Présidentielle: Vote ou abstention? On a fait le match pour ou contre
PILE OU FACE A l’approche du premier tour, de nombreux électeurs ne sont pas certains de se déplacer aux urnes…
Environ un électeur sur trois ne compte pas se rendre aux urnes pour le premier tour. Le chiffre varie selon les sondages mais s’établit autour de 30 % (32 % selon l’institut de sondages Ifop ; 34 % pour Ipsos Sopra Steria ; 60 % de sondés "tout à fait certains d’aller voter" chez OpinionWay.)
A une semaine de l’élection présidentielle, partisans du vote et de l’abstention multiplient tous deux les appels aux citoyens. 20 Minutes a interviewé un représentant de chaque camp afin d’en comparer les arguments.
Antoine Buéno est chargé de mission au Sénat. Ancienne plume de François Bayrou, il a publié un manifeste pour l’abstention intitulé No vote.
Jean-Pierre Gueno est écrivain. Il est l’auteur de Votons, un manifeste pro-vote, dans lequel il convoque les idées de Jean Jaurès, Antoine de Sain-Exupéry et Charles de Gaulle.
Nos ancêtres se sont battus pour le vote. Est-ce que je peux me permettre de ne pas utiliser ce droit ?
A.B. : Personne n’est mort pour le droit de vote. Il y a certes eu des révolutionnaires qui ont laissé leur vie. Mais c’était pour les droits de l’Homme, dans lequel ne figure pas le droit de vote. Ensuite, il est vrai que les suffragettes par exemple se sont beaucoup battues. Et c’est devenu un droit. Pas un devoir.
J-P G. : Le suffrage universel a été une sacrée conquête. Jean Jaurès et Antoine de Saint-Exupéry sont morts pour leurs idées. Ça nous a coûté assez cher.
Les votants peuvent-ils jouer un rôle face au FN ?
A.B. : En tout cas, les abstentionnistes ne font pas le jeu du FN. Il n’y a pas de vase communicant entre ces deux foyers d’électeurs. Les scrutins où l’extrême droite fait un mauvais score sont aussi les scrutins où le taux de participation est le plus faible. C’est pourquoi il faut parler à ces 30 % d’électeurs et ne pas les dénigrer.
J-P G. : Moins il y a de votants, plus le prochain président sera le choix d’une minorité. Si on s’abstient, il n’existe plus de réel pouvoir ou de moyen de pression sur nos élus.
Aucun candidat ne me plaît. Je peux voter blanc ?
A.B. : Non. Voter blanc, c’est se faire avoir par deux fois. Une première fois parce que le vote blanc n’est pas reconnu. Puis une deuxième fois parce que cela fait gonfler les chiffres de la participation et ça légitime encore le processus.
J-P G. : Depuis vingt ans, les Français votent contre un candidat. Faire barrage à quelqu’un, ce n’est effectivement pas très motivant. Mais si vraiment aucun candidat ne convient à un électeur, il vaut encore mieux voter blanc. Celui qui s’abstient est un mort-vivant. Or il faut rester vivant et s’exprimer.
Si on ne vote pas, alors il ne faut pas se plaindre du prochain président ?
A.B. : Si on adopte cette logique, alors ceux qui ont voté pour la personne qui est devenue le prochain président devraient se taire aussi. Seuls les électeurs déçus auraient le droit de se plaindre en disant « on vous l’avait bien dit ! ». Ça n’a pas de sens.
J-P G. : Ce qui est sûr, c’est qu’on est entrés dans l’ère du narcissisme. Les gens pensent qu’ils sont autonomes et qu’ils n’ont plus besoin des autres. Mais notre existence ne prend du sens que quand on se tourne vers les autres. Voter, c’est commencer à vivre ensemble.
Si on veut faire changer les choses, que vaut-il mieux faire ?
A. B. : S’abstenir ! L’abstention est réformatrice. Le quinquennat, la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la modernisation de l’action publique… Tout cela a été créé en réaction à la montée de l’abstention.
J-P. G. : Il faut voter. S’abstenir, c’est contourner l’obstacle au lieu de l’affronter. Au lieu d’aller voter une fois tous les cinq ans et se rendormir entre-temps, il faut aussi prendre position, écrire, s’engager. De l’énergie, que diable !
>> Quel candidat à l’élection présidentielle correspond le mieux à vos idées ? Testez notre boussole ici dans sa version optimisée ou ci-dessous.