Primaire écologiste : « Sandrine Rousseau peut l’emporter » au second tour, selon un spécialiste de l’écologie politique
INTERVIEW Selon Daniel Boy, spécialiste de l'écologie politique, Yannick Jadot, arrivé en tête au premier tour de la primaire écologiste ce dimanche, aura fort à faire au second tour face à Sandrine Rousseau
- Le premier tour de la primaire écologiste a livré son verdict ce dimanche : Yannick Jadot et Sandrine Rousseau sont qualifiés pour le second tour.
- Sandrine Rousseau, qui talonne Yannick Jadot, peut l’emporter au second tour, estime le politologue Daniel Boy, interrogé par 20 Minutes.
- Il faut dire que l’électorat de cette primaire semble plus à gauche qu’attendu par le spécialiste de l’écologie politique.
Yannick Jadot et Sandrine Rousseau s’affronteront lors du second tour de la primaire écologiste. Yannick Jadot, donné favori du fait de sa notoriété beaucoup plus forte, n’a obtenu ce dimanche au premier tour que 27 % des voix contre 25 % à Sandrine Rousseau et sa proposition écoféministe plus radicale. Delphine Batho, sur une ligne décroissante, et Eric Piolle, le maire de Grenoble, ne sont pas si loin non plus, à 22 %. Leurs consignes de vote pourraient être décisives. 20 Minutes a demandé à Daniel Boy, politologue spécialiste de l’écologie politique, directeur de recherche au Cevipof, son analyse à chaud des résultats qu’il juge « renversants ».
Yannick Jadot est en tête mais avec sa notoriété, on pouvait imaginer qu’il puisse un peu plus tuer le match…
Oui, bien sûr. A mon avis, pour le second tour, il est plutôt en danger et c’est un peu une surprise. Ça veut dire quand même qu’on a un corps électoral écolo plus à gauche qu’on ne l’imaginait. On s’était dit qu’avec 122.000 personnes on serait plutôt sur une écologie consensuelle, etc. Pas du tout. C’était ça l’erreur : on a un corps électoral très partagé et qui penche pas mal à gauche. Si on additionne Rousseau, Piolle et Batho ça fait beaucoup et ils sont tous plus à gauche que Jadot.
Le second tour qui arrive s’annonce assez dur pour Jadot. On en revient au parti : c’est vrai que Yannick Jadot était loin d’y être majoritaire et même sur une primaire à plus de 100.000 votants, les électeurs ne sont finalement pas tellement loin du parti. On pouvait se demander si à 122.000 inscrits, ils seraient comme à 12.000. Non, ils ne sont pas pareils, mais pas tant que ça et c’est une surprise.
Du côté de Sandrine Rousseau, il est vrai qu’on avait senti durant la campagne qu’il y avait une dynamique autour d’elle. Est-ce qu’elle peut vraiment gagner au second tour ?
C’est une vraie question parce qu’elle a une image plus à gauche mais aussi plus écoféministe. Et malgré cela elle fait un score tout à fait étonnant. Pour moi, c’est absolument imprévisible mais j’ai quand même l’impression que c’est plutôt elle qui pourrait l’emporter. En tout cas sur le papier, avant de voir les consignes de vote et la campagne.
Autre surprise, on n’attendait pas forcément Delphine Batho, sur une ligne décroissante, arriver troisième à 22 %. La radicalité, là aussi, séduit-elle ?
C’est bougrement intéressant de voir Delphine Batho, qui n’est pas dans le parti, qui vient même du Parti socialiste, faire plus de 22 % sur le thème de la décroissance. Cela veut dire quelque chose parce que même dans les textes du congrès écolo le mot de « décroissance » n’existait pas, ils n’en parlent pas. On a bien vu pendant le débat que quand Delphine Batho parlait de décroissance, les autres n’étaient pas très enthousiastes. Eh bien elle représente 22 %. Cela veut dire que non seulement le parti est très ancré à gauche (ça on le savait), mais que ses proches sympathisants le sont aussi.
C’est très serré, mais Eric Piolle est tout de même quatrième, seulement. Il a longtemps été donné dans les médias comme le grand rival de Yannick Jadot. A-t-il raté sa campagne ?
C’est vrai que le fait qu’il soit même derrière Delphine Batho est étonnant. Il a fait une campagne locale et à mon avis ce n’est pas une très bonne idée sur une présidentielle. J’ai trouvé que lors des débats à la télévision il se défendait plutôt bien. Mais peut-être qu’au fond il ne représentait pas un clivage particulier, à part qu’il était à gauche mais tous l’étaient à part Jadot et Governatori. Rousseau et Batho incarnaient chacune un clivage particulier. A l’une l’éco féminisme, à l’autre la décroissance. Le fait de mettre ces deux choses en avant les a un peu plus propulsées que celui qui apparaissait comme « juste écolo ». Il n’avait pas d’identité claire.
Yannick Jadot doit-il se présenter comme celui qui peut vraiment faire un score à la présidentielle ou est-ce déjà ce positionnement qui n’a pas marché au premier tour de la primaire ?
C’est son vrai argument mais c’est plus difficile à mettre en avant désormais. Il pourrait faire comme Nicolas Hulot en 2012 et tout faire pour dire « plus à gauche que moi, tu meurs ». Il va être obligé d’aller à la gauche de la gauche pour montrer qu’il est aussi à gauche que Sandrine Rousseau. Il ne peut pas du tout jouer sur son image présidentielle.
Ceci dit, les militants vont peut-être se demander si avec Sandrine Rousseau ils peuvent dépasser les 5 %. A vrai dire, je n’en sais rien. Que signifie au niveau national ce qu’on voit là au niveau de 100.000 personnes, avec de toute évidence un électorat féministe qui a propulsé Sandrine Rousseau ? Je n’en sais rien. Est-ce qu’il y a un mouvement féministe, pas éco féministe au sens étroit, mais un mouvement de défense des valeurs féministes très fortes en France, qui ferait que si elle était candidate Sandrine Rousseau dépasserait les 5 % ? Franchement, qui peut le dire après cette primaire ?