San Marina, Galeries Lafayette, Kookaï… Va-t-on vers une explosion des défaillances d’entreprises en 2023 ?
Quoi qu’il en coûte Ce début d’année 2023 est marqué par un nombre grandissant d’entreprises en mauvaise situation économique. Le démarrage de douze mois horribles économiquement ou un simple retour à la normale post-Covid ?
- Chaque semaine ou presque, une enseigne iconique fait les gros titres en France pour sa mauvaise situation financière : Kookaï, San Marina, les Galeries Lafayette, Gap France…
- Au-delà de ces quelques exemples, la Banque de France est formelle : en un an, le nombre de défaillances d’entreprises a augmenté de 51,6 %.
- Cette hausse, qui peut paraître spectaculaire, n’est en réalité qu’un lent retour à une situation économique normale.
San Marina en liquidation judiciaire. Vingt-six magasins des Galeries Lafayette mis sous sauvegarde du tribunal de commerce. Kookaï placé en redressement judiciaire. Go Sport et Gap France à la recherche de repreneurs… En ce début d’année 2023, les entreprises tirent sacrément la gueule. D’un point de vue global ? Le 15 février, la Banque de France publiait son rapport mensuel sur les défaillances d’entreprises. En cumul sur les douze derniers mois (entre février 2022 et janvier 2023), 42.640 défaillances étaient comptabilisées, soit 51,6 % de plus que l’année précédente.
Faut-il se préparer à une annus 2023 horribilis, secouée par une explosion des faillites parmi les entreprises ? Si augmentation il devrait y avoir, le terme « explosion », lui, ne convient pas, explique Stéphanie Villers, macroéconomiste et conseillère à PwC France. Car ce à quoi on assiste depuis quelques mois, et qui devrait se poursuivre tout au long de l’année, est plutôt selon elle une « normalisation ». Les aides Covid, issues du fameux mantra « Quoi qu’il en coûte », se sont taries depuis l’été 2021. Or, « elles avaient maintenu artificiellement en vie de nombreuses entreprises », développe Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE). Selon l’experte, on dénombrerait ainsi entre 6 et 13 % « d’entreprises zombies », qui auraient disparu sans les aides massives du gouvernement.
Le Covid-19 n’a pas détruit, il a anesthésié
Revenons à la photo de groupe. Certes, ce total de 42.640 défaillances sur douze mois est bien supérieur à ce qu’on a connu pendant les années Covid-19. Mais il est inférieur de 17 % par rapport au niveau pré-pandémie. En 2019, ce sont ainsi 51.145 crashs qui avaient été comptabilisés, contre seulement 29.845 en 2020 et 27.609 en 2021. La situation s’est donc rétablie légèrement en 2022, mais « le processus de ''normalisation'' est loin d’être fini et devrait se poursuivre tout au long de 2023 et de 2024 », avertit Anne-Sophie Alsif. Autant donc se préparer à d’autres Camaïeu et San Marina dans les mois à venir. D’autant plus que le processus est « ralenti - ou nuancé - » par la bonne santé économique de la France, « entre un chômage très faible et quelques aides publiques, notamment le bouclier tarifaire ou des restes du ''Quoi qu’il en coûte'' », développe l’experte.
On décortiquant les données détaillées de la Banque de France, on s’aperçoit que les secteurs qui connaissaient le plus de défaillances avant la crise sanitaire (la construction, le commerce et la réparation automobile) sont… les plus touchées après la crise. De la même manière, les secteurs les moins concernés avant-Covid (l’industrie, le transport et l’entreposage) sont encore les moins concernés actuellement.
Autrement dit, « le coronavirus n’a pas bouleversé l’ordre des choses ou changé les entreprises les plus touchées. Il n’a fait que mettre en pause », persiste Stéphane Villers. Rappelons notamment qu’en ce qui concerne le milieu de gamme français, particulièrement frappé ces derniers mois, les signes d’une perte de vitesse dataient de bien avant le patient 0 de Wuhan. Le secteur perdait 5 % de chiffre d’affaires par an depuis la crise économique de 2007-2008, indiquait en octobre 2022 Pascale Hébel, codirectrice d’une société de conseil en marketing.
Le lent retour à la normale
C’est donc un retour à la fatalité et au business as usual, dixit Stéphanie Villers : « On a pu l’oublier pendant deux ans, mais l’économie a toujours marché avec beaucoup de défaillances, de crashs, et, à l’inverse, de création d’entreprises. » Darwin appliqué au capitalisme : seuls les plus adaptés survivent, explique-t-elle. « Sans les aides de l’Etat, une entreprise qui n’est pas capable de moderniser son appareil productif se retrouve in fine dans une situation déséquilibrée ».
On se rassure donc (comme on peut), les choses - excepté durant deux ans - ont toujours été ainsi. Et le scénario catastrophe tant redouté pour 2023 n’est pas encore écrit : « Pour qu’on puisse parler d’une explosion des défaillances d’entreprise, il faudrait un nombre beaucoup, beaucoup plus élevé. Rien ne dit aujourd’hui qu’on se dirige vers cette hypothèse », rassure Anne-Sophie Alsif.
Au contraire, après une année 2022 difficile, les choses s’améliorent, juge Stéphanie Villers : « L’inflation ralentit et pourrait disparaître en 2024. La Chine se réouvre après des mois d’une politique Zéro Covid. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les nouvelles économiques sont plutôt bonnes. Il risque encore d’y avoir des turbulences en 2023 et 2024, mais à terme, on devrait retrouver une situation favorable. » Alors 2023, annus pas si horribilis ?