Crise énergétique : « C’est simple, notre facture va être multipliée par trois », déplore ce patron de pressings
Coûts artisanaux De l’électricité, il en faut dans un pressing pour les fers, les séchoirs, etc. Les boulangers ne sont pas les seuls à subir la hausse des prix de l’électricité et du gaz. « 20 Minutes » a interrogé cinq artisans sur la crise énergétique
- Le 23 janvier, les boulangers seront dans la rue pour exprimer leur inquiétude ou leur colère face à la hausse des prix de l’énergie.
- D’autres artisans sont aussi victimes de factures salées d’électricité ou de gaz. 20 Minutes est allé à leur rencontre.
- A Toulouse, Nicolas Dupont nous a ouvert les portes de son pressing du centre commercial Firmis. Il attend de voir la concrétisation des dernières annonces du ministre de l’Economie Bruno Le Maire.
Dans l’arrière-boutique de son Pressing n’co du centre commercial Firmis, à Toulouse, Nicolas Dupont ne cache pas que l’ambiance n’est pas au beau fixe pour sa profession. Et la crise énergétique, c’est un peu la goutte d’eau qui vient faire déborder le vase déjà bien rempli. Si on parle beaucoup des boulangers, les teintureries ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit de consommation d’électricité. Entre les fers à repasser, les machines à laver et les séchoirs, le compteur tourne à grande vitesse, tout comme le montant des factures qui n’ont fait que grimper ces derniers mois.
Des factures et des hommes
« J’ai quatre pressings. Un au tarif réglementé bleu et trois au tarif jaune, le tarif intermédiaire. Pour le tarif bleu, la hausse a été de 15 %, mais pour le tarif jaune, je suis passée de 10 centimes à 22 centimes le kilowattheure [kWh] en novembre et là, au 1er février, on nous annonce 32 centimes le kilowattheure. C’est simple, notre facture globale va être multipliée par trois », déplore Nicolas Dupont. Si on prend l’un de ses magasins au tarif, qui a une consommation annuelle de 45.000 kWh, la douloureuse passera de 4.500 euros l’an dernier si on applique le tarif de 10 centimes, à 14.400 euros en 2023 au nouveau tarif de 32 centimes.
D’autant que ces hausses interviennent après trois années de crise sanitaire qui ont mis à mal les chiffres d’affaires des entreprises du secteur. « Nous n’avons jamais retrouvé le chiffre d’affaires de 2019. En plus de la période de confinement, avec le télétravail nous avons perdu 25 % de chiffres, si on arrive à faire 100 chemises à la journée aujourd’hui c’est extraordinaire. A cela s’ajoute la hausse de 8 % du SMIC mais aussi de nombreux produits que nous utilisons, notamment les produits et nettoyants lessiviels ou encore les ceintres dont le coût est passé de 19 à 35 euros les 500 exemplaires. Cent balles par ci, cent balles par là, tout n’en ayant pas retrouvé le même niveau de chiffre d’affaires, cela nous met dans le dur », poursuit le patron de cette TPE de 10 salariés. Tout mis bout à bout, cela s’est traduit l’an dernier par une hausse de 60.000 euros de ses charges sur un chiffre d’affaires de 720.000 euros.
Jusqu’à présent, Nicolas Dupont avait freiné des deux fers pour répercuter ces hausses sur les tarifs pratiqués dans ses commerces. « Mais on va être obligé de pratiquer une augmentation de l’ordre de 10 %, au bas mot », déplore-t-il.
Les changements pour survivre
Pour essayer de limiter la casse, il a mis en place des procédures pour lancer les machines de blanchisserie la nuit, durant les heures creuses. De faire en sorte qu’elles soient complètes lorsque les tambours se mettent en marche ou d’étendre le linge lorsque cela est possible plutôt que de le passer au sèche-linge qui est « un gouffre » niveau consommation d’énergie. « En termes d’éclairage, on tend aussi vers les LED. Mais ce sont des bouts de chandelle », assure le commerçant.
Des aides de l’Etat ou des collectivités ?
Pour faire face à la flambée des prix de l’énergie, il ne bénéficie pour l’heure d’aucune aide spécifique. Et attend de voir la concrétisation de celles annoncées par Bruno Le Maire vendredi qui a assuré que les fournisseurs des TPE ne feraient pas payer plus de 280 euros le MWh en moyenne cette année. Ce qui fera quand même une facture de 12.600 euros à l’année rien que pour l’un de ses magasins.
« Et puis entre le moment de l’annonce et celui où elle est opérationnelle, il y a toujours des cas particuliers qui se présentent. Lors de la crise Covid, lorsque les galeries marchandes ont dû fermer, Le Maire avait annoncé qu’on ne payerait pas les loyers. Finalement, on nous a dit que nos entreprises avaient été aidées, via le chômage partiel, et qu’on devait payer », se souvient celui qui a bénéficié d’un prêt garanti par l’Etat, qu’il a commencé à rembourser.
Comment se voit-il en janvier 2024 ?
Et c’est bien l’un de ses soucis. Entre ces mensualités qu’il doit à l’Etat et les répercussions des hausses sur la main-d’œuvre, les loyers des quatre magasins et le coût de l’énergie, l’horizon est loin d’être dégagé. « En 2021, ce qui nous a fait mal, c’est le remboursement des loyers. L’an dernier, on était à l’équilibre, mais avec ce qui arrive, on y est plus du tout. Ce que nous remboursons chaque mois à l’Etat pour le PGE nous manque à la fin », calcule le teinturier toulousain.
Entre le début et la fin de la crise Covid, trois de ses dix salariés sont partis, à la retraite ou encore en maladie. Une masse salariale stabilisée à dix personnes, mais pour laquelle il peut difficilement descendre en dessous au vu de l’amplitude horaire de ses magasins. Alors il espère que les aides seront réelles. Même s’il ne comprend pas « pourquoi les aides ne seraient pas les mêmes pour tous ».