par Mitterrand
Dans l’histoire de la Ve République, trois présidents ont déjà dissous l’Assemblée nationale : Charles de Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac. Mais c’est le cas du président socialiste qui nous intéresse le plus ici, car les dissolutions sont survenues juste après son élection. En 1981, alors qu’il vient d’arriver au pouvoir, François Mitterrand l’utilise pour éviter la cohabitation avec une majorité extérieure à son bord politique. Une mesure qu’il avait déjà envisagée lors d’un débat télévisé le 5 mai 1981 face à Valéry Giscard d’Estaing.
« J’ai l’intention de dissoudre et j’ai l’intention de faire procéder à des élections avant le 1er juillet. Si un argument majeur s’opposait à cela, de toute manière, ma décision serait maintenue, je veux dire par là que je ne serais pas en mesure de garder cette Assemblée, et le problème, pour moi, serait de disposer d’une majorité, parce qu’on ne peut pas mener une autre politique sans une autre majorité », expliquait alors le futur président.
Même scénario lors de sa réélection. En 1988, François Mitterrand décide à nouveau de dissoudre la chambre basse du Parlement pour récupérer la majorité, perdue lors des législatives de 1986. « Le Premier ministre [Michel Rocard,] m’a fait savoir que faute des concours nécessaires, et malgré ses efforts, il ne s’estimait pas en mesure de réunir la majorité parlementaire solide et stable dont tout gouvernement a besoin pour mener à bien son action […]. J’ai donc le devoir d’en tirer les conséquences. Conformément à l’article 12 de la Constitution, et après avoir procédé aux consultations qu’il prévoit, j’ai signé voici quelques instants le décret prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale », soutenait François Mitterrand, lors d’une allocution télévisée, le 14 mai 1988.