Présidentielle: Jean-Paul Delevoye, diaspora congolaise, et motos-taxis, on a passé la soirée au Brazza, en face du QG de Macron
POLITIQUE Un repère d’habitués et de membres du staff du président de la République…
Le dimanche, au Brazza, on ferme un peu plutôt que d’habitude, vers 18h. Mais ce n’est pas un dimanche comme les autres, et il serait dommage de ne pas profiter de l’aubaine. Entre le QG d’Emmanuel Macron et le Brazza, le bar PMU du coin, il n’y a pas cinquante mètres. C’est un soir à faire du chiffre, d’autant que le patron la joue grand seigneur : il ne fait pas consommer pour accéder aux toilettes, où les journalistes succèdent aux flics en faction qui laissent eux-mêmes leur place aux équipes de sécurité du candidat.
Depuis six mois qu’il est s’installé rue de l’Abbé Graoult, Emmanuel Macron n’est jamais venu se payer un demi au comptoir. « C’est dommage, boire un coup au bistrot, ça fait partie de la culture française non. Mais bon, vous croyez qu’il est capable de faire la différence entre une brune et blonde ? Je ne crois pas ».
La proximité avec le QG d’En Marche ! un sujet de plaisanteries récurrentes chez les habitués. « Il va te manquer, hien, le petit Macron, quand il sera plus au bout de la rue ? », lance Manu à la cantonade. Manu est portugais, il n’a pas pu voter. S’il avait pu, il aurait voté blanc. « Même au premier tour. J’aurais pu voter Le Pen mais il y a des choses qui ne me plaisent pas chez elles. Macron, je connais pas trop ». Pourtant, il a bien dû croiser quelques membres de son équipe rapprochée. Laurence Haïm s’est déjà pointée, et Jean-Paul Delevoye a choisi le Brazza pour honorer certains rendez-vous de travail, avec Christian Estrosi, entre autres.
« Un mec bien ce Delevoye, il a le sens de l’état, il a de l’expérience, il n’est pas trop marqué politiquement, si j’étais lui, j’en ferais mon Premier ministre », souffle le propriétaire des lieux. D’ailleurs, l’ancien ministre chiraquien vient d’arriver au bout de la rue. Il tape la discussion avec quelques passants, le sourire aux lèvres.
Parmi eux, un père de famille qui vient initier ses deux garçons, entre 10 et 14 ans au jugé, aux bonheurs d’une soirée d’élection présidentielle. Le matin, cet ancien adhérent du medef 93 les a emmenés au Panthéon : la visite était offerte à tous ceux qui avaient tamponné leur carte électorale. « Ça va, il n’a pas l’air trop inquiet, c’est gagné, non ? Vous avez les chiffres ? ». On lui répond qu’a priori, il n’a pas trop de soucis à se faire, même si les résultats officiels tombent dans un peu plus d’une heure.
« J’ai voté pour lui, même si je ne suis pas d’accord avec tout. Je vis en Seine Saint-Senis depuis 20 ans, et j’ai vu les choses changer, la montée du communautarisme… Macron a créé un véritable espoir dans les quartiers, il va falloir qu’il soit à la hauteur ». Ses deux fils veulent voir le nouveau président avant de rentrer dormir. « Ce sera compliqué, mais on va aller au Louvre pour voir l’ambiance ».
Il vaut mieux, parce que surplace, il ne reste plus grand monde une fois qu’on enlève les médias et les forces de l’ordre. Le futur président de la République doit quitter son QG dans la soirée. Une armée de motos-taxis attend dehors, le couteau entre les dents. « Pour qui on bosse ? C’est secret défense ». Sans doute pour des collègues qui ont prévu de traquer le vainqueur toute la soirée, et plus si affinités. A l’intérieur, les toilettes sont toujours blindés. Ceux qui ont le courage de faire la queue patientent au milieu d’un groupe de Congolais très apprêtés.
Plusieurs fois qu’on les voit négocier avec un copain de la sécurité pour rentrer dans le QG. « On fait partie de la diaspora congolaise » Mais encore ? « Marine Le Pen a dit qu’elle ne voulait pas s’ingérer dans les affaires africaines, c’est une grave erreur. Il faut en finir avec toutes ces dictatures. Nous, on est avec Macron depuis le début ». Avec Macron mais pas dans son QG, où l'on entend les premiers cris de joie. 66-34, c'est une belle victoire.
«C'est bon, le Chinois tu vas pouvoir rester là», se marre un client. Le chinois, c'est la patron, et il n'a pas envie de rigoler: la caisse n’est pas si fameuse. « Macron et ses gars, ça nous aura rapporté un peu, mais rien ne vaut un gros match de foot. Vivement la fin des législatives, que le QG ferme et qu’on passe à autre chose ». Ça laisse deux mois au nouveau président pour venir tester la bière du Brazza. Défi lancé.