Consommation : Les causes de l'inflation dans l'alimentaire pointées par Michel-Edouard Leclerc sont-elles justes ?

FAKE OFF Pour le patron des centres E. Leclerc, la hausse des produits alimentaires est liée à la « crise de l'énergie », la période du Covid-19 et à l'impact d'une nouvelle loi

Mathilde Cousin
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Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E. Leclerc, pointe du doigt plusieurs mécanismes expliquant l'inflation des prix de l'alimentaire.
Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E. Leclerc, pointe du doigt plusieurs mécanismes expliquant l'inflation des prix de l'alimentaire. — LOIC VENANCE / AFP
  • Qu'est-ce qui cause la hausse des prix dans les supermarchés ? Ce n'est pas la guerre en Ukraine, a affirmé Michel-Edouard Leclerc, mais d'autres facteurs, comme la reprise de l'activité économique ou la crise de l'énergie.
  • Egalement dans le viseur du président du groupe E. Leclerc, une loi, qui, en rendant le prix des matières premières non négociable, aurait contribué à ces hausses.
  • Il est difficile actuellement d'affirmer quel est l'impact de cette loi.

L’inflation sur les prix des denrées alimentaires, une conséquence de la guerre en Ukraine ? Non, répond Michel-Edouard Leclerc. Invité de pas moins de quatre médias mardi et mercredi, le président du Comité stratégique des supermarchés du même nom a pointé pour expliquer  ces hausses, les désorganisations logistiques liées au Covid-19, la « reprise de la croissance » et la « crise de l’énergie ». L’homme d’affaires a également souligné l’augmentation du coût de certains matériaux ou encore la grippe aviaire, qui entraînerait une rareté des œufs.

Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E. Leclerc, pointe du doigt plusieurs mécanismes expliquant l'inflation des prix de l'alimentaire.
Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E. Leclerc, pointe du doigt plusieurs mécanismes expliquant l'inflation des prix de l'alimentaire. - ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

En plus de ces facteurs internationaux, le patron des centres Leclerc dénonce « une politique de rattrapage qui a été voulue par les pouvoirs publics, de mieux rémunérer l’agriculture ». Dans son viseur, une loi, dite Egalim 2, qui vise notamment à mieux rémunérer les agriculteurs. « La loi Egalim 2 nous a obligés à passer des hausses de prix fin février qui vont être dans les magasins maintenant », a-t-il complété sur BFMTV, alors qu’industriels et distributeurs se sont rassis depuis un peu plus d’un mois à la table des négociations pour revoir les prix. Un argumentaire que Michel-Edouard Leclerc  déroulait déjà fin mars sur son blog.

FAKE OFF

L’inflation est bien là, comme l’a constaté le patron des hypermarchés : en avril, l’Insee a relevé 3,8 % d’augmentation en un an sur l’alimentation. Dans le détail, la facture augmente même de 6,6 % sur les produits frais. Mais est-ce le seul facteur de cette valse des étiquettes ? « Il y a bien un effet destructeur du Covid : on a une industrie perturbée, des transports perturbés », rappelle à 20 Minutes Stéphane Gouin, maître de conférences en marketing agroalimentaire à l’Institut Agro Rennes Angers. La hausse des prix de l’énergie est une tendance depuis plusieurs mois.

Quid de la loi citée par Michel-Edouard Leclerc ? A-t-elle contribué à l’augmentation des prix ? Difficile à dire car il n’existe pas, actuellement, d’étude sur son impact sur les prix en rayon. Un observatoire est chargé d’observer les prix pratiqués entre industriels de l’agroalimentaire et les distributeurs, comme E. Leclerc. Si aucune communication sur les montants conclus entre les deux parties à l’issue des négociations qui se sont achevées le 1er mars n'a encore été effectuée, industriels et distributeurs semblent s’orienter vers une hausse de 3 %.

Cela ne doit pas toutefois être entendu comme une hausse de « 3 % dans les prix en rayons payés par les consommateurs », détaille le ministère de l’Agriculture auprès de 20 Minutes. « Une hausse du prix payé à l’industriel sur la matière première agricole ne signifie pas forcément de fortes hausses en rayon, continue le ministère. La part du prix de matière première agricole dans un produit est limitée (au maximum 20 %) le reste étant l’emballage, le transport… » Les distributeurs, qui proposent une large gamme de produits dans leurs magasins, choisissent également parfois de réduire les marges sur un produit tout en les conservant sur d’autres.

Une première version de la loi, qui ne prévoyait toutefois pas la sanctuarisation du prix des matières premières, n’avait pas « impliqué d’inflation significative » sur les prix à la consommation, rappelle Céline Bonnet, co-autrice d'un rapport publié en 2020 analysant l’impact de ce texte.