Automédication: Les laboratoires veulent doper le marché français

Claire Planchard
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 Des magasins en libre accès dans une pharmacie à Paris en 2008.
 Des magasins en libre accès dans une pharmacie à Paris en 2008. — Bertrand Guay AFP/Archives

Le plan com’ était parfaitement rodé: conférence de presse de lancement avec professeur et étude «indépendants» à l’appui, communiqués didactiques illustrés et bien sûr relances téléphoniques insistantes auprès des journalistes.

Un travail de professionnel au service d’une cause bien ciblée: expliquer aux Français par voie de presse l’intérêt de développer le marché de l’automédication, comprenez les médicaments pouvant être délivrés sans ordonnance médicale et par conséquent non remboursé par l’Assurance maladie.

Pour cela, l’Afipa, l’association des professionnels français du secteur, a un argumentaire bien huilé: avec seulement 6,4% de part de marché (contre 10,4% en moyenne en Europe) l’automédication reste sous-développée en France alors que son essor permettrait aux patients de devenir «plus autonomes», et à la Sécurité sociale d’économiser de 400 millions à 1,5 milliard d’euros selon le scénario adopté. Et Pascal Brossard, Président de l’Afipa de conclure dans son communiqué: «Toute la société a intérêt à étendre le système. Les scientifiques et les économistes sont d’accord». 

Un potentiel en voie de développement

C’est sans doute un peu vite dit, mais la campagne tombe à pic selon l’économiste de la Santé Claude Le Pen: «Il semble que l’on vit depuis quelques mois un relatif changement de comportement des consommateurs vis-à-vis des médicaments sans ordonnance: on observe un frémissement sur ce marché longtemps considéré comme auxiliaire, à faible volume et faible croissance, alors que la consommation de médicaments prescrits diminue, elle, de façon continue depuis 2005, alors même que leurs prix sont de plus en plus régulés», explique-t-il.

Dans ce contexte, pas étonnant que le développement du marché français des médicaments non remboursés regagne de l’intérêt pour les firmes qui ont fait le choix miser dessus, mais aussi pour celles qui négligeaient jusque-là de l’investir. 

Le déficit de la sécu par forcément porteur

Pas sûr toutefois que les arguments déroulés dans cette campagne soient des plus efficaces: «Les industriels tiennent beaucoup à l’idée d’économie mais c’est à mon avis un argument contre-productif vis-à-vis du grand public qui est plutôt hostile au déremboursement et qui n’est pas non plus très bon vis-à-vis des pouvoirs publics», relativise Claude Le Pen. 

Sur ce marché du médicament grand public, images de marque et campagnes promotionnelles font en effet plus la loi que les règles médicales classiques, remarque-t-il.

«Ce que veulent les industriels c’est avant tout arrêter la publicité négative menée jusqu’à présent par les pouvoirs publics en expliquant le déremboursement par leur faible utilité ou en soulignant les dangers de l’automédication. C’est pourquoi je leur conseille davantage d’insister sur le service médical rendu aux patients que celui rendu au financeur de tutelle» conclut-il.