« La réforme du divorce contentieux amène un gain de temps énorme »
INTERVIEW•Le divorce contentieux a été simplifié au 1er janvier 2021, et Me Élodie Mulon, avocate parisienne spécialisée en droit de la famille, nous aide à y voir plus clairPropos recueillis par Julie Polizzi pour 20 Minutes
Très difficile émotionnellement et financièrement parlant, divorcer n’est pas chose aisée. A fortiori lorsque la démarche traîne en longueur pendant plusieurs années. Pour faciliter la tâche aux couples souhaitant rompre leur union et surtout désengorger les tribunaux, le législateur a entrepris de simplifier tout ça.
Après le divorce par consentement mutuel, qui se fait sans l’intervention du juge depuis 2017, ce sont les procédures contentieuses qui ont été réformées au 1er janvier 2021. Me Élodie Mulon, avocate parisienne spécialisée en droit de la famille et membre du groupe de travail mis en place par le Conseil national des barreaux pour l’élaboration de cette loi, apporte son éclairage.
Quel changement majeur apporte cette réforme ?
Auparavant, dès lors qu’on se dirigeait vers un divorce contentieux, que ce soit pour faute, pour altération définitive du lien conjugal ou pour acceptation du principe de la rupture, il fallait en passer par deux phases distinctes. On commençait par une requête unilatérale, puis par l’audience de conciliation et l’ordonnance de non-conciliation. Ce n’était qu’une fois ce processus achevé qu’on envoyait, dans un second temps, l’assignation lançant la procédure de divorce à proprement parler.
La réforme a supprimé toute cette première phase, ce qui a suscité quelques inquiétudes. L’audience de conciliation permettait en effet au juge de prendre certaines mesures provisoires, telles que l’attribution de la jouissance du logement, la pension alimentaire et la garde des enfants. Depuis le 1er janvier, les avocats des époux peuvent formuler ce type de demandes dans l’assignation en divorce qui lance directement la procédure. Celles-ci seront alors examinées lors de la nouvelle audience d’orientation et sur mesures provisoires.
Quel est l’intérêt de cette modification de procédure ?
C’est un gain de temps énorme. Avant cette réforme, un divorce contentieux durait en général deux ans et pouvait allait jusqu’à huit ans si vous alliez en cour d’appel. Grâce à la suppression de la première phase de procédure, la loi permet de gagner entre six mois et deux ans et demi dans certains cas, d’autant qu’elle a modifié d’autres délais.
Dans la mesure où la procédure a été raccourcie et qu’elle comprend moins d’actes, le coût pour les époux va aussi potentiellement diminuer. C’est loin d’être négligeable sachant qu’un divorce représente un investissement financier de plusieurs milliers d’euros.
Quels autres délais ont été modifiés ?
La réforme a réduit de moitié la durée de procédure du divorce pour altération définitive du lien conjugal. Cette hypothèse spécifique permet de rompre l’union au motif que les époux ont cessé toute communauté de vie. Or, sous la précédente législation, les conjoints devaient vivre séparément depuis au moins deux ans à compter du jour de l’assignation en divorce. Mais au 1er janvier, la période requise a été réduite à un an.
Ce délai est d’autant plus court que la loi permet un assouplissement supplémentaire. En effet, le fondement juridique du divorce n’est plus obligatoirement précisé dans l’acte introductif d’instance, il peut être annoncé plus tard, dans les premières conclusions au fond. Dans ce cas, si le motif invoqué est l’altération définitive, le juge peut alors choisir d’apprécier le délai d’un an au jour du prononcé du divorce. En d’autres termes, si la condition de durée n’était pas respectée au départ, elle le sera à ce moment-là, ce qui réduit quasiment ce critère à néant.