Restos boudés, gîtes préférés... La météo a fait la pluie et le beau temps de la saison touristique
yoyo de l’été Pour ses vacances, on ne rêve ni de pluie et de grisaille ni de chaleurs étouffantes. Cet été 2023 a été marqué par de fortes variations météo qui brossent une saison contrastée
- La météo capricieuse de l’été a joué avec les nerfs des professionnels du tourisme. Des épisodes de temps maussade et de canicule ont tour à tour obligé les touristes à adapter leurs séjours.
- La fréquentation est en recul dans les restaurants, boudés par les vacanciers à cause de l’inflation. Les musées ont, eux, bénéficié d’un report pendant les épisodes de canicule mais aussi durant les jours pluvieux, pas mal fréquents.
- « On commence à voir que le phénomène de changement climatique a une influence directe sur le comportement des touristes », estime le président délégué de l’office de tourisme et adjoint au maire de Marseille en charge du tourisme durable.
Ce n’est pas nouveau, la mauvaise météo a un gros impact sur les résultats des professionnels de l’été. Cette année, températures en deçà des normales saisonnières et fortes chaleurs ont mis à rude épreuve les nerfs des restaurateurs ou des hôteliers. Après une fréquentation touristique 2022 très bonne, rebond encourageant post Covid-19, celle de l’année 2023 est plus nuancée. « On commence à voir que le changement climatique a une influence directe sur le comportement des touristes. Ils se décident au dernier moment. La médiatisation des prévisions de fortes chaleurs joue aussi », explique à 20 Minutes Laurent Lhardit, président délégué de l’office de tourisme et adjoint au maire de Marseille en charge du tourisme durable.
« La canicule dans le Sud Ouest a été beaucoup annoncée, alors qu’elle n’a duré qu’une semaine et les gens ont fui le soleil », renchérit Franck Chaumes. Un brin agacé, le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie 33 (Umih) pointe une baisse de fréquentation dans les restaurants de 10 à 15 % sur Bordeaux et de 20 à 25 % sur ceux du littoral girondin.
« Les Français se sont restreints sur la restauration »
Et si l’on raconte que beaucoup ont choisi la Bretagne comme asile climatique, les professionnels y assurent que le cœur de saison « n’a pas été à la hauteur des espérances », selon un premier bilan dressé par Tourisme Bretagne. Entre Morbihan et Finistère, les restaurateurs n’affichent pas des mines réjouies : seulement 66 % de professionnels se disent satisfaits. Là, comme dans le Sud, le secteur, déjà plombé par l’inflation, « s’en est sorti avec la hausse des prix », avance Laurent Lhardit. Mais les vacanciers n’ont pas tous pu suivre. « Les Français se sont restreints sur la restauration », résume Franck Chaumes. Celui qui est également à la tête de la branche restauration de l’Umih version nationale avance une baisse de -35 % à -40 % cet été pour les établissements de bouche. Une chute également liée, selon lui, aux récentes émeutes déclenchées par la mort du jeune Nahel à Nanterre.
Dans la région toulousaine aussi, le bilan est mitigé. « Marqués par une météo maussade et une baisse du pouvoir d’achat qui se fait de plus en plus ressentir, les touristes n’ont pas été au rendez-vous en juillet, estime Didier Cujives, président de Haute-Garonne Tourisme. Fort heureusement, cette tendance s’est ensuite inversée avec un mois d’août en progression par rapport à 2022, permettant un été quasiment équivalent à celui de l’an passé. »
« Des logements encore à louer sur Arcachon ou le Cap-Ferret »
Dans les Hauts-de-France, les gîtes, moins dépendants de la réservation de dernière minute, ont eu du succès : +12 % de nuitées vendues en août 2023 par rapport à 2022, selon Gîtes de France. « Sans une météo capricieuse fin juillet début août et l’inflation, la saison aurait été très bonne », tranche Pierre Nouchi, président de l’Umih Hauts-de-France. A titre de comparaison, la fréquentation dans le secteur de l’hôtellerie a chuté de - 10 à -12 % sur le littoral girondin quand les hôtels de Marseille ont vu leur fréquentation baisser de 4,7 points durant ces deux mois d’été.
Franck Chaumes dépeint, lui, une situation difficile en juillet avec une météo très grise qui s’est révélée catastrophique pour les loisirs nautiques sur le Bassin d’Arcachon, entre autres : « les bateaux ne sortaient pas. Et pour la première fois, on a vu, en haute saison, des logements encore à louer sur Arcachon ou le Cap-Ferret ». « Heureusement on a eu un retour de la clientèle étrangère, notamment américaine, avec un ticket moyen plus haut », pointe, pour sa part, Olivier Occelli, directeur général de l’office du tourisme de Bordeaux Métropole. La clientèle anglo-saxonne, friande d’œnotourisme, a en effet contribué à sauver la saison à Bordeaux. « Elle a mis un peu de temps à revenir, post Covid-19, mais on est optimistes et d’ici deux ans on aura retrouvé notre niveau de 2019 », assure Olivier Occelli. Et d’ajouter : « on a eu un été où il y a pas mal de différences. Sur juillet, le temps a été parfois un peu maussade et cela nous a rapporté pas mal de visiteurs en ville, dans les musées. Quand il a fait meilleur, ils sont restés sur le littoral. »
Même discours du côté de la métropole de Nice Côte d’Azur où la fréquentation dépasse celle de 2022, notamment portée par cette salvatrice clientèle internationale. Le trafic aérien de l’aéroport de Nice a ainsi augmenté de +13,4 % par rapport à 2022.
Canicule et mauvais temps profitent aux musées
Dans les Pays-de-la-Loire, la météo maussade a surtout profité aux lieux de visite (avec entrées payantes), à l’image des Machines de l’île, à Nantes, ou de l’Océarium du Croisic. L’événement touristique urbain et gratuit Le Voyage à Nantes a également fait le plein de touristes, y compris fin juillet et début août lorsqu’il pleuvait. La Métropole Grand Lyon avait choisi, elle, de rendre certains musées, dont le Lugdunum, gratuits pendant le dernier épisode de canicule. Cela a porté ses fruits. « Le musée a connu un très bel été avec une hausse de plus de 20 % de sa fréquentation par rapport à la même période en 2022 », pointe Claire Iselin, directrice de Lugdunum.
Et si certains lieux ont été obligés de fermer à cause de la chaleur, comme le château de Laréole en Haute-Garonne [une première depuis l’été 2003], les touristes ont tout de même été généreux. « Nous avons été dans l’obligation de procéder à deux jours de fermeture exceptionnelle les 23 et 24 août, explique Frédéric, guide conférencier au château. Fort heureusement, le chiffre d’affaires de notre boutique est en augmentation de 8 % et nous espérons une fréquentation comparable à septembre l’an dernier ! »
Mercure élevé et temps pourri devraient donc à l’avenir pousser les pros du tourisme à se réinventer. A Marseille où « il n’y avait personne dans les rues entre midi et 16h30 », selon Laurent Lhardit, mais aussi à Bordeaux, on réfléchit déjà à de nouveaux formats de visites. Dans la cité phocéenne, on pense à des lieux, à l’image des « souks », où l’on pourrait se rafraîchir et aussi, à développer davantage l’offre à l’année. « Pendant les journées chaudes dès que ça dépasse 34 degrés, on enlève les visites guidées de l’après-midi, en les reprogrammant le matin, développe Olivier Occelli, à Bordeaux. Et lors des visites oenotouristiques, il y a toujours les châteaux et les caves où il fait bon, et qui restent agréables même quand il fait chaud. »