Epargne : Pourquoi les Français boudent-ils le livret d’épargne populaire (LEP), pourtant plus rémunérateur que le livret A ?
BANQUE Moins de 50 % des Français pouvant ouvrir un livret d’épargne populaire en ont fait la démarche
- En février, le Fisc a envoyé un mail aux Français éligibles au livret d’épargne populaire (LEP) pour vanter les mérites de placement.
- Le LEP reste plutôt boudé par la population : seuls sept millions de personnes en ont ouvert un, sur un total de 15 millions de Français éligibles.
- Les raisons de ce manque d’adhésion sont multiples. Le LEP ne manque pourtant pas d’atouts pour convaincre les épargnants.
Le 1er février, le monde de l’épargne a lancé la mission : « Il faut sauver le soldat Livret d’épargne populaire », quelque peu boudé par les Français et les Françaises. A compter de cette date, son taux d’intérêt est passé de 1 à 2,2 %, une hausse que le Fisc a annoncé dans un mail au titre clair – « Avez-vous pensé au Livret d’Épargne Populaire (LEP) ? » –, qui fut envoyé à toutes les personnes éligibles.
Selon les données de la Banque de France, fin 2020, elles seraient 15 millions en France à pouvoir ouvrir un tel compte, mais seulement 7 millions d’entre elles seraient passées à l’acte. Pourtant, le mail du Fisc le rappelle, le LEP « offre des conditions de rémunération attractives », reste exonéré d’impôts et est tout aussi souple que son cousin plus prisé, le livret A.
Méconnaissance plus que désamour
Alors livret d’épargne populaire, pourquoi es-tu si peu aimé ? Les raisons de cette bouderie ne manquent pas, liste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Premièrement, le LEP s’adresse uniquement aux classes populaires et moyennes inférieures, puisque pour être éligible, il faut avoir un revenu 2020 inférieur à 20.296 euros. De fait, « c’est une population qui a peu les moyens d’épargner », met en évidence le spécialiste, ce qui expliquerait que 8 millions de personnes éligibles n’ont toujours pas de LEP.
Plutôt que mésestimé, le livret d’épargne populaire serait surtout méconnu, « d’autant plus que les populations les moins aisées sont celles avec le moins de culture sur l’épargne », note le directeur. « Les banques mettent également peu le LEP en avant, car il est coûteux pour elles », appuie-t-il. Comme tous les comptes épargne, le LEP souffre de la place privilégiée du livret A dans le cœur des Français. Un livret détenu par 55 millions d’épargnants, soit 85 % de la population. « Le livret A, c’est simple d’utilisation, c’est connu, c’est pratique. Souvent, les Français ne cherchent pas à se renseigner sur les autres épargnes et restent dans ce qu’ils maîtrisent », poursuit Philippe Crevel. Et qu’importe si désormais, le taux d’intérêt du LEP est plus du double que celui du livret A (2,2 % contre 1 %).
Un avantage trop peu important pour compter
François Geerolf, professeur d’économie et spécialiste des questions d’épargne, explique ce relatif désintérêt par un manque d’enjeu financier. « Passer du livret A au LEP ne change en réalité pas grand-chose sur le pouvoir d'achat », dévoile le professeur, qui se base sur un simple calcul : plafonné à 7.700 euros, le livret d’épargne populaire rapporte dans le meilleur des cas 14 euros par mois à son épargnant. En comparaison, ces 7.700 euros rapporteraient 6,5 euros mensuels sur un livret A. « Soit 7,5 euros par mois de différence… Même si ça peut compter pour les classes populaires, il ne s’agit pas d’un enjeu majeur ».
Autre raison évoquée par le professeur d’économie, la hausse des prix actuels qui n’invite clairement pas à l’épargne. « Même à 2,2 % d’intérêt, l’épargne grimpe moins vite que l’inflation. C’est donc un mauvais calcul d’épargner, l’heure est plutôt à la dépense avant que les prix ne bondissent encore plus », souligne l’expert. Evidemment, l’épargne reste une solution adoptée par de nombreux Français et Françaises malgré sa non-rentabilité immédiate, en raison de la peur de l’avenir et des lendemains incertains avec les conséquences économiques de la crise du coronavirus. « Mais cela reste une option secondaire, rappelle le professeur. La vraie lutte actuelle des classes populaires ou moyennes inférieures, c’est l’augmentation des salaires, pour compenser le niveau de l’inflation. »
Mauvais souvenir et complexité
Dernière raison évoquée, le LEP peut avoir mauvaise presse suite à sa complexité passée. Jadis, il fallait prouver chaque année qu’on était éligible à cette épargne en montrant sa feuille d’imposition à sa banque. Une gageure administrative supprimée par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire il y a deux ans, remémore Philippe Crevel en s’interrogeant « Mais qui est au courant ? ».