Tunisie: comment l'économie va-t-elle être transformée par la révolution de jasmin

TUNISIE Toute l'économie va être transformée par le changement de régime...

Thibaut Schepman
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Des clients prennent le déjeuner dans un café de l'avenue commerçante Habib Bourguiba à Tunis le 1er avril 2010.
Des clients prennent le déjeuner dans un café de l'avenue commerçante Habib Bourguiba à Tunis le 1er avril 2010. — AFP PHOTO / FETHI BELAID

La chute du président Ben Ali marque la fin de la mainmise de son «clan» sur l’économie tunisienne. Après un mois à tourner au ralenti, de nombreux défis l’attendent.

Un rebond de la croissance avec la fin du «népotisme et de la corruption»

Moncef Cheikhrouhou, vice-président du Cercle des économistes arabe, rappelle que la famille Trabelsi dominait l’intégralité de l’économie tunisienne, ce qui constituait un frein de taille pour le pays. «Ils se comportaient comme une mafia qui récoltait de l'argent dans tous les secteurs», assure l’économiste, également professeur de finance internationale à l'école de commerce HEC.

«Toutes les voitures importées devaient être contrôlées par la famille. Les Tunisiens qui souhaitaient importer de nouvelles marques devaient soit offrir une part majoritaire de leur société à un membre de la famille, qui ne payait pas, soit reverser une partie de leurs bénéfices», ajoute-t-il.

En 2004, la Banque mondiale estimait déjà que «sans népotisme et corruption», le taux de croissance du produit intérieur brut tunisien, actuellement d'environ 4% par an, pourrait atteindre 6 à 7%. Soit l’équivalent du taux de croissance de l’Inde. «Je suis persuadé que les Tunisiens ne laisseront pas perdurer la situation. Il y a aujourd’hui une classe de cadres très qualifiés prêts à diriger et à donner de nouvelles orientations à l’économie du pays», avance pour sa part Lahcen Achy, économiste à l’institut Carnegie pour le Moyen-Orient.

Développer de nouveaux secteurs

L’une des «nouvelles orientations» à prendre sera d’investir dans les secteurs de hautes technologies. Un moyen de lutter contre le chômage des jeunes, notamment des jeunes diplômés, l’une des raisons principales de la révolte sociale dans le pays. Parmi les secteurs d’avenir, l’économiste Lahcen Achy  cite notamment «les industries électriques et électroniques», le secteur automobile qui a «beaucoup pâti du népotisme», ou encore les services aux entreprises. «Il y a de nombreux ingénieurs très qualifiés en Tunisie qui bénéficient d’un différentiel de salaire positif par rapport aux  Européens», note-t-il.

 «Réussir la transition» après les révoltes

Trois milliards de dinars, soit 1,6 milliard d’euros. C’est le montant des pertes liées aux dégradations et à la paralysie de l’activité économique au cours de la «Révolution de jasmin», selon l’annonce du ministre de l'Intérieur Ahmed Friaa. Un montant qui représente 4% du PIB tunisien, rappelle l'AFP.

«Ce chiffre nous montre surtout que la situation d’incertitude pèse sur l’économie. Il va maintenant y avoir une période de transition, et la reprise économique dépendra beaucoup du temps que cela prendra», analyse Lahcen Achy, qui s’estime «optimiste sur l’issue du processus». «C’est aujourd’hui que les tour opérateurs proposent leurs destinations, impriment leur documentation. Si l’incertitude demeure, il y a un risque de voir les touristes se déplacer vers d’autres destinations méditerranéennes comme la Turquie ou le Maroc», rappelle-t-il. Bonne nouvelle toutefois pour ce secteur,  premier pourvoyeur de devises du pays, avec 6,9 millions de visiteurs en 2009, l’économiste Moncef Cheikhrouhou note que les infrastructures touristiques ont été épargnées lors du soulèvement.