Les assistants sexuels toujours sans statut
éPANOUISSEMENT Ils prennent en charge la vie intime et la sexualité des personnes en situation de handicap...
«C’était juste un manque de sexe», voilà comment Laure* résume son besoin d’avoir eu recours à un assistant sexuel. Agée de 50 ans, elle se déplace en fauteuil roulant et est dépendante depuis sa naissance d’auxiliaires pour tous les actes essentiels de la vie. Et pour les relations intimes aussi. «Je vois cette démarche comme passagère. Je préfère nettement l'amour avec un grand A et tout ce qui va avec», précise cette dynamique lilloise.
Laure* a préféré rester anonyme car le recours aux assistants sexuels est encore méconnu . Ils s’occupent de personnes qui sont dans l’incapacité physique d’avoir une activité intime. Une manière de les aider à appréhender leur corps et le corps des autres.
Mais en France, les assistants sexuels ne bénéficient d’aucun statut juridique et leur activité s’apparente à de la prostitution aux yeux de la loi. De même que la mise en relation entre un assistant et une personne handicapée est considérée comme du proxénétisme.
«Tout se fait sous le manteau pour l’instant, ils sont obligés de rester dans la clandestinité», regrette Julia Sabath, directrice de CHS-OSE, une association de réflexion sur la sexualité des personnes en situation de handicap.
Une formation spéciale
Les quelques assistants sexuels présents en France ont souvent appris leur métier à l’étranger, comme en Suisse par exemple. Claudine Damay est la présidente de Corps Solidaires, une association helvétique qui propose des formations d’un an et demi. «Nous avons eu des participants qui ont traversé la France pour pouvoir suivre nos 200 heures de cours. Pour exercer, il faut avoir de solides connaissances dans le domaine du handicap», explique-t-elle.
En France, l’expérience n’en est qu’au balbutiement. L’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas) organise des stages depuis mars 2015. Basé en Alsace, son président Marcel Nuss, est lui-même en situation de handicap et sa compagne Jill Nuss, assistante sexuelle, en est la secrétaire.
«En tout, 25 personnes ont déjà suivi le programme. Ce sont souvent des gens issus du milieu médico-social, qui ont l’habitude de travailler au contact des personnes en situation de handicap», raconte Jill Nuss. Elle est consciente qu’elle et son compagnon risquent sept ans d’emprisonnement et 150.000€ d’amende, car leur activité relève du proxénétisme selon la loi.
Des appels à l’aide répétés
Cette ancienne escort-girl reconvertie est régulièrement contactée par des familles en détresse. «Je reçois des appels de mamans en pleurs qui n’en peuvent plus de la souffrance de leurs fils. Elles sont parfois obligées de masturber elles-mêmes leur enfants pour les soulager», confie-t-elle.
Car la réalité des rencontres est bien loin des fantasmes sexuels, entre sensualité et acte para-médical. «Les assistants ne sont pas là pour satisfaire une pulsion mais pour soulager une incapacité physique», rappelle Julia Tabath. Le bien-être se résume parfois à être nu contre un assistant ou à des jeux de foulards sur le corps.
Mutilations et déficience mentale
Car bon nombre de patients sont déficients mentaux et n’ont pas de vie sociale développée. Certains ont une conscience et une connaissance limitée de leurs corps. «J’ai déjà vu des hommes en érection qui ne comprenaient pas ce que c’était. Il leur arrive alors de se mutiler avec des objets», se souvient Jill Nuss. Dans ce cas l’assistance sexuelle se rapproche plus d’une rééducation et permet d’apprendre à ressentir.
Le contexte est d’autant plus difficile que les personnes en situation de handicap sont au contact d’auxiliaires toute la journée. «Elles se sentent dépossédées de leurs corps, manipulées par des kinésithérapeutes, des auxiliaires de vie, et deviennent des objets de soin», regrette Julia Tabath. Si bien que quand la situation est trop grave, le personnel soignant appelle parfois lui-même une assistante.
«Il faut à tout prix que ce statut soit encadré, afin que les patients comme les assistants soient protégés par la loi et par des assurances», martèle la présidente de l’association CHS-OSE. En Europe, le statut d’assistant sexuel est reconnu en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas. De même qu’au Danemark, en Italie et en Belgique, où la prostitution n’est pourtant pas encadrée par la loi.
*Le prénom a été modifié.