Budget 2024 : Entre l’inflation et la baisse des dépenses, Bercy tente le grand écart

finance Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et celui des Comptes publics, Thomas Cazenave, ont présenté ce mercredi le projet de loi de finances 2024. Entre la lutte contre l’inflation et la baisse des dépenses publiques, difficile de trancher

Jean-Loup Delmas
Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, et Thomas Cazenave, ministre chargé des Comptes publics, présentaient le budget ce mercredi matin
Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, et Thomas Cazenave, ministre chargé des Comptes publics, présentaient le budget ce mercredi matin — JLD
  • Ce mercredi matin était présenté à la presse les grandes lignes du projet de loi de finances 2024, avant le Conseil des ministres et le difficile passage à l’Assemblée qui s’annonce.
  • Un budget qui oscille entre la volonté d’aider les Français dans la crise actuelle du pouvoir d’achat, et la détermination du ministère de l’Economie à faire baisser les dépenses publiques.
  • Face à ces deux objectifs contradictoires, la transition énergétique, troisième fer de lance du budget selon les mots du ministère, peine à émerger.

Au ministère de l’Economie,

Vent de panique dans le petit monde des journalistes « éco ». Ce mercredi matin, dans la salle de réception de Bercy, les viennoiseries qui accueillent généralement les rédacteurs manquent à l’appel. Lot de consolation, les boissons sont, elles, bien au rendez-vous : jus d’orange, de pamplemousse, de pomme, café et thé… Des restrictions et de l’abondance, un peu à l’image bicéphale du budget 2024 qui s’apprête à être présenté.

Pour ce nouveau projet de loi de finances, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et Thomas Cazenave, chargé des Comptes publics, ont décidé de faire fi du proverbe « Ne jamais courir deux lièvres à la fois ». Le résultat : un budget 2024 censé à la fois lutter contre l’inflation et réduire les dépenses publiques. Histoire de rendre la tâche encore plus complexe, Bruno Le Maire ajoute un troisième défi : accélérer sur la transition écologique.

Objectifs contradictoires

Ces trois objectifs plutôt contradictoires - les ministres ne s’en cachent pas - offrent à ce budget une allure plutôt étrange, continuellement fait de va-et-vient. D’un côté, 10 milliards économisés avec la fin du bouclier tarifaire, de l’autre, 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en indexant les prestations sociales à l’inflation. Dont 14 milliards pour les seules pensions retraites, revalorisés de 5,2 %. La retraite des Français, justement, illustre bien les hésitations du ministère : à ma gauche, 14 milliards dépensés pour soutenir le niveau de vie des seniors, à ma droite, une réforme des retraites dont Bruno Le Maire vante les futures économies qu’elle doit permettre de faire.

Le titre de ce projet de loi de finances 2024 a beau être « Maîtriser la dépense pour investir dans l’avenir », c’est l’inflation qui est citée en premier, et dont les dépenses sont annoncées prioritairement. A croire que la hausse des prix colle comme un vieux chewing-gum à la chaussure de Bruno Le maire, lequel présentait ce matin son septième budget. En poste depuis 2017, le ministre n’a jamais caché son intention de réduire les dépenses publiques. Un objectif à chaque fois contrecarré par une crise massive : les « gilets jaunes », le Covid-19, et désormais une inflation jamais vue depuis les années 1970.

1 % d’économie sur les dépenses publiques en tout et pour tout

A force de contorsion et de reprendre ici ce qu’on donne ailleurs, le ministre, dont le budget sanctuarise la sécurité et l’éducation, réussit à faire une économie globale de 5 milliards d’euros par rapport à l’an passé, soit 1 % d’économie en tout et pour tout. Un résultat bien aidé par la relative tranquillité sur le front du Covid-19, qui assainit drastiquement les dépenses de la Sécurité sociale - le déficit a été divisé par deux entre 2022 et 2023.

Malgré ce résultat, même le sens de la formule de Bruno Le Maire - « si la Banque centrale européenne appuie le frein monétaire et qu’on appuie sur l’accélérateur budgétaire, nous allons dans le mur », « l’inflation, défi des jours passés et des jours à venir », « nous ne demandons pas la baisse des prix, nous l’obtenons » - peine à cacher les incohérences d’un budget qui, pour le dire sans le lyrisme du ministre, a le cul entre deux chaises.

Et la transition écologique dans tout ça ?

Dans ce conflit entre le marteau inflationniste et l’enclume de la baisse des dépenses publiques, le troisième axe - la transition énergétique - a plutôt des allures de cinquième roue du carrosse. Pas un hasard d’ailleurs si elle est citée en dernière. Sur un budget de 491 milliards d’euros - contre 496 en 2023, c’est bien, vous suivez –, 40 sont destinés à la transition écologique, soit 8 %. Environ le prix du seul bouclier tarifaire, 36,8 milliards. Une nouvelle taxe est notamment prévue sur les concessions autoroutières et les grands aéroports, avec l’espoir de rapporter 600 millions d’euros dans les caisses.

Il suffit de voir Bruno Le Maire perdre son lyrisme lorsqu’une journaliste le questionne sur les passoires thermiques. Le ministre s’est prononcé mardi en faveur d’un report de l’interdiction de location de ces logements, censé arriver le 1er janvier 2025. « Je ne veux pas qu’on doute de l’engagement total - total - du ministère des Finances pour la transition écologique », assène-t-il. Avant de citer moult exemples d’actions et de critiquer Bruxelles qui aiderait financièrement la production non européenne. Cinq minutes à ne pas parler des passoires thermiques pour conclure que l’interdiction est en cours de route mais qu’elle nécessite de « la souplesse » et surtout de « la clarté ». A l’image de ce projet de loi.