Régionales : Une forte abstention est attendue dimanche, comment l'expliquer ?
PÊCHEURS D’après les prévisions, moins de 40 % des électeurs et électrices pourraient aller voter dimanche aux régionales et départementales
Plus de 45 millions d’électeurs et d’électrices sont appelées aux urnes dimanche, la plupart pour deux élections en même temps, les régionales et les départementales. Combien vont effectivement répondre à cet appel ? Les observateurs et observatrices ne sont pas très optimistes. N’importe quel institut de sondage vous le dira : jauger de la participation électorale est un exercice difficile. Viavoice pour BFMTV s’y est risqué : il pourrait y avoir entre 36 et 41 % de participation. C’est bien peu.
La campagne du premier tour qui s’achève n’a tout simplement pas intéressé la population. D’après Paul Cébille, analyse politique à l’Ifop interrogé par 20 Minutes, l’intérêt des électeurs et électrices pour le scrutin régional serait encore en dessous de celui mesuré pour les européennes de 2019 (39 %) et les municipales de l’année dernière (41 %). A titre de comparaison, pour la présidentielle de 2017 l’intérêt était 71 %. Prudence tout de même : on avait par exemple été surpris par une mobilisation de dernière minute pour les européennes.
La tête à d’autres préoccupations
Les Françaises et les Français ont la tête ailleurs. « Ce qui les préoccupe aujourd’hui c’est bien sûr la pandémie, même si c’est en recul, mais aussi l’insécurité et le pouvoir d’achat. Pas vraiment les compétences des régions », note auprès de 20 Minutes Mathieu Gallard, directeur d’étude chez Ipsos. Des régions dont on a du mal à saisir les compétences, ça c’est ancien, mais, depuis le redécoupage de 2015, dont on ne voit même plus les frontières. S’ajoute à cela une abstention plus structurelle auprès de personnes qui considèrent que les élus et élues ne se préoccupent pas d’elles. « L’élection à vocation majoritaire ne mobilise pas non plus, car si vous perdez, vous savez que vos élus n’auront de toute façon aucun pouvoir », pense aussi Paul Cébille.
Aux élections régionales, qu’il y ait une faible ou une forte abstention, ça ne change pas grand-chose sur le déroulement de scrutin. Pour se qualifier au second tour, par exemple, il faut obtenir au moins 10 % des voix. Aux départementales, en revanche, si on n’est pas dans les deux premiers, il faut réunir au moins 12,5 % des inscrits, c’est-à-dire de la totalité des personnes sur la liste électorale du canton, qu’elles aient voté ou pas. En clair : dans un canton avec 50 % d’abstention, il faudra 25 % des voix pour passer, pas évident.
Pas vraiment de camp plus mobilisé qu’un autre
L’année dernière, lors d’élections municipales exceptionnelles en pleine pandémie, l’abstention avait globalement touché toutes les catégories, assez indistinctement. Cette fois on revient à du classique : « Plus vous êtes intégré socialement, plus vous votez », explique simplement Mathieu Gallard. Ainsi les vieux votent plus que les jeunes et les cadres votent plus que les catégories populaires. Les mariés (ou en couple, soyons modernes) votent plus que les célibataires. « Sur une élection mobilisatrice comme la présidentielle il n’y a pas forcément de grosse différence, mais sur un scrutin moins mobilisateur il peut y avoir de gros écarts », ajoute le sondeur de chez Ipsos.
Au sujet des électorats, difficile de voir un camp vraiment plus mobilisé qu’un autre. « En revanche on voit beaucoup d’hésitation dans les électorats de gauche et de LREM, surtout dans les régions où il y a du choix, comme en Île-de-France ou en Auvergne-Rhône-Alpes », décrit Mathieu Gallard. Côté Ifop, Paul Cébille va même jusqu’à dire que, devant la multiplication des listes, certains électeurs ou électrices pourraient décider de ne pas choisir et de s’abstenir. L’électorat du RN est lui « quasiment captif, il est sûr de son choix, note le sondeur. Encore faut-il qu’il aille voter. »
« Bonne excuse »
L’enjeu pour chaque parti, et ça ne date pas de cette année, c’est de mobiliser les siens. Et à mesure que l’abstention augmente, cela peut suffire à gagner des élections ou à faire la différence. Or, « l’exercice électoral devient plus compliqué s’il s’agit plus de mobiliser que de convaincre ou débattre », pense Paul Cébille. Des abstentions massives à toutes les élections sauf à la présidentielle, c'est peut-être bien la nouvelle normalité de la vie politique française. L’année dernière devant les 55 % (au premier tour) et 58 % (au second tour) d’abstention aux municipales, on avait blâmé le contexte pandémique. Cette année ces chiffres pourraient être dépassés sans que la pandémie puisse être listée parmi les raisons de la désaffection.
La crise sanitaire était peut-être une « bonne excuse » pour les électeurs et électrices : « Ce sont les jeunes qui citaient le plus la pandémie comme raison de l’abstention. Ce qui peut paraître surprenant alors que ce sont plutôt les personnes les moins touchées par le Covid-19 », analyse Paul Cébille. Une « bonne excuse » aussi pour la classe politique et les médias : « Si on prend les choses sur le temps long, le recul de la participation aux élections municipales n’était pas très étonnant, rappelle Mathieu Gallard. Le niveau a sans doute été amplifié par la pandémie, mais la tendance est là depuis longtemps. » La forte abstention de dimanche, comme celle de l’année dernière, comme celle des législatives de 2017… il faudra la prendre pour ce qu’elle est, « un nouvel indice de l’éloignement des citoyens vis-à-vis de la vie politique », conclut Mathieu Gallard.
Retrouvez les résultats des élections régionales le dimanche 20 juin dès 20 heures sur 20minutes.fr